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Qu’est-ce qui fonctionne bien dans l’emploi (des jeunes) en milieu rural ?
En Afrique, la population va doubler d'ici à 2050 et la moyenne d'âge des Africains subsahariens est d'environ 18 ans. Chaque année, 25 millions de nouveaux emplois doivent être créés pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail en Afrique. Une grande partie de ces jeunes vivent en milieu rural. Avec, à la fois, une forte croissance de la demande alimentaire et une sous-utilisation des ressources, le secteur agroalimentaire a de loin le plus fort potentiel de création d'emplois supplémentaires, comme le montrent des études récentes, par exemple celle de l'OCDE-CSAO sur « l'agriculture, l'alimentation et l'emploi en Afrique de l'Ouest ».
Toutefois, des problèmes majeurs doivent être résolus. Les jeunes ruraux considèrent souvent l'agriculture (traditionnelle) comme une profession peu attrayante, offrant peu d’opportunités, présentant des risques élevés et nécessitant des travaux pénibles en raison de pratiques de travail dépassées. Ils ont tendance à privilégier les emplois non manuels dans les zones urbaines. En outre, l'accès à l'éducation et à la formation, aux conseils et aux services (en particulier aux services financiers), aux terres, aux marchés et aux réseaux, aux infrastructures physiques et numériques et aux technologies est comparativement plus faible que pour les adultes plus expérimentés et les jeunes vivant en milieu urbain. Comme le souligne le rapport 2019 du FIDA sur le développement rural, les jeunes femmes rurales supportent de manière disproportionnée une « triple charge ».
Afin de mieux comprendre ce qui fonctionne dans la promotion de l'emploi des jeunes en milieu rural, onze programmes mis en œuvre par la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) en Afrique ont été analysés dans le cadre d’une étude d’inventaire. Les programmes couvrent un large éventail de projets mondiaux, continentaux, régionaux et bilatéraux dans le cadre de différentes approches de développement, par exemple le développement rural et celui des chaînes de valeur, la formation professionnelle et la coopération du secteur privé ainsi que les politiques nationales de l'emploi. Sur la base de onze études de cas axées sur le continent africain, l'étude donne des aperçus systématiques de la manière dont les projets abordent la question et des leçons qu’on peut en tirer pour le développement futur de stratégies et de portefeuilles.
Adapter l’approche intégrée au contexte des zones rurales
Dans la coopération allemande au développement, une approche intégrée s'est avérée utile pour la promotion de l'emploi. En bref, elle relie les principaux éléments de la demande et de l'offre de main-d'œuvre à des services correspondants et à un environnement favorable. Néanmoins, étant donné les caractéristiques particulières du secteur agroalimentaire, l'approche doit être adaptée relativement à un certain nombre d'aspects clés liés aux caractéristiques spécifiques des économies rurales.
Premièrement, dans les zones rurales, les approches de formation informelle et entrepreneuriale sont plus prioritaires côté offre du marché du travail que l'enseignement et la formation professionnels formels. Deuxièmement, les petites et micro-entreprises ainsi que les petites exploitations agricoles (comptant une forte proportion de travailleurs indépendants et de travailleurs familiaux) jouent un rôle important côté demande du marché du travail.
Troisièmement, en raison des capacités institutionnelles et des services publics limités dans les zones rurales, les services d'adéquation sont beaucoup plus difficiles à mettre en place et devraient inclure l'adéquation de la main-d'œuvre (par exemple, l'accès au travail indépendant, le placement, les stages) ainsi que des produits et services (par exemple, l'accès des agriculteurs aux marchés pour leurs produits). Enfin, l'ajout de « fondations du marché du travail » visant à inclure les jeunes femmes rurales, à modifier la perception de l'agriculture et à mettre en place les structures de soutien appropriées au niveau intermédiaire (notamment des réseaux puissants de jeunes, des centres de formation et d'incubation, etc.) est important pour compléter les principales interventions de promotion du développement des compétences et des opportunités économiques.
Principaux facteurs de réussite
À partir de l'analyse détaillée des bonnes pratiques et des enseignements tirés de chaque étude de cas, 18 facteurs de réussite ont été cartographiés et regroupés selon quatre dimensions de projet (voir figure). Si plusieurs des facteurs de réussite sont spécifiques à l'emploi des jeunes en milieu rural, d'autres sont pertinents dans le contexte plus large des programmes de développement rural ou de promotion de l'emploi, voire des projets de développement en général. En généralisant ces facteurs de réussite, quatre aspects principaux revêtent une importance particulière car ils ont joué un rôle crucial dans presque tous les programmes et représentent, en quelque sorte, les normes fondamentales que tout projet consacré à l'emploi des jeunes en milieu rural devrait prendre en considération :
Exploiter les structures des partenaires locaux pour aider les jeunes à être des acteurs clés du développement.
Pour réussir dans un domaine aussi complexe que la promotion de l'emploi des jeunes en milieu rural, les programmes doivent tenir compte des facteurs contextuels pertinents. Pour cela, ils peuvent par exemple s’aligner sur les programmes de développement nationaux ou continentaux. Favoriser l'adhésion et l'appropriation des partenaires (politiques) et promouvoir des activités qui renforcent la confiance entre les jeunes ruraux et les décideurs politiques peut être une valeur ajoutée.
Les projets doivent promouvoir un sentiment d'appropriation et de collaboration entre les parties prenantes dans les écosystèmes locaux et les plateformes multipartites. L'intégration des programmes dans les cadres politiques nationaux, par exemple l'intégration des programmes agricoles dans les cadres éducatifs nationaux, peut ajouter à leur complexité, mais elle est généralement payante en contribuant à l'efficacité, à la durabilité et au potentiel de transposition à plus grande échelle.
