Philippe Michaud est actuellement consultant au ministère de la Pêche et de l’Économie bleue des Seychelles. Diplômé de la London School of Economics, Philippe Michaud a été directeur général de la Seychelles Fishing Authority avant d’être conseiller technique auprès du ministère de la Pêche. Il est devenu conseiller spécial à l’Économie bleue lorsque ce ministère a été créé en 2016 et est également membre du conseil d’administration international de la FiTI.

« Nous n’avons rien à cacher, mais tout à partager »

Pourquoi semble-t-il normal qu’une nation de pêcheurs appuie l’Initiative pour la transparence des pêches ? Point de vue d’un des premiers candidats.

Rural 21 : Monsieur Michaud, la République des Seychelles est un pays candidat à l’adhésion à la FiTI depuis avril 2020 et est le premier à soumettre un rapport de transparence. Pourquoi votre pays a-t-il choisi d’adhérer à l’Initiative ?

Philippe Michaud: Avec une zone économique exclusive de 1 365 kilomètres carrés et une superficie terrestre de seulement 454 kilomètres carrés, les Seychelles sont un État océanique et toutes ses activités tournent autour de l’océan. Il met actuellement totalement l’accent sur le développement des activités basées sur l’océan, essentiellement le tourisme et la pêche, qui sont les deux principaux piliers de l’économie du pays et qui doivent être durables. La pêche maritime est un élément déterminant du tissu social, économique et culturel des Seychelles. La bonne gouvernance est essentielle et pour que ce secteur prospère, nous avons besoin de la pleine participation de toutes les parties prenantes, pas seulement du gouvernement. De plus, la transparence et la participation sont quelques-uns des principes clés de l’économie bleue activement encouragée par le gouvernement.

La décision de devenir un pays candidat à l’adhésion à la FiTI a été prise avec le soutien total du président d’alors et d’autres parties prenantes. Le principal objectif des Seychelles, lorsque le pays a décidé de se conformer à la FiTI, était d’utiliser l’initiative pour fournir au gouvernement des lignes directrices claires sur la procédure à suivre pour collecter, vérifier et divulguer des informations pertinentes sur la pêche. Nous nous attendons à ce que cela bénéficie à l’ensemble du secteur de la pêche – industrielle, semi-industrielle et artisanale – ainsi qu’à la société civile et aux investisseurs qui aident les Seychelles à devenir un des leaders de la gestion durable de la pêche au niveau international. 

Rural 21 : Quelles sont les parties prenantes au processus ?

Philippe Michaud: Le processus a commencé par une forte implication et un fort soutien du gouvernement. La société civile et l’industrie ont ensuite été invitées à participer. Initialement, le groupe multipartite national, le NMSG, comprenait sept membres mais il a ensuite été élargi à douze membres pour inclure des représentants du secteur, de la jeunesse et des pêcheurs de Praslin, la deuxième île des Seychelles en superficie. Les représentants du gouvernement comprenaient un membre du ministère de la Pêche et deux membres de l’Assemblée nationale, l’un parlant au nom du gouvernement et l’autre au nom de l’opposition. La société civile, par l’intermédiaire de la plateforme d’engagement citoyen (Citizens Engagement Platform Seychelles, ou CEPS), a nommé deux membres représentant les ONG, et un membre représente l’Initiative pour la transparence aux Seychelles (Transparence Initiative Seychelles). Le secteur de la pêche compte un représentant des pêcheurs artisanaux, un représentant de la pêche industrielle et un représentant des transformateurs de poisson. En tant que représentant du NMSG, j’ai expressément demandé que chaque membre ait un suppléant, car les membres ne peuvent pas toujours être présents à toutes les réunions.

Rural 21 : A-t-il été difficile d’obtenir l’adhésion de toutes les parties prenantes ? Et tous les intérêts sont-ils réellement défendus ?

Philippe Michaud: Nous avons rencontré un gros problème dû au fait que le secteur de la pêche, surtout en ce qui concerne les pêcheurs artisanaux, est représenté par des organisations faibles. Il est donc difficile de sélectionner les membres des différents sous-secteurs. Des efforts sont néanmoins faits pour mieux habiliter les pêcheurs artisanaux. Les réunions du groupe multipartite national se sont toutefois déroulées dans un climat plaisant et constructif. Il est également très encourageant de voir les membres des deux parties politiques collaborer dans un esprit bipartisan. 

