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Cours d’e-learning préparés en Afrique occidentale pour les jeunes Africains
Alors qu’on attend de l’agriculture qu’elle produise plus de denrées alimentaires et crée plus d’emplois en Afrique, un nombre important de jeunes cherchent à trouver du travail et sont souvent tentés de tourner le dos aux zones rurales et à l’agriculture. Cette situation a bien entendu des causes multiples et notre intention n’est pas de répondre à toutes les questions … par contre, nous tenons à résoudre un ensemble de problèmes qui empêchent un groupe important de jeunes de trouver un emploi dans l’agriculture : l’enseignement et les programmes traditionnels ne sont pas toujours bien adaptés aux réalités de l’agriculture au quotidien.
En raison du sous-financement du système éducatif, l’enseignement agricole se fait trop souvent de manière vieillotte et selon une approche descendante, est trop axé sur des solutions techniques inabordables et inadaptées à l’environnement, et est prodigué par des enseignants trop peu nombreux, très sous-payés et souvent mal formés. Les lycées agricoles ne disposent pas des fonds nécessaires pour actualiser les programmes, investir dans les ressources pédagogiques, voire engager des enseignants suffisamment qualifiés. Par ailleurs, les organisations de recherche agricole manquent souvent de motivation, d’opportunités ou d’intérêt pour le transfert des résultats de leurs travaux dans du matériel d’enseignement et de formation.
En fournissant, en ligne, des cours gratuits de bonne qualité quant à leur contenu, attrayants et faciles à utiliser compte tenu de leur présentation, on peut toucher un public de jeunes, par Internet, d’une manière et à une échelle impossibles pout toute autre forme d’enseignement. Des cybercafés aux hotspots et aux plans de données mobiles, l’accès à Internet connaît une révolution rapide, parallèlement au niveau d’intérêt élevé des jeunes de la première génération qui trouvent des informations sur YouTube ou Google aussi facilement, voire plus, que de toute autre manière traditionnelle. Même si les différences sont grandes entre les pays, les jeunes citadins sont à la pointe de cette révolution Internet en Afrique.
À propos de nous et de notre groupe cible
Nous sommes une petite équipe de l’unité Gestion des connaissances d’AfricaRice – le Centre du CGIAR pour la recherche et le développement de la riziculture en Afrique – et de AKM-Services, un cabinet de conseil éthique allemand spécialisé dans le soutien informatique au secteur du développement agricole. Depuis 2016, nous élaborons et offrons des cours d’e-learning sur l’agriculture de base – production et transformation, développement des entreprises et compétences en matière de vulgarisation – à un public de jeunes ayant des connaissances limitées en agriculture, à l’aise avec l’utilisation des TIC et d’Internet, et voulant développer leurs compétences dans le domaine de l’agriculture et de l’agribusiness.
Dans le cadre de nos projets actuels financés par la GIZ, nous offrons ces cours aux jeunes Béninois ayant suivi un cours de technologie agricole et que nous avons recrutés pour travailler, parallèlement aux services nationaux de soutien agricole, avec des groupes d’agriculteurs pour faire connaître les innovations dans le domaine agricole. Nous couvrons plusieurs chaînes de valeur importantes pour les agriculteurs d’Afrique occidentale, à commencer par le riz, le maïs, le soja, l’arachide, le manioc, la noix de karité, la noix de cajou, l’huile de palme et la volaille.
Contenu : la qualité, ça compte !
Il est primordial que le contenu scientifique et technique des cours de formation agricole soit approuvé pour son exactitude et sa pertinence pour les zones agroécologiques, les climats et les situations agronomiques. Il doit également avoir été testé puis adapté aux besoins, contraintes et préférences des agriculteurs. Enfin, les cours de formation doivent également être conformes aux recommandations nationales et les renforcer, et doivent compléter le message des services de vulgarisation du pays.
Pour garantir un contenu scientifique et technique de haute qualité adapté aux réalités de l’agriculture dans le pays, nous collaborons avec des experts agricoles des systèmes nationaux de recherche agricole (SNRA) ainsi qu’avec des chercheurs d’institutions internationales. Nous avons notamment constaté que des chercheurs des SNRA récemment retraités sont disposés à utiliser leurs vastes connaissances et expérience de l’agriculture et qu’ils constituent une réserve idéale d’experts à consulter pour se procurer le matériel approprié, pour avoir des conseils sur le contenu des cours et examiner le matériel pédagogique d’un point de vue scientifique et technique, mais aussi quant à sa pertinence.