Reconnaître les réalités et les besoins des jeunes ruraux en matière d’emploi et adopter des approches à plusieurs composantes.
Étant donné que les jeunes ruraux sont généralement confrontés à un large éventail de défis spécifiques et interdépendants, les stratégies et les facteurs de conception des programmes doivent inclure une approche à plusieurs composantes ou « intégrée » qui aborde les facteurs clés du développement des compétences, du développement des entreprises et des services d’adéquation.
Il est donc primordial d'adapter les formats et les modes de prestation aux conditions locales et aux besoins en matière d'emploi, d'autant plus que les jeunes ruraux ne constituent pas un groupe homogène. Les organisations et les réseaux de jeunes jouent un rôle essentiel dans l'implication des jeunes dans les processus décisionnels. Ils doivent donc faire partie intégrante du paysage des parties prenantes.
Transformer l'image de l'agriculture – de l'agriculture de subsistance à des modèles économiques rentables.
Donner aux jeunes une vision plus large du secteur agroalimentaire, notamment en soulignant les possibilités d'emplois agricoles et non agricoles attrayants le long des chaînes de valeur, peut contribuer à susciter leur intérêt. L'élaboration d'études spécifiques sur les opportunités économiques et la mise en place de structures souples de mise en œuvre permettent aux projets d'identifier et de préparer des offres de services autour de modèles économiques spécifiques au contexte.
Les programmes peuvent promouvoir le développement de réseaux agroalimentaires modernes et innovants, incluant ceux qui cultivent, récoltent, transforment, conditionnent, transportent et commercialisent les produits agricoles, ainsi que les consommateurs, les restaurateurs et ceux qui éliminent des déchets. Soutenir les campagnes de sensibilisation et faire des « agripreneurs » qui ont réussi des modèles et des mentors aidera à transformer la perception du secteur et à développer des possibilités d'emploi productif.
Renforcer la coordination et la coopération multipartites avec le secteur privé.
Les activités du programme doivent être bien coordonnées et convenues avec les diverses parties prenantes publiques et privées concernées afin de tirer parti des ressources existantes. Elles peuvent ainsi mettre fin à la logique du cloisonnement et faciliter la création de services de soutien cohérents.
Les points de vue du secteur privé sont particulièrement pertinents pour la sélection et le développement de chaînes de valeur à forte intensité d'emploi ainsi que pour les programmes d'études et les offres de qualification axés sur les besoins. Les approches axées sur le marché aident à identifier des modèles d'entreprise fiables, présentant des risques et des coûts d'investissement relativement faibles, et convenant aux jeunes entrepreneurs. Le secteur privé est également essentiel pour tirer parti de l'expertise et, enfin, pour mobiliser les ressources nécessaires aux investissements dans la création d'emplois et la génération de revenus.
Autres recommandations et principaux points à retenir
Sur la base des résultats décrits ci-dessus, deux recommandations principales ont été formulées pour définir les interventions spécifiques aux jeunes ainsi que le portefeuille global de promotion de l'emploi des jeunes en milieu rural. Premièrement, il est important d'aborder la promotion de l'emploi de manière plus holistique, en combinant les activités côté offre et côté demande du marché du travail. Pour qu’une création d'emplois réussisse, tous les éléments de l'approche intégrée doivent être analysés de manière exhaustive et traités si nécessaire. Toutefois, cela ne signifie pas que tout doit être réalisé dans le cadre d'un seul projet ou d'une seule institution. Il est essentiel de prendre en compte les caractéristiques distinctes de l'emploi dans les zones rurales et d’élaborer les approches en conséquence.
Deuxièmement, en fonction des contextes spécifiques et des demandes des groupes cibles, les politiques et les programmes doivent trouver le juste équilibre entre l'intégration des aspects liés à la jeunesse dans la promotion du développement économique au sens large et l'élaboration de solutions spécifiques aux jeunes pour relever des défis tels que l'accès à l'information, à la terre, aux capitaux et aux marchés. Ces deux éléments sont nécessaires pour tirer parti des multiples possibilités qu'offre le secteur agroalimentaire de contribuer à un véritable « dividende jeunesse ».
Pour vraiment savoir « ce qui fonctionne en matière de création d'emplois », il faudra poursuivre les recherches et assurer une gestion plus systématique des connaissances. Seules des évaluations complètes des programmes permettront de mieux comprendre les approches les plus efficaces pour créer de vastes possibilités d'emploi et obtenir des effets modulables. Cependant, il est intéressant de déjà voir les différents types et différentes échelles de résultats, de portée et d'impact sur l'emploi des jeunes en milieu rural et au-delà, que les projets atteignent dans leurs contextes spécifiques.
L'étude soulève également quelques questions ouvertes supplémentaires pour des recherches ultérieures, par exemple concernant les impacts sur les droits fonciers, la prévention d'une fuite des cerveaux, les effets de la mécanisation et de la numérisation, ou la qualité (et l'avenir) du travail. En ce sens, les résultats de l'étude constituent une étape importante, bien qu'elle ne soit qu'une première étape, pour le développement de stratégies futures et la conception de projets, contribuant à façonner les programmes de développement et les investissements dans le domaine de la promotion de l'emploi des jeunes en milieu rural. Outre la recherche suggérée, il serait également intéressant d'élargir la portée régionale et institutionnelle de l'analyse en y incluant les expériences d'autres institutions probablement à la recherche de réponses similaires.
Julia Müller est conseillère junior, Projet mondial « Emploi en milieu rural ciblant particulièrement les jeunes » de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH et est basée à Bonn, Allemagne.
Contact: frank.bertelmann@giz.de
Frank Bertelmann est responsable de programme, Projet mondial « Emploi en milieu rural ciblant particulièrement les jeunes » de la GIZ.
Contact: frank.bertelmann@giz.de
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