Rural 21 : Quelles conséquences pratiques votre participation aura-t-elle pour les parties prenantes du secteur de la pêche ?

Philippe Michaud: La présentation du premier rapport FiTI a mis en lumière un certain manque d’informations concernant l’acquisition des données, et certaines lacunes en matière de déclaration, notamment de la part de titulaires de permis étrangers. L’identification de ces insuffisances a contribué à l’amélioration du prochain rapport en cours de préparation. Le rapport a été très apprécié par les parlementaires lorsque nous les avons rencontrés dans le cadre d’une réunion de travail. Il leur a permis de demander des clarifications dans certains domaines, par exemple celui de la propriété véritable. À l’avenir, une attention accrue sera accordée à ces questions. L’intérêt porté par la société civile aux accords de pêche avec des pays étrangers a contribué au fait que bon nombre de ces accords ont ultérieurement été rendus publics. Cela entraînera une amélioration du dialogue entre toutes les parties et une réduction de la désinformation et permettra de se concentrer que les vraies questions bénéfiques au pays.

Rural 21 : Des avancées ont-elles déjà été constatées ?

Philippe Michaud: Les avancées résultent de l’intérêt porté par un large éventail de parties prenantes à des domaines tels que la mise à la disposition du public des noms des titulaires de permis dans la pêche très lucrative du concombre de mer, la comparaison des divers accords de pêche avec des navires étrangers, la situation des diverses réserves halieutiques, etc. La forte implication de tous les membres du NMSG a contribué à l’élaboration de 34 recommandations sur la façon dont le gouvernement peut encore renforcer le leadership du pays en matière de transparence dans le domaine de la pêche. Ces recommandations vont de la création d’un registre en ligne d’immatriculation des navires à la publication des résultats des récentes évaluations des stocks de poissons dans nos eaux territoriales. Elles ont également suscité un intérêt dans la presse et les réseaux sociaux sur l’importance de la pêche ainsi que sur les problèmes auxquels le secteur est confronté.

Lors de la publication du rapport FiTI, JeanFrançois Ferrari, ministre de la Pêche et de l’Économie bleue, n’a pas hésité à insister sur l’importance de la politique de la pêche des Seychelles : « Ce gouvernement entend clairement faire du secteur de la pêche le plus transparent du monde. Nous n’avons rien à cacher, nous avons tout à partager. »

Recommanderiez-vous à d’autres pays de suivre votre exemple ?

Philippe Michaud: La crédibilité générale d’un pays bénéficie grandement de son traitement transparent d’informations essentielles, par exemple lorsque des données sur les accords de pêche, sur les revenus et sur l’état des réserves halieutiques, etc., sont rendues publiques. La coopération active du gouvernement et des représentants de la société civile renforce la confiance des investisseurs qui savent qu’ils opéreront dans un pays où les règles du jeu sont les mêmes pour tout le monde, tous les gouvernements fournissant des informations selon un cadre cohérent. 

Les parties prenantes, par exemple les gouvernements et le secteur de la pêche commerciale, ont de plus en plus conscience de devoir agir dans la transparence, mais ils savent aussi que cette transparence servira leurs intérêts. En rendant la gestion de la pêche plus transparente et inclusive, la FiTI présente des avantages pour toutes les parties prenantes. Aux Seychelles, nous croyons également que l’Initiative contribuera grandement à la réussite de notre Plan de cogestion de la pêche au piège et à la ligne du plateau de Mahé, car toutes les parties prenantes savent qu’elles sont considérées comme des partenaires essentiels et égaux et ont accès à des informations crédibles.

Je pense que les pays qui croient sérieusement à la bonne gouvernance du secteur de la pêche ont tout intérêt à adhérer à la FiTI.

Philippe Michaud était interviewé par Silvia Richter.

Le secteur de la pêche aux Seychelles

Le secteur de la pêche des Seychelles se subdivise en trois sous-secteurs : la pêche artisanale, la pêche semi-industrielle et la pêche industrielle au thon.

