La biodiversité africaine est menacée par une crise dont les trois dimensions sont le changement climatique, la croissance démographique et le changement d’affectation des terres.
Photo: © Mirjam Pfeiffer

Triple crise pour la biodiversité africaine

Les aires protégées de l’Afrique sont les derniers bastions de la biodiversité unique du continent, mais elles sont de plus en plus menacées par le changement climatique, la croissance démographique substantielle et le changement d’affectation des terres.

Des chercheurs de l’Institut Senckenberg en Allemagne et de l’université Stellenbosch en Afrique du Sud ont étudié l’impact que le changement climatique pourrait avoir sur la végétation des aires protégées africaines. Dans cette étude, publiée dans la revue « Conservation Biology », l’équipe montre comment ces effets peuvent coïncider avec la croissance démographique et les changements d’affectation des terres. D’après leurs simulations, la biodiversité de la quasi-totalité des aires protégées sera menacée par au moins un de ces facteurs d’ici la fin du XXIe siècle.

L’éléphant d’Afrique, le rhinocéros blanc, le léopard, le buffle du Cap et le lion (« les cinq grands ») symbolisent la faune unique de l’Afrique. « Les aires protégées de l’Afrique abritent une biodiversité qui est loin de se limiter à ces cinq animaux emblématiques. Elles sont les derniers bastions de la biodiversité unique du continent, explique Carola Martens de l’Institut de recherche Senckenberg sur la biodiversité et le climat (SBiK-F) et de l’université Goethe de Francfort en Allemagne. Mais cette diversité est menacée par le changement climatique, la croissance démographique et les futurs changements d’affectation des terres ! ».

Carola Martens et ses collègues Thomas Hickler (SBiK-F), Simon Scheiter (SBiK-F) et Guy F. Midgley (université Stellenbosch) ont étudié les futurs impacts des modifications de la végétation liées au changement climatique dans les aires protégées africaines, en y associant la densité de population et l’utilisation des terres, dans deux scénarios jusqu’à la fin du XXIe siècle.

Leur étude de modélisation a pour but de montrer à quel niveau les trois facteurs joueront un rôle important dans les décennies à venir et dans quelle mesure ils sont susceptibles d’interagir. « Le changement climatique menace de plus en plus la biodiversité puisque les zones de végétation et les habitats de nombreuses espèces évoluent. En outre, la population mondiale en pleine croissance, dont le niveau de vie augmente dans le monde entier, a besoin de superficies de production alimentaire toujours plus importantes pour répondre à la demande croissante de viande et de bioénergie. Nous ne pourrons mettre fin aux pertes de biodiversité que si nous comprenons les interactions entre le changement climatique, la croissance démographique et l’utilisation des terres », explique Carola Martens.

Utilisation du modèle aDGVM (adaptive Dynamic Global Vegetation Model)
 

Les simulations ont été réalisées en utilisant le modèle aDGVM (adaptive Dynamic Global Vegetation Model) pour les deux scénarios suivants : le scénario « moyen », en vertu duquel le développement actuel de la société se poursuit avec l’adoption de certaines mesures d’atténuation du changement climatique, et le scénario « développement des énergies fossiles ». Dans ce dernier, le développement économique et social est basé sur une exploitation accrue des ressources en énergies fossiles avec une teneur élevée en charbon et un mode de vie à forte intensité énergétique dans le monde entier.

Les chercheurs ont également analysé des scénarios mondiaux portant sur le développement de la population humaine et de l’utilisation des terres.

« Les résultats montrent que, dans les deux scénarios, le couvert forestier augmente généralement dans les prairies et les savanes actuelles de l’Afrique. Pour les aires protégées d’Afrique de l’Ouest, nos analyses révèlent une modification de la végétation liée au climat, associée à une pression croissante de la démographie et sur l’utilisation des terres. Seule la majorité des aires protégées d’Afrique du Nord pourrait ne pas subir de modifications de la végétation, combinée avec une baisse de la pression démographique et de la pression sur l’utilisation des terres, mais, de manière générale, la pression sur les aires protégées augmente », explique le chercheur de Senckenberg.

Selon l’étude, le scénario du « développement des énergies fossiles » entraîne davantage de modifications du couvert forestier liées au changement climatique et une pression accrue sur l’utilisation des terres à l’échelle du continent, tandis que le scénario « moyen » se caractérise par une future pression démographique accrue.

« Nos travaux montrent qu’à l’avenir, pratiquement toutes les aires protégées seront menacées par au moins un facteur : le changement climatique conduit à de larges modifications de la végétation, à une hausse importante de la population autour de l’aire protégée ou à une pression croissante sur l’utilisation des terres.

« La biodiversité des aires protégées d’Afrique de l’Ouest pourrait être particulièrement affectée par ce phénomène, sachant qu’elle est confrontée à la fois aux impacts du changement climatique, à la croissance démographique et au changement d’affectation des terres », résume Carola Martens. Selon elle, une solide compréhension des conditions écologiques et socio-économiques de chaque aire protégée ainsi que des conflits actuels ou des futurs conflits potentiels est essentielle pour la planification des aires protégées. Les stratégies de conservation et de protection doivent être adaptées au niveau régional et local, de manière à contribuer à la protection de la diversité unique des écosystèmes africains.

(Senckenberg/wi)

 

Publication :

Martens C, Scheiter S, Midgley GF, Hickler T. Combined impacts of future climate-driven vegetation changes and socioeconomic pressures on protected areas in Africa. Conserv Biol. , 2022. Doi:  https://doi.org/10.1111/cobi.13968. Epub ahead of print. PMID: 35686508.

 

 

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