Négociations à la FAO à Rome : Mamadou Ba du Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux du Sénégal et membre de la Via Campesina discute avec la presse.
Photo: © FIAN

Une critique de l'Alliance mondiale pour la sécurité alimentaire

La société civile internationale - qui comprend également des membres du Forum allemand pour l’Environnement & le Développement - a de nombreuses raisons de refuser de participer à l'Alliance mondiale pour la sécurité alimentaire. Les institutions existantes doivent être renforcées.

En mai 2022, les ministres du développement du G7 ont lancé une Alliance mondiale pour la sécurité alimentaire (GAFS-AMSA) à Berlin, en Allemagne. L'Alliance a été créée à l'initiative du ministre allemand du développement, en coopération avec la Banque mondiale. Par l'intermédiaire du ministère du développement, la société civile organisée au sein du Comité des Nations unies sur la sécurité alimentaire mondiale (CSA) - le mécanisme dit de la société civile et des peuples autochtones pour les relations avec le Comité des Nations unies sur la sécurité alimentaire Mondiale (MSCPA) - a été invitée à participer. Ce mécanisme, dans lequel les membres du Forum allemand pour l’Environnement & le Développement jouent également un rôle actif, a maintenant décliné l'invitation et fourni une justification détaillée qui sert également d'analyse utile de cette nouvelle alliance.

Les délibérations du mécanisme MSCPA se sont articulées autour de trois questions clés. La GAFS-AMSA renforce-t-elle les droits de l'homme, le droit à l'alimentation et ses processus et comités de mise en œuvre, contribue-t-elle à la transformation nécessaire des systèmes alimentaires et stimule-t-elle les structures démocratiques et multilatérales de sécurité alimentaire ?

Renforcer et établir les droits de l'homme
 

Tout d'abord, selon le MSCPA, les réponses à la nouvelle crise alimentaire ou à la crise des prix alimentaires doivent être inscrites dans les droits de l'homme. Sans une approche globale et cohérente des droits de l'homme pour faire face à la crise et parvenir à une transformation du système alimentaire, les formes diverses et superposées de discrimination à l'encontre des populations et des communautés les plus gravement touchées par la faim et la malnutrition ne peuvent être efficacement abordées et surmontées.

A cet égard, le MSCPA constate que les droits de l'homme ne jouent aucun rôle dans les documents de la GAFS-AMSA. Un rapport couvrant la première session du groupe de pilotage de la GAFS-AMSA mentionne le droit à l'alimentation dans une note de bas de page et suggère de le déléguer aux "ONG/OSC concernées". Les conclusions présentées par le Président de la Conférence des Ministres de Berlin sur la GAFS-AMSA "Unis pour la sécurité alimentaire mondiale" font à nouveau référence au droit à l'alimentation, en soulignant toutefois que la réalisation d'un approvisionnement alimentaire adéquat est une opportunité pour les personnes, mais pas un droit inaliénable. Le document politique clé de la GAFS-AMSA, la déclaration du G7 sur la sécurité alimentaire mondiale du 28 juin, ne mentionne pas du tout les droits de l'homme.

Initier une transformation fondamentale
 

Deuxièmement, la transformation du système alimentaire évoquée comme objectif doit être profonde et déboucher sur l'égalité, la durabilité et la justice. Cela nécessite des réponses immédiates à la crise alimentaire prolongée, des réponses guidées par la souveraineté alimentaire, l'égalité économique et sociale, la justice entre les genres, l'agroécologie, la biodiversité et la justice climatique.

Les cinq priorités énoncées par la GAFS-AMSA sont la promotion des produits agricoles en provenance de l'Ukraine, les mesures humanitaires et l'extension des réseaux de sécurité sociale, la promotion de la production agricole durable, la fourniture d'informations régulières sur le marché agricole et le développement d'une carte interactive permettant de communiquer sur les financements et les résultats de la recherche. Le MSCPA en conclut que les objectifs et les priorités immédiates annoncés par la GAFS-AMSA ne constituent pas le changement de cap voulu, nécessaire au redéveloppement du système alimentaire, et ne sont pas suffisants.

Des structures décisionnelles inclusives
 

Troisièmement, la coordination politique mondiale doit se faire dans le cadre de structures décisionnelles multilatérales. Au sein de ces structures, les pays et les groupes de population les plus touchés doivent avoir la priorité pour s’exprimer.  

Après la crise alimentaire de 2007-2008, le CSA a été réformé et est devenu la plus importante plateforme intergouvernementale et internationale pour la réalisation du droit à l'alimentation. Il a reçu le mandat d'établir des politiques de coordination et de cohérence dans le cadre des droits de l'homme.

Dans ce contexte, le MSCPA constate que la GAFS-AMSA, en tant qu'initiative du G7, souffre d'un déficit de légitimité et qu'il n'existe pas de mécanisme de pilotage clair permettant de rendre compte efficacement des décisions prises et des actions entreprises. Ce déficit est un obstacle majeur à la participation autonome et effective de la société civile et des organisations des peuples autochtones. On ne peut donc pas nier que la nouvelle initiative risque de saper le rôle du CSA en tant qu'organe légitime et mandaté des Nations unies.

L’absence de base pour la participation
 

Partant de cette analyse, le Comité de coordination du MSCPA, instance composée de 35 membres, a refusé de participer à la nouvelle initiative. La GAFS-AMSA ne présente aucune option d'action qui serait prioritaire pour les groupes représentés par le MSCPA. Au contraire, le MSCPA demande le renforcement significatif des activités du CSA relatives à la crise alimentaire prolongée. Par exemple, il demande qu'un ensemble d'activités soit organisé pour la prochaine session du CSA en octobre 2022, afin de suivre en permanence l'évolution de la sécurité alimentaire durable - faim, prix des denrées alimentaires, initiatives - tout en mettant l'accent sur la situation des pays et des groupes de population particulièrement touchés. En outre, le CSA devrait conseiller et soutenir les pays particulièrement dépendants des importations afin qu'ils deviennent moins dépendants des importations de denrées alimentaires, d'énergie et d'engrais et qu'ils rendent leurs systèmes alimentaires moins vulnérables aux chocs tels que la guerre en Ukraine, le changement climatique ou la pandémie de COVID-19, et ce grâce à la diversification.

 

Auteur: Roman Herre r.herre@fian.de, FIAN Deutschland, Gottesweg 104, 50939 Cologne, Allemagne

 

Pour de plus amples informations:

Lien vers le site du "Mécanisme de la société civile et des peuples autochtones pour les relations avec le Comité des Nations unies pour la sécurité alimentaire mondiale" 

Lien vers le document initial

 

 

 

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