Dans les situations d’urgence humanitaire, comme ici dans le nord du Nigeria, les projets de transferts monétaires sont devenus des outils incontournables.
Photo: © ActionAgainstHunger/ Nigeria

Défier le désespoir – un projet de la coopération internationale de la Suisse

Dans le nord-est du Nigéria, des millions de personnes subissent les violences de milices islamistes. Dans l’État de Yobe, la coopération internationale de la Suisse (DDC) offre un soutien aux familles vulnérables qui, grâce à de petites contributions régulières, peuvent se nourrir sainement et envisager une nouvelle existence.

Ces dernières années, dans le nord-est du Nigéria, la situation humanitaire s’est fortement détériorée. Fin 2022, plus de trois millions de personnes vivant dans les États du nord-est du pays, Borno, Adamawa et Yobe (États BAY), ne pouvaient plus se nourrir correctement et dépendaient de l’aide humanitaire. « Dans cette région, la population est épuisée et découragée, relève Moise Makuta, directeur d’Action contre la faim (ACF) au Nigéria.

Cette crise s’explique principalement par la violence continue qui s’est installée au Nigéria : l’armée et différentes factions du mouvement islamiste Boko Haram s’entredéchirent. La population civile subit des attentats suicides, des enlèvements et des viols. Ces dernières années, des millions de personnes ont voulu échapper à cette violence. « Les gens fuient les campagnes et se réfugient dans les villes, abandonnant leurs champs », résume Moise Makuta. « La production de denrées alimentaires diminue, ce qui ne peut qu’exacerber une situation alimentaire déjà tendue.»

Une carte de crédit pour les plus vulnérables
 

En juillet 2022, l’ACF a, avec l’appui de la DDC, lancé un projet d’assistance en espèces et en coupons (CVA) dans l’État de Yobe pour répondre à cette immense détresse. Dans deux communes, 10 000 femmes et hommes issus de 2 000 foyers particulièrement vulnérables ont été sélectionnés. Ces personnes ont reçu une « carte de crédit » sécurisée par des données biométriques qui leur permet de se procurer des marchandises ou de l’argent liquide dans les magasins locaux.

Chaque mois, 5 000 nairas (un peu moins de dix francs suisses) leur sont crédités. « Avec cette carte, nous aidons les personnes les plus démunies à renouer avec les marchés locaux », commente Moise Makuta. Généralement, ces marchés continuent à fonctionner, même dans des conditions déplorables, pour autant qu’il y ait des clientes et des clients. Les commerces prenant part au projet reçoivent une petite commission de l’ACF.

Lors d’interventions humanitaires, il a souvent été constaté par le passé que les denrées distribuées étaient revendues sur les marchés locaux, les personnes les plus démunies préférant disposer d’argent liquide. « Les priorités et les besoins ne sont pas les mêmes pour toutes et tous », explique Moise Makuta, qui observe, par exemple, que beaucoup des personnes soutenues commencent à rembourser les dettes accumulées dans l’urgence dès lors qu’elles ont pu apaiser un peu leur faim. C’est là un pas important pour être à nouveau considérés comme des débiteurs crédibles et rétablir la reconnaissance sociale.

D’autres investissent une part de la somme dans un petit jardin pour produire leurs propres légumes. Dans le cadre du projet, 350 familles ont également reçu un montant unique de 50 000 nairas (quelque 100 francs) pour créer leur propre commerce, comme un snack ou un petit magasin. « Quand les gens ne sont plus uniquement absorbés par leur survie, ils font des miracles », souligne Moise Makuta.

Centre pour l’être humain
 

Ces dernières années, l’assistance en espèces et en coupons (Cash and Voucher Assistance, CVA) s’est imposée au sein de l’aide humanitaire. En 2021, elle représentait 6,7 milliards de dollars, soit quelque 19 pour cent des dépenses humanitaires dans le monde. En 2019, avec d’autres États, la Suisse a officiellement reconnu les atouts de la CVA dans le secteur de l’aide humanitaire, la présentant comme une stratégie efficace et axée sur l’être humain. « La CVA, c’est aussi une histoire de dignité, souligne Roberto Lang, responsable de programme pour le Nigéria à la DDC. Elle redonne aux gens une part d’autonomie. » Par ailleurs, l’expérience montre que l’aide via la CVA atteint souvent plus rapidement les bénéficiaires, lesquels peuvent décider eux-mêmes comment utiliser au mieux l’argent.

Forte implication des communes
 

Les retours des bénéficiaires du projet montrent que la situation alimentaire s’est améliorée dans les foyers, rapporte Moise Makuta. Des abus n’ont eu lieu que dans quelques cas isolés. Pour éviter que le soutien offert ne suscite des jalousies, la commune a été largement impliquée dès le départ, y compris les principaux décideurs et décideuses de la région concernée.

Les critères de sélection des bénéficiaires ont été définis d’un commun accord : l’âge, un éventuel handicap, l’attente d’un bébé ou la perte récente de son logement. « Notre société est basée sur la collectivité. En principe, les gens se préoccupent de leurs voisines et voisins. » dit Makota.

Les projets cash sont ambitieux sur le plan social. Ils supposent aussi que certaines conditions politiques et techniques soient réunies. Ce début d’année l’a clairement montré, lorsque le gouvernement a annoncé que les anciens billets seraient retirés de la circulation au profit de nouveaux. En réalité, il s’agissait d’instaurer une économie sans numéraire, dans l’État le plus peuplé d’Afrique, qui compte 224 millions d’ habitants.

Mal planifiée, la réforme a viré à la catastrophe, notamment faute d’infrastructure pour les paiements numériques ou, parce que là où cette infrastructure existe, une large part de la population n’y a pas accès.

À court terme, les responsables du projet ont trouvé un accord avec des banques commerciales. Le financement de cette intervention de crise, planifiée pour une année, a pris fin en juillet. « C’est pourquoi nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement local, en espérant qu’il pérennisera le programme sous forme d’une assurance sociale pour les plus vulnérables », indique Moise Makuta.

(DDC/wi)

 

Lien vers le dossier « Sécurité alimentaire » dans le magazine de la DDC « Un seul monde »

 

 

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