Une bonne incitation à préserver les sols

Selon Timm Tennigkeit, les paiements de la séquestration du carbone dans le sol constituent une approche prometteuse face aux obstacles actuels à l’adoption de pratiques de gestion durable des terres agricoles.

Le carbone stocké dans le sol est important pour la structure de ce dernier, ainsi que pour ses propriétés en matière de nutriments et de rétention d’eau. L’accroissement des stocks de carbone dans le sol entraîne une amélioration de la croissance des plantes cultivées et contribue à renforcer la résilience au changement climatique. De plus, l’augmentation de la teneur du sol en carbone organique grâce à des pratiques de gestion durable des terres agricoles, par exemple l’utilisation de cultures de couverture, la gestion des résidus et l’agrosylviculture, entraîne également une réduction de la nécessité d’utiliser des engrais azotés de synthèse à un stade donné de la production végétale.

Le sol est la plus importante réserve terrestre de carbone. À la suite de la révolution industrielle, les émissions de carbone stocké dans le sol, dues au changement de l’utilisation des sols et des activités agricoles, en sont venues à représenter environ 19 pour cent des émissions totales de carbone dans l’atmosphère, avec des pertes cumulées atteignant 110 à 145 tonnes de CO2 /hectare de sol cultivé. Une part considérable de ces pertes est toutefois récupérable. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime qu’avec un prix du carbone se situant entre 50 et 100 dollars US par tonne de CO2, l’agriculture a le deuxième plus important potentiel d’atténuation des pertes économiques (après les mesures d’économie d’énergie dans les bâtiments). Dans le secteur agricole, ce potentiel est réalisable à 70 pour cent dans les pays en développement. La séquestration du carbone dans le sol représente 89 pour cent du potentiel agricole total d’atténuation des pertes économiques.

Payer la séquestration du carbone dans le sol aux petits exploitants agricoles
Depuis 2007, l’auteur aide le gouvernement du Kenya à accéder aux marchés mondiaux du carbone (pour le carbone stocké dans le sol) dans le cadre du projet de carbone agricole du Kenya (Kenya Agricultural Carbon Project – KACP). Ce projet est mis en œuvre dans l’ouest du Kenya par environ 60 000 petits exploitants agricoles sur 45 000 hectares de terres. Ils bénéficient, de la part de l’ONG Vi Agroforestry, d’un soutien en matière de vulgarisation et de gestion du projet et reçoivent une aide technique du Fonds BioCarbone de la Banque mondiale qui achète leurs réductions d’émissions. Sur la base d’un consensus entre les principaux chercheurs en matière de séquestration du carbone dans le sol, une méthodologie de comptabilisation du carbone stocké dans le sol a été élaborée et contre-validée par des certificateurs indépendants par rapport  à la norme de contrôle du carbone (Verified Carbon Standard) qui est la plus fréquemment utilisée sur les marchés volontaires du carbone.

Conformément au plan de déploiement, les pratiques de gestion durable des terres agricoles dans le cadre de ce projet validé et vérifié sont aujourd’hui appliquées sur 35 000 hectares. Une vérification probante, y compris des mesures de sauvegarde, des griefs et des mécanismes de partage des avantages, constitue la base conditionnelle de paiement aux exploitants agricoles des services environnementaux fournis. Du point de vue des exploitants agricoles, comme indiqué dans Rural 21 de janvier 2009, l’accroissement des rendements agricoles corrigé du risque climatique est la principale mesure d’incitation des exploitants à participer au projet. En 2012, les rendements agricoles des agriculteurs participant au projet ont été en moyenne de 40 pour cent supérieurs à ceux des agriculteurs d’un site témoin.

Surmonter les obstacles à l’adoption de pratiques de gestion durable des terres
Pour que l’adaptation au changement climatique soit possible, if faut utiliser tous les moyens disponibles – notamment la séquestration du carbone dans le sol – pour réduire le réchauffement dû aux actuelles émissions de carbