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Le prix d’une agriculture climatiquement neutre
Selon une étude publiée par des chercheurs de l'ETH Zurich en mars 2021, rendre l'agriculture climatiquement neutre pourrait s’avérer onéreux et ne sera probablement réalisable que dans les pays riches. Ils ont voulu savoir quelle quantité de CO2 devrait être activement éliminée de l'atmosphère pour compenser les émissions agricoles si les mesures d'atténuation venaient à échouer, quels en seraient le coût et l'incidence sur le prix des aliments concernés comme le bœuf, le lait et le riz.
« Que les réponses soient rassurantes ou non dépend de l'endroit où l'on vit », explique Anthony Patt, l'un des co-auteurs. « Dans les pays où la viande et les produits laitiers sont déjà assez chers, comme chez nous en Suisse, il faudrait ajouter environ 10 pour cent au prix du bœuf pour compenser entièrement ses effets sur le climat, et environ 5 pour cent au prix du lait. ». Si cela peut sembler un prix raisonnable à payer, il en va autrement dans les pays en développement, où rendre ces aliments compatibles avec le climat ferait plus que doubler leur coût.
Compenser les émissions agricoles
Les chercheurs ont calculé le taux de séquestration du CO2 - qui consiste à capter le CO2 atmosphérique et à le stocker de façon permanente dans le sous-sol - nécessaire pour atteindre l'objectif visant à limiter le réchauffement à 1,5 ou 2°C, même si les émissions agricoles de méthane et d'oxyde nitreux restent constantes ou augmentent au fil du temps.
Ils ont ensuite évalué le coût de la compensation en utilisant une combinaison de différentes technologies d'élimination du carbone. Les méthodes les plus rentables consistent à planter des arbres et à capter les émissions de carbone provenant de la bioénergie, mais ces deux méthodes sont limitées par les disponibilité en terres et il est probable que la société devra bientôt se tourner vers des procédés plus coûteux qui consistent à filtrer chimiquement le CO2 atmosphérique et à le stocker sous terre.
Pour pouvoir ensuite traduire ces coûts en variations de prix des produits agricoles, les auteurs de l'étude ont pris en compte les émissions spécifiques à chaque produit, ainsi que les prix de ces produits au niveau mondial et dans certains pays.
Une option qui n’est pas réaliste pour les pays en développement
Pour les Européens, ces coûts peuvent être gérables, et les ajouter au prix des aliments concernés aurait également l'avantage de réduire la demande de viande et de produits laitiers, ce qui réduirait l'ampleur du problème dans son ensemble. Pourtant, si ajouter 2 euros au prix d'un kilo de viande bovine qui coûte déjà 20 euros peut être politiquement acceptable, cette même augmentation de 2 euros peut être jugée exorbitante dans les pays où le prix de base de la viande bovine est inférieur à 5 euros par kilo et où les revenus disponibles des personnes sont proportionnellement plus faibles.
« Je ne pense pas que cette option soit réaliste dans de nombreux pays en développement, en particulier dans ceux où la sécurité alimentaire est une préoccupation majeure. Je ne peux pas imaginer que les décideurs politiques de ces pays soient prêts à plus que doubler les prix à la consommation de ces aliments. Il nous faudra trouver d'autres solutions », a déclaré Anthony Patt. « Il y a certainement encore du travail à faire, que ce soit pour identifier des moyens de réduire ces émissions en changeant les régimes alimentaires, de trouver des substituts à la viande, ou de déterminer d'autres moyens de financer la compensation du CO2. »
(ETH/ile)
Plus d’informations sont disponibles sur le site web de l’ETH (en anglais)
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