Les eaux intérieures ont un niveau élevé de biodiversité et offrent un large éventail de services écosystémiques.
Photo: © Tereza Simandlová/Flickr

Les eaux intérieures sont souvent négligées

Les eaux intérieures sont généralement comptées comme des zones terrestres, comme cela a encore été le cas lors de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (CBD/COP 15) qui s’est tenue à Montréal/Canada en décembre 2022. Mais là encore, il n’est pas suffisamment tenu compte de leur importance. Des chercheurs effectuant des études sur la biodiversité des eaux douces à l’Institut Leibniz de l’écologie des eaux douces et des eaux intérieures (Leibniz Institute of Freshwater Ecologies and Inland Waters – IGB) expliquent l’importance de ce sujet souvent négligé.

La biodiversité recule à l’échelle mondiale à un rythme record. La diversité génétique, les populations, les espèces, les communautés et les écosystèmes associés aux eaux douces sont tout particulièrement menacés. Des enquêtes et des statistiques confirment cet état de fait. Dans les eaux intérieures, les habitats diminuent de façon dramatique, par exemple parce qu’il manque de plus en plus d’oxygène en eaux profondes, parce que la température des eaux de surface augmente ou parce que des barrages sont construits sur des cours d’eau qui s’assèchent périodiquement. Avec les perturbations météorologiques extrêmes de plus en plus fréquentes dont il est à l’origine, le changement climatique ne fait qu’aggraver la situation.

Il faut accorder une égale attention aux cours d’eau
 

« La politique internationale de la biodiversité continue d’ignorer l’importance considérable des eaux intérieures, » critique la professeure Sonja Jähnig, chercheuse à l’IGB. « Les sources, les ruisseaux, les rivières, les lacs, les mares, les marécages et les eaux souterraines sont indispensables et jouent un rôle vital pour la nature, et donc aussi pour nous, les humains. C’est pourquoi les eaux intérieures et leur biodiversité doivent être reconnues comme une troisième catégorie écologique d’égale importance dans les cadres et stratégies politiques et sociaux, au même titre que les écosystèmes terrestres et marins. » 

Jusqu’à maintenant, les rivières, les lacs et les marécages ont été associés aux zones terrestres parce qu’ils se situent dans les terres, ou aux mers et aux océans, parce que ce sont des milieux aquatiques. « Il ne faut plus considérer les systèmes d’eau douce comme une question secondaire, car ils ne peuvent assurer leurs rôles multiples d’habitats et d’importantes ressources naturelles pour l’humain et la nature que s’ils sont constamment protégés, gérés de manière durable et écologiquement restaurés, » résume Sonja Jähnig. 

Cela s’applique également, et explicitement, au nouveau Cadre mondial de la biodiversité jusqu’en 2030, qui doit être négocié dans les jours à venir. Avec vingt autres experts en eaux douces mondialement connus, Sonja Jähnig recommande que ses ambitions soient adaptées pour s’assurer que dans la restauration des écosystèmes et l’expansion des réserves, des objectifs spéciaux soient fixés pour les eaux intérieures.  

Pas de lutte contre le réchauffement de la planète sans conservation de la biodiversité
 

Les eaux intérieures sont également trop souvent négligées dans les mesures prises pour lutter contre le changement climatique. Leur biodiversité est particulièrement affectée par les changements climatiques, par exemple parce que, à l’échelle de la planète, les lacs se réchauffent plus vite que l’atmosphère et les océans – ou parce que le débit de systèmes fluviaux entiers est modifié. Selon le docteur Martin Pusch, expert à l’IGB, si la protection contre le changement climatique n’est pas harmonisée avec d’autres objectifs de conservation de la nature, la biodiversité risque d’être encore plus menacée. « La crise de la biodiversité dans les eaux intérieures est étroitement liée à la crise climatique car les périodes de sécheresse saisonnière responsables de faibles débits d’eau, l’accroissement des concentrations de polluants et la température élevée de l’eau menacent considérablement la vie subaquatique, » explique Martin Pusch. 

« Le développement de l’énergie hydraulique comme moyen de s’adapter au changement climatique constitue un risque considérable pour la biodiversité aquatique. Des millions de barrages et d’autres structures transversales encouragent la prolifération des algues dans les rivières et empêchent les poissons de trouver des eaux fraîches pendant les périodes de chaleur. En outre, les centrales hydrauliques contribuent moins que prévu à l’atténuation du changement climatique, parce que, notamment dans les régions tropicales et subtropicales, les réservoirs émettent eux-mêmes de grandes quantités de gaz à effet de serre, » fait remarquer Martin Pusch , qui recommande par ailleurs : « La préservation de la biodiversité aquatique doit prévaloir. Nous avons un besoin urgent de cours d’eau non aménagés et de mesures de renaturation à grande échelle, et non pas de projets supplémentaires d’énergie hydraulique dont le coût écologique et social est particulièrement élevé. »

Mêmes les organismes les plus petits doivent être protégés
 

Si les grands lacs et les fleuves eux-mêmes échappent aux radars, que dire des minuscules organismes qu’ils hébergent ? Des millions de microorganismes tels que les champignons microscopiques et les bactéries vivent dans tous les types d’eau – petites flaques, grands lacs intérieurs, et même glace et neige. Même si, pour la plupart, ils sont invisibles à l’œil nu, ils constituent la majeure partie de la diversité biologique de tous les écosystèmes. 

« Ces microorganismes constituent la base de chaque réseau alimentaire et font une contribution vitale aux rôles que joue un écosystème. Prenons par exemple le cas des champignons microscopiques qui reminéralisent la matière organique et qui, par conséquent, retiennent les nutriments et autres composés du cycle de production. Dans les grandes étendues d’eau, en particulier, ils sont un facteur important de ce qu’on appelle la pompe à carbone biologique car ils influencent l’enfoncement des matières organiques dans les profondeurs de l’eau et ont ainsi une influence durable sur le climat. Ils contribuent en outre à la décomposition des polluants, » explique le professeur Hans-Peter Grossart, microbiologiste à l’IGB. 

Malgré l’importance cruciale des microbes pour le fonctionnement des écosystèmes et pour notre santé, nous ignorons plus ou moins si nous allons perdre des espèces essentielles en raison du changement climatique et quel impact cela pourrait avoir sur le fonctionnement, et par conséquent la santé, de notre environnement naturel. « Nous estimons que les actuels changements dans l’environnement vont entraîner une perte d’espèces essentielles et, par conséquent, d’écosystèmes, » souligne le chercheur de l’IGB. « Il est par conséquent absolument nécessaire d’inclure aussi les champignons microscopiques dans la liste des microorganismes à protéger. » Mais cela ne sera pas facile car, dans l’eau, les champignons microscopiques constituent un des groupes d’organismes auxquels le moins d’études sont consacrées.

(IGB/pas)

 

Pour en savoir plus :

Site Web du Leibniz Institute of Freshwater Ecology and Inland Fisheries (IGB)

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