La pêche artisanale joue un rôle considérable pour la sécurité alimentaire, l’emploi et les revenus. Elle est exclusivement pratiquée par les pêcheurs artisanaux seychellois et leur est réservée, et elle concerne essentiellement les espèces démersales et semi-pélagiques. Les bateaux de pêche font de 4 à 15 mètres de long et le principal matériel utilisé est le suivant : lignes et hameçons, lignes dormantes, pièges et filets. Le total estimé des captures enregistrées en 2016 s’élevait à 2 516 tonnes métriques, dont environ 80 pour cent en pêche à la ligne et 16 pour cent en pêche au piège, la pêche d’invertébrés représentant 4 pour cent du total des captures artisanales. La pêche est essentiellement limitée au Plateau de Mahé dont la superficie est d’environ 40 000 kilomètres carrés. Certains stocks du Plateau font l’objet d’une surpêche et il est urgent de prendre des mesures de gestion.

La pêche semi-industrielle, qui a débuté en 1995, vise essentiellement le thon et l’espadon. En 2018 la flotte comptait 41 bateaux de 14 à 23 mètres de long. Ces bateaux opèrent essentiellement dans la zone économique exclusive des Seychelles, mais quelques-uns vont parfois pêcher en haute mer. En 2018, les captures déclarées s’élevaient à 1 228 tonnes métriques. Ces dernières années, cette pêche a connu un certain nombre de problèmes (réduction de la demande à l’exportation et remboursement des dettes).

La pêche au concombre de mer (holothurie), qui a commencé dans les années 1980 et a connu une croissance rapide, est un autre domaine d’activité. Dès 1999, on a constaté les premiers signes de réduction de la population, notamment une diminution des volumes d’espèces à hautes valeur obligeant les pêcheurs à plonger plus profondément pour maintenir leurs taux de captures. Des inquiétudes ont également été exprimées quant à la durabilité de la pêche. En réponse au dépeuplement local de certaines espèces, le ministère de la Pêche des Seychelles a mis en œuvre quelques mesures de gestion en 1999.

En ce qui concerne la pêche industrielle au thon, Port Victoria, la capitale de l’archipel, est un important centre de pêche à la senne coulissante qui s’est développée dans le milieu des années 1980. Aujourd’hui, environ 44 senneurs à senne coulissante sont autorisés à pêcher dans les eaux des Seychelles, la majorité d’entre eux dans le cadre d’un partenariat de pêche durable avec l’Union européenne. Treize autres pêchent sous pavillon seychellois et les bateaux restants sont mauriciens ou sud-coréens. Aux Seychelles, c’est, de loin, la pêche la plus importante et celle qui est une source cruciale de devises étrangères, d’emploi et de recettes. Ce qu’il faut, c’est s’assurer que le pays tire plus profit de ce type de pêche. On considère que le thon albacore, le plus pêché après le thon listao, est surexploité.

Il y a aussi la pêche à la palangre, qui est dominée par les flottes du sud-est asiatique et qui se concentre essentiellement sur le marché juteux du sashimi congelé. Les Seychelles comptent environ 60 palangriers, qui battent pavillon seychellois mais sont sous contrôle étranger. Très peu de prises sont débarquées ou transbordées aux Seychelles, et ces bateaux font très rarement escale dans un port seychellois. À part les frais d’immatriculation des bateaux, les frais administratifs et les honoraires des mandataires du système de surveillance des bateaux (Vessel Monitoring Scheme – VMS), la contribution à l’économie des Seychelles est peu importante.

Plus d’informations :

FiTI Website: https://www.fiti.global

The FiTI standard: https://www.fiti.global/fiti-standard

FiTi: Seychelles launches 1st FiTI Report ever! https://www.fiti.global/seychelles-launches-1st-fiti-report-ever

Rise up: Seychelles And Mauritania Submit World’s First Reports To Fisheries Transparency Initiative. https://www.riseupfortheocean.org/2021/06/seychelles-and-mauritania-submit-worlds-first-reports-to-fisheries-transparency-initiative/

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