Facilité d’utilisation
Le matériel pédagogique de haute qualité est ensuite présenté sous forme attrayante, simple et logique afin de faciliter son utilisation par le public visé. Nous accordons une attention particulière au langage, qui doit être simple mais spécifique. Le nombre de termes techniques est limité à un strict minimum, et ils sont définis dans un glossaire interactif dans chaque cours.
Les cours sont conçus pour être étudiés pendant une période allant de 30 minutes à une heure. Ils sont divisés en chapitres, eux-mêmes subdivisés en sections. Chaque section comprend quelques pages et chaque page contient un court texte et un support visuel – une photo ou un dessin. En principe, un concept simple est couvert en une page. Une page contient également des boutons de navigation permettant de naviguer à l’intérieur de la section, mais un panneau de navigation est toujours disponible pour permettre de naviguer au niveau du chapitre ou du cours (voir les captures d’écran ci-dessus).
Chaque section se termine par un bref test formatif aidant les étudiants à vérifier les connaissances acquises. Pour toute réponse erronée, la question est à nouveau posée et les étudiants ont une chance de revoir le contenu s’ils le souhaitent. À la fin du cours, un test récapitulatif couvre la totalité du contenu du cours et, là, les étudiants n’ont qu’une chance de répondre à chaque question. Ils obtiennent ensuite une note pour l’ensemble du test ; pour toute note minimale atteinte, un certificat de cours est automatiquement attribué. Les étudiants peuvent reprendre le cours – et par conséquent refaire le test final – autant de fois qu’ils le souhaitent. Le contenu du cours peut être téléchargé sous forme de fichier PDF pour s’y référer ultérieurement ou dans le cadre de travaux avec des groupes d’agriculteurs.
Bases technologiques
L’approche collaborative de la planification et de la rédaction du matériel du cours se déroule sur l’Extranet utilisé par l’unité Gestion des connaissances d’AfricaRice, qui est conçu pour des travaux effectués en collaboration sur des documents, ainsi que pour le partage et l’archivage de ces derniers. Lorsqu’à commencé la mise en œuvre des cours d’e-learning, l’infrastructure informatique requise pour la préparation du cours était déjà en place. L’Extranet comprend essentiellement les éléments informatiques suivants : a) un Wiki d’entreprise (Confluence, d’Atlassian), et b) un système de gestion de tâches (JIRA, d’Atlassian).
AfricaRice utilise les logiciels Atlassian depuis un certain nombre d’années et bénéficie de son programme communautaire accordant des licences illimitées aux ONG à but non lucratif et aux projets de logiciels « open source », ce qui représente une économie de dizaines de milliers de dollars en coût de licences chaque année. L’Extranet est hébergé sur de multiples hôtes virtuels, dans un centre de données situé en Allemagne, pour assurer un environnement sûr et efficace.
La plateforme d’e-learning choisie pour ce projet est le logiciel « open source » gratuit Moodle développé par Moodle HQ PTY Ltd. Ce logiciel est écrit en PHP, le cadre multiplateforme le plus répandu pour élaborer des applications web dynamiques. Comme l’Extranet, Moodle est hébergé sur un serveur virtuel dans un centre de données en Allemagne. Le nombre actuel d’environ 550 étudiants actifs accédant à la plateforme n’impose que des exigences modestes à l’infrastructure du serveur et ne nécessite pas de configurations plus évoluées, susceptibles d’être nécessaires à l’avenir, par exemple une installation à équilibrage de charge.
Pour modifier l’aspect visuel et faciliter l’utilisation des appareils portables, un style commercial (également appelé thème) a été acheté à moindre coût et installé. Il existe aujourd’hui, pour diverses plateformes, un important marché de thèmes tout prêts qui proposent des modèles de sites web modernes, agréables et personnalisables, à peu de frais.
Un accès aussi simple que possible
Notre plateforme Moodle est disponible sur tout navigateur Internet, et comme nous avons veillé à ce que l’interface du cours soit simple et claire, elle n’est pas particulièrement exigeante en termes de bande passante, notamment si on la compare aux cours vidéo en ligne. Un accès à Internet est nécessaire pour étudier nos cours, et cet accès peut être assuré par un bon réseau de cybercafés, les nouveaux hotspots Wi-Fi et, de plus en plus, par les plans de données mobiles. Par ailleurs, dans le cadre de nos projets, nous avons déployé, dans le pays, un réseau de plus de 20 bureaux spécialisés dans lesquels, entre autres services tels que l’accès aux archives de connaissances agricoles, la rencontre de collègues ou d’agents de terrain plus expérimentés, nos étudiants peuvent utiliser une connexion Wi-Fi fiable et gratuite, et même un ou deux ordinateurs portables.
Mais pour offrir l’accès le plus souple et le mieux adapté à nos cours d’e-learning, nous avons équipé les jeunes avec lesquels nous travaillons (ils sont 124 cette année) de tablettes Android bon marché achetées localement. Ils peuvent actuellement utiliser le navigateur sur ces tablettes pour étudier nos cours, mais la prochaine version de l’application Moodle Mobile pour tablettes Android doit offrir la possibilité de télécharger un cours et de l’étudier hors ligne, ce qui devrait constituer un attrait considérable pour notre public cible. Dans cette optique, nos cours ont été conçus pour être bien adaptés aux petits écrans et tirer parti des écrans tactiles.
Durabilité et développement de l’activité
Pour garder un bon niveau de contrôle sur l’accès des étudiants, nous avons décidé d’automatiser le déroulement des cours et la gestion des certificats, mais pas l’inscription initiale des étudiants. Nous pouvons, par exemple, affecter des étudiants à des groupes afin de pouvoir, ultérieurement, communiquer sur les progrès de groupes donnés. L’équipe centrale peut interroger la base de données des étudiants et le système de gestion des cours de la plateforme au moyen de requêtes SQL codées par AKM-Services, ce qui rend facile la prépation des rapports sur l’accès, l’utilisation, les progrès et les réussites.
Nous considérons que nos cours, soutenus par le système que nous utilisons, offrent le type de formation professionnelle, dans le domaine de l’agriculture et de l’entrepreneuriat agricole, dont les jeunes Africains ont besoin pour compléter leur enseignement formel et mieux se préparer à trouver leur place dans l’agriculture africaine. Notre modèle de conception et de gestion des cours a été pensé pour pouvoir passer à l’échelle supérieure et nous prenons soigneusement note de tout ce que nous faisons pour que notre approche puisse facilement être reproduite. Une telle approche peut être utilisée dans d’autres domaines tels que la santé, la nutrition ou la promotion du civisme.
Nos projets sont actuellement basés au Bénin, en Afrique occidentale, et par conséquent nos cours sont offerts en français. Mais nous commençons à les traduire en anglais dans le but d’offrir tous les cours à la fois en français et en anglais, avec une gestion bilingue dédiée des cours et des étudiants.
Les mises à jour de logiciel fréquentes par Moodle améliorent l’expérience des concepteurs de cours comme celle des étudiants et nous ajoutons régulièrement de nouveaux cours à notre collection.
La plateforme d’e-learning est accessible à l’adresse http://elearning.afris.org, et si vous souhaitez l’essayer, il vous suffit de demander une connexion de test sur elearning@afris.org.
Bruno Tran
Centre d’innovations vertes pour l’agriculture et l’agribusiness (CIVA) AfricaRice
Cotonou, Bénin
B.Tran@cgiar.org
Frank Sonntag
Gestion des connaissances agricoles (AKM) Services UG
Munich, Allemagne
Ces projets sont soutenus par les programmes de la GIZ «Transfert d'Innovation pour l'Agriculture - Adaptation au Changement Climatique» financé par le «Fonds Energie et Climat» et les «Centres d’Innovations Vertes pour le secteur Agro-alimentaire au Bénin» au sein de l’initiative «Un Seul Monde Sans Faim», pour le compte du Ministère Fédéral allemand de la Coopération Économique et du Développement (BMZ).
Les auteurs tiennent à remercier tous les membres de l’équipe pour l’aide qu’ils leurs ont apportée dans la préparation de cet article : Natacha Agbo, Marie-Michelle Gbaguidi, Frejus Gnanvossou, Constance Kohounko, Jacinta Achuzia, Hendrik Pöhl et Marc Bernard.
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