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Alignement des valeurs de référence du GIEC sur les émissions terrestres avec les inventaires nationaux
L’efficacité de gestion des terres – pour l’agriculture, les forêts ou les implantations humaines – joue un rôle prépondérant dans la lutte contre les changements climatiques. Mais il y a un décalage entre la façon dont le solde des émissions terrestres est pris en compte dans les modèles du cycle mondial du carbone et dans les inventaires nationaux des émissions de gaz à effet de serre qui sont utilisés pour les rapports dans la politique climatique internationale.
Une récente étude aligne pour la première fois les deux approches comptables. Elle constate que pour atteindre les objectifs de température de l’Accord de Paris il faudra des mesures encore plus ambitieuses que celles qui avaient initialement été estimées. Cosignée par l’Institut allemand MCC de recherche sur le climat (Institut de recherche Mercator sur les biens communs mondiaux et le changement climatique), Berlin, et par l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA), à Laxenbourg, près de Vienne/Autriche, l’étude a été publiée dans la revue Nature en novembre dernier.
Les stratégies d’utilisation des terres pour atténuer le changement climatique consistent notamment à stopper la déforestation et à accroître les efforts de gestion des forêts. Les gouvernements ont reconnu l’importance de ce qu’on appelle le secteur UTCATF (utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie). Dans les contributions déterminées au niveau national, qui sont au cœur de l’Accord de Paris, 118 pays sur 143 ont inclus les réductions des émissions terrestres ou l’absorption par le sol des émissions présentes dans l’atmosphère.
Toutefois, dans les inventaires nationaux des gaz à effet de serre, le calcul des flux UTCATF (c’est-à-dire des émissions et des extractions) n’est pas conforme aux scénarios de réduction des émissions. Ces scénarios sont recueillis et évalués par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) à partir de documents scientifiques et ils servent de référence à l’évaluation des progrès réalisés dans la limitation du réchauffement de la planète à nettement moins de 2 degrés, et si possible à 1,5 degré Celsius. Cette différence conceptuelle est due à la différence de définition de ce qu’on qualifie de terre « gérée » et d’extraction induite par l’homme sur cette terre. Cela se traduit par un écart énorme d’environ 4 à 7 gigatonnes de CO2 par an, soit au moins 10 pour cent des actuelles émissions totales de gaz à effet de serre sur la planète.
L’équipe de chercheurs a aligné les valeurs de référence du GIEC avec les inventaires nationaux de gaz à effet de serre. Elle a réanalysé les émissions conformément aux objectifs de température de l’Accord de Paris en utilisant pour cela l’approche comptable UTCAF adoptée par les pays. « Cette méthode permet aux nations d’actualiser et d’affiner leurs valeurs de référence et leurs objectifs de manière à pouvoir déclarer une véritable neutralité carbone — qui est conforme aux objectifs du GIEC de stabilisation du climat mais qu’on peut suivre au moyen des conventions d’inventaires nationaux de gaz à effet de serre », explique Jan Minx, chef du groupe de travail Applied Sustainability Science du MCC et coauteur de l’étude.
L’analyse montre que les principaux objectifs d’atténuation sont plus difficiles à atteindre lorsqu’on tient compte des conventions de déclaration des pays. Il faudrait pour cela une réduction générale des émissions et une diminution rapide vers le « net zéro ». Par exemple, dans les scénarios à 1,5 degré Celsius, il peut être nécessaire d’atteindre la neutralité carbone (net-zéro) de un à cinq ans plus tôt que prévu.
Il faudra réduire les émissions mondiales de 3,5 à 6 pour cent de plus d’ici à 2030, et il faudra que les émissions cumulées jusqu’à la neutralité carbone diminuent de 15 à 18 pour cent – soit une réduction de 55 à 95 gigatonnes. Par ailleurs, avec les scénarios à 1,5 et 2 degrés alignés sur les inventaires nationaux, on constatera dans le secteur de l’utilisation des terres une augmentation des émissions de carbone d’ici le milieu du siècle et, absorptions comprises, on pourrait avoir une source nette d’émissions d’ici à 2100.
C’est comme comparer des pommes et des oranges
L’équipe de chercheurs insiste sur le fait que les résultats ne contredisent pas les valeurs de référence déterminées par le GIEC mais évaluent les mêmes types de valeurs de référence en utilisant une approche basée sur les inventaires. « Nos résultats montrent qu’il est dangereux de comparer des pommes et des oranges », déclare Matthew Gidden, chercheur sénior à l’IIASA et auteur principal de l’étude. « Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, il ne faut pas que les pays se trompent d’objectif. » S’ils voulaient atteindre les valeurs de référence obtenues par modélisation en utilisant une approche basée sur les inventaires, ils rateraient leur cible.
En ce qui concerne les contributions déterminées au niveau national, Matthew Gidden recommande que « les pays soient plus clairs sur leur ambition climatique en disant comment ils prévoient d’utiliser le secteur UTCAF, séparément des réductions des émissions ailleurs ».
(MCC/wi)
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