Sunday Silungwe est cofondateur de l’entreprise Good Nature Agro.

« Il faut surfer sur la peur de l’échec »

Fondée en 2014, l’entreprise zambienne Good Nature Agro s’est donné comme objectif de faire en sorte que les revenus des petits exploitants agricoles locaux soient durables. Elle forme des leaders de communautés locales à l’activité de vulgarisateurs privés qui, à leur tour, forment les agriculteurs à améliorer leurs pratiques agricoles. Parallèlement, l’entreprise fournit des semences et d’autres intrants et garantit un marché de ventes aux petits exploitants.

Monsieur Silungwe, quelles sont les lacunes de la formation des petits exploitants agricoles en Zambie ?
La majeure partie des agriculteurs sont dispersés sur de vastes étendues avec peu ou pas d’accès à l’infrastructure routière, ce qui pose un gros problème de vulgarisation. L’actuel gouvernement ne met actuellement qu’un vulgarisateur à la disposition de 4 000 agriculteurs, autrement dit trois fois rien, et la formation ne répond pas aux besoins des agriculteurs : elle est souvent spécifique au maïs, est obsolète et n’encourage pas la diversification et l’utilisation de techniques intelligentes sur le plan climatique. Enfin, il y a très peu d’avancées dans le recours à la technologie pour dispenser la formation et en assurer le suivi. L’utilisation innovante et systématique de la technologie pourrait faciliter l’accès à l’information et garantir de bons résultats dans un réseau productif d’exploitants agricoles.

Quelle est l’approche de Good Nature Agro ?
En Zambie, certains agriculteurs cultivent essentiellement le maïs en monoculture et sont d’une extrême pauvreté. Les petits exploitants agricoles n’ont pas accès à la polyculture et disposent de peu de marchés pour vendre leur production. Nous collaborons avec eux pour leur permettre d’accroître leurs revenus en les aidant à diversifier leur production et à la commercialiser sous notre marque, Good Nature Seeds. Nous leur offrons une formation et des services de vulgarisation localisés, des prêts agricoles abordables qu’ils peuvent nous rembourser avec des semences, et un marché durable pour leur production de légumineuses. En cultivant pour nous, les agriculteurs ont amélioré leur revenu qui est passé de 150 dollars US en maïs à environ 500 dollars US en légumineuses pour un demi-hectare de terre. Chez Good Nature Agro, nous nous efforçons de combler le fossé existant entre l’offre et la demande de semences de légumineuses certifiées.

En quoi cette approche diffère-t-elle des services de vulgarisation du gouvernement ?
En Zambie, le service de vulgarisation du gouvernement est fiable quant à son contenu et dispose d’un personnel qualifié. Toutefois, ce personnel est très insuffisant en nombre, ce qui pose un problème majeur dans la mesure où, en moyenne, et comme nous l’avons vu plus haut, il y a seulement un agent de vulgarisation pour 4 000 agriculteurs. Ce déficit limite l’attention pouvant être accordée individuellement aux agriculteurs pour répondre à leurs besoins.

Nous complétons le travail du gouvernement en offrant un agent de vulgarisation privé (private extension agent – PEA) pour chaque groupe de 40 agriculteurs. Nos agents de vulgarisation suivent un stage de formation intensive dans une école de terrain appelée PEA College pour les préparer à offrir aux agriculteurs un soutien de la meilleure qualité possible. Au cours de ce mois de formation, ils acquièrent les principales compétences dont ils ont besoin pour aider au mieux leurs collègues agriculteurs. Par ailleurs, ce sont eux qui recrutent les agriculteurs avec lesquels ils travailleront lors de la prochaine saison.

Pendant douze mois, les PEA sont payés par Good Nature, mais une fois que les récoltes sont vendues, ils sont payés à la commission sur la vente de la production agricole des exploitants dont ils ont assuré la formation. Cette formule incite les PEA, agriculteurs et Good Nature à harmoniser leurs efforts pour produire des semences de la meilleure qualité possible.

Quels résultats avez-vous obtenus à ce jour ?
Nous sommes durablement passés à l’échelle supérieure avec l’aide ciblée de nos partenaires. Pendant notre première année, nous avons testé notre modèle avec 40 agriculteurs. Nous avons récemment élargi nos activités à deux nouveaux districts et collaborons aujourd’hui avec 5 200 agriculteurs. Nous avons 23 salariés hautement qualifiés travaillant à plein temps et disposons de 150 vulgarisateurs privés locaux.

Notre catalogue de légumineuse s’est enrichi et nous produisons actuellement cinq variétés de semences : arachides, fèves de soja, pois cajans, doliques à œil noir et pois sucrés. La saison dernière, avec 2 200 agriculteurs, nous avons produit plus de 400 tonnes de semences. Nous avons conclu des partenariats stratégiques avec quelques-unes des meilleures organisations de la région qui ont renforcé nos capacités et notre crédibilité auprès des agriculteurs. Certains de ces partenariats stratégiques ont été conclus avec USAID, Catholic Relief Services, la GIZ, Musika, World Renew et le gouvernement par l’intermédiaire du ministère de l’Agriculture.

Rétrospectivement, qu’est-ce qui vous a manqué dans votre propre formation professionnelle ?
L’entrepreneuriat est un vaste domaine d’activité, et vous acquérez bon nombre de compétences sur le terrain. S’il y a une chose que j’aurais aimé apprendre sur le plan professionnel, c’est comment atténuer et gérer les risques. Je me suis trouvé dans quelques-unes des pires situations uniquement parce que je n’avais pas évalué le risque d’un œil critique ou même parce que je l’avais totalement ignoré. Généralement, dans de telles situations, les conséquences sont désastreuses. Pour atténuer ce risque, la première chose que je fais est généralement de chercher autant de bonnes idées que possible auprès de mon équipe et des cofondateurs.

Toutefois, dans mon pays, pour être entrepreneur il faut prendre des risques, savoir surfer sur la peur de l’échec et avoir le courage d’essayer et d’essayer encore. À force d’essayer, j’ai souvent fini par améliorer mes approches. À mon avis, la constance est source d’originalité et d’un sentiment immense d’accomplissement.

Sunday Silungwe est cofondateur de l’entreprise Good Nature Agro. Il est titulaire d’un diplôme en études du développement délivré par l’université catholique de Zambie et, dans son entreprise, il assume de nombreuses responsabilités allant de la gestion des talents, à l’expansion, la stratégie et l’exploitation de l’entreprise. Cette dernière a débuté avec une équipe de deux salariés en 2014. Aujourd’hui, Good Nature emploie 23 personnes.

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