Quels sont les droits fonciers des communautés et des populations autochtones ?

En vertu des systèmes coutumiers, les populations autochtones et les communautés locales détiennent une part importante des terres émergées du monde. Il y a toutefois une différence énorme entre ce que les communautés détiennent en pratique et ce que les gouvernements leur reconnaissent officiellement.

Lorsque les droits fonciers des populations autochtones et des communautés locales ne sont pas officiellement et juridiquement reconnus, ces dernières sont exposées à la spoliation de leurs terres et risquent de perdre leurs identités, leurs moyens de subsistance et leurs cultures. La qualité environnementale des terres qu’elles gèrent est menacée et l’insécurité des droits des communautés attisent des litiges relatifs aux terres et aux ressources naturelles susceptibles de donner lieu à des conflits armés. À l’opposé, les pays dont les gouvernements reconnaissent officiellement les droits fonciers coutumiers progressent vers la réalisation d’impératifs des droits de l’homme définis dans des cadres internationaux tels que la Convention n° 169 de l’Organisation internationale du Travail, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA), et les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, à la pêche et aux forêts.

On estime que les populations autochtones et les communautés locales – au moins 1,5 milliard de personnes – détiennent au moins 50 pour cent des terres à l’échelle mondiale en vertu de régimes fonciers coutumiers et communautaires. Toutefois, comme le montre la dernière étude de Rights and Resources Initiative intitulée Who Owns the World’s Land? A global baseline of formally recognized indigenous and community land rights (Qui possède les terres du monde ? Étude de référence mondiale des droits fonciers autochtones et communautaires officiellement reconnus), leurs droits de propriété ne sont officiellement reconnus que pour 10 pour cent des terres. Des gouvernements ont par ailleurs officiellement reconnu aux communautés des droits limités d’accès à la terre, d’exploitation et de gestion des ressources et/ou d’exclusion « d’étrangers » pour 8 pour cent supplémentaires de terres. La répartition des droits sur les terres et les ressources varie considérablement d’un pays à l’autre et cinq pays seulement – Australie, Brésil, Canada, Chine et Mexique – contiennent collectivement environ 67 pour cent des terres possédées ou contrôlées par des populations autochtones et des communautés locales. À eux seuls, la Chine et le Canada représentent respectivement 24 et 20 pour cent de ce total. Si ces deux pays n’étaient pas pris en compte dans les résultats, le pourcentage total des terres détenues ou contrôlées par les communautés chuterait d’un tiers pour passer d’environ 18 à 12 pour cent.

Dans de nombreux pays, la reconnaissance juridique formelle des droits fonciers des communautés est très limitée. Dans la moitié des pays étudiés (32 sur 64), moins de cinq pour cent des terres communautaires sont détenues ou contrôlées par des communautés, y compris 15 pays dans lesquels les communautés ne disposent d’aucun contrôle juridiquement reconnu de leurs terres. C’est le contraire dans quatre des 64 pays où la législation officielle reconnaît aux populations autochtones et aux communautés le droit de posséder ou de contrôler plus de 60 pour cent de la superficie des terres. Ces pays sont la Papouasie-Nouvelle-Guinée (97%), la Tanzanie (75%), l’Ouganda (67%) et le Turkménistan (64 %). La situation est particulièrement mauvaise dans les pays fragiles. Dans les 12 États fragiles pris en compte par l’étude, seulement 1,6 pour cent de la superficie des terres est réservée aux populations autochtones et aux communautés qui, par ailleurs, n’en possèdent que 0,3 pour cent.

Entre l’Asie, l’Amérique latine et l’Afrique subsaharienne, c’est l’Asie qui, avec 26 pour cent, compte la plus forte proportion de terres officiellement possédées ou contrôlées par les populations autochtones et les communautés locales. Toutefois, si on ne tient pas compte de la Chine, les populations autochtones et les communautés locales possèdent moins de un pour cent et ne contrôlent que six pour cent des terres en Asie. En Amérique latine, la superficie totale des terres possédées ou contrôlées par les populations autochtones et les communautés locales atteint 23 pour cent, et cette superficie est plus également répartie entre les pays étudiés, huit pays sur treize reconnaissant des droits communautaires pour plus de dix pour cent de leur superficie. Les pays dans lesquels les plus forts pourcentages de terres nationales  possédées ou contrôlées par les populations autochtones et les communautés locales sont le Mexique (52 %), la Bolivie (36 %), le Pérou (35 %) et la Colombie (34 %). En Afrique sub-saharienne, la superficie totale possédée ou contrôlée par les populations autochtones et les communautés locales s’élève à 15 pour cent, et est supérieure à 10 pour cent dans huit pays sur dix-neuf. Dans les 19 pays étudiés, les communautés possèdent juridiquement moins de 3 pour cent des terres et moins de 13 pour cent leur sont réservées.

Il est frappant de constater que dans plus de la moitié des pays étudiés, il n’existe pas, pour les populations autochtones et les communautés locales, de moyens juridiques formels leur permettant de devenir propriétaires de leurs terres. Cet obstacle considérable à la justice tient au fait que 12 pour cent des pays (8 sur 64) n’ont toujours pas adopté de régime foncier communautaire et que 44 pour cent du nombre total de pays (28 sur 64) désignent les terres que les communautés peuvent contrôler mais n’ont pas de régime foncier reconnaissant la propriété communautaire.

L’Initiative des droits et ressources (Rights and Resources Initiative – RRI) est une coalition de 15 partenaires, 5 réseaux affiliés, 14 membres et plus de 150 organisations internationales, régionales et communautaires œuvrant en faveur de réformes du régime, des politiques et du marché forestiers. Pour en savoir plus et pour télécharger l’étude, aller à l’adresse : www.rightsandresources.org/wp-content/uploads/GlobalBaseline_web.pdf

Stephanie Keene
Tenure Analyst
Rights and Resources Initiative
Washington D.C., USA
skeene@rightsandresources.org

 

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