Selon les experts, l’élimination maximale du carbone fixée à 11,3 milliards de tonnes par le GIEC ne tient pas compte de problèmes tels que l’insécurité alimentaire et la perte de biodiversité.
Photo: © Shutterstock/Toa55

Élimination du dioxyde de carbone – une fraction de ce qui est faisable serait également durable

Selon une nouvelle étude sur les limites de durabilité nécessaires pour l’élimination du CO2 (Sustainability limits needed for CO2 removal), l’élimination maximale du carbone fixée à 11,3 milliards de tonnes par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne tient pas compte de problèmes tels que l’insécurité alimentaire et la perte de biodiversité. Les chercheurs complètent cette évaluation formelle en fixant des « limites de durabilité » considérablement plus basses comme référence à l’intention des décideurs politiques.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a fixé à 11,3 milliards de tonnes de CO2 par an le « potentiel technique » maximal de ce qu’on appelle les plantations climatiques. Dans ces plantations, on cultive notamment des végétaux à croissance rapide avant de les brûler dans des centrales à biomasse tout en captant et stockant les émissions de carbone, fixant ainsi le CO2 de l’air. On estime à 10,1 milliards de tonnes supplémentaires par an le potentiel technique de l’afforestation et de la reforestation.

Une récente étude complète cette évaluation formelle en fixant des « limites de durabilité » considérablement plus basses comme référence à l’intention des décideurspolitiques. Cette étude a été cosignée par l’institut de recherche Mercator sur les biens communs mondiaux et le changement climatique (MCC) de Berlin, et a été publiée dans la re revue Science en février.

Pour éliminer de l’atmosphère le total de 21,4 milliards de tonnes de CO2 ainsi obtenu chaque année – plus de la moitié des émissions actuelles – selon les estimations du GIEC, il faudrait que les plantations climatiques et les forêts supplémentaires couvrent environ 29 millions de kilomètres carrés, soit l’équivalent de trois fois la superficie des États-Unis. « Il est évident que ce n’est absolument pas faisable, » explique Felix Creutzig, directeur du groupe de travail Utilisation des terres, Infrastructures et Transport au MCC et coauteur de l’étude. « Il est certes utile d’évaluer ce qui est faisable d’un point de vue purement technique et d’en tenir compte dans les modèles climatiques, par exemple pour cartographier l’éventail des possibilités de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C. Mais cela encourage de plus en plus les politiciens à en faire trop peu en termes d’émissions de CO2 et à faire de belles promesses en ce qui concerne l’élimination du dioxyde de carbone. Cette étude offre un point de vue divergent. »

Évaluation de ce qui est réellement faisable pour limiter le réchauffement de la planète sans compromettre la sécurité alimentaire et la biodiversité
 

Dans les contributions déterminées au niveau national, qui constituent le cœur de l’Accord de Paris sur le climat mondial, les gouvernements ont déjà réservé douze millions de kilomètres carrés pour l’élimination du carbone stocké dans le sol d’ici à 2060. Cela représente presque autant que la superficie actuelle des terres agricoles mondiales. Selon l’étude, cette mesure compromettra la future sécurité alimentaire et pourrait également accélérer l’extinction déjà dramatique d’espèces animales et végétales, exacerber la rareté de l’eau, porter atteinte à d’autres limites planétaires et détruire les habitats des populations autochtones.

En acceptant un « risque moyen » relativement à ces aspects liés à l’utilisation des terres dans le cadre de la crise climatique, et en s’appuyant sur la documentation scientifique, l’équipe de chercheurs a obtenu de nouvelles valeurs seuil. La limite de durabilité pour l’élimination du carbone dans les plantations climatiques (en jargon technique, « bioénergie avec captage et stockage du dioxyde de carbone, BECCS) est de 1,4 à 2,9 milliards de tonnes de CO2 par an – en fonction de l’efficacité des centrales à biomasse à produire de l’énergie et capter du CO2. Pour l’afforestation et la reforestation, la limite de durabilité est de 3,8 milliards de tonnes. Ainsi, dans les deux cas, seule une fraction de ce qui est techniquement faisable serait également durable.

« Un important domaine de recherche donnera des précisions sur ces limites de durabilité, ainsi que sur les limites d’autres options d’extraction (via les océans ou des systèmes de filtrage de l’air), souline Felix Creutzig, chercheur au MCC. « Les possibilités sont nettement inférieures à ce que suggèrent les modèles climatiques.

Les politiciens devront prioriser le problème difficilement évitable des émissions résiduelles qui seront compensées par l’élimination du carbone dans un futur monde climatiquement neutre. Et ils devront établir des liens plus étroits entre la lutte contre le réchauffement de la planète et d’autres questions existentielles telles que la lutte contre l’insécurité alimentaire et l’extinction des espèces. »  

(MCC/wi)

Référence:

Deprez., A., Leadley, P., Dooley, K., Williamson, P., Cramer, W., Gattuso, J., Rankovic, A., Carlson, E., Creutzig, F., 2024, Sustainability limits needed for CO2 removal, Science

 

 

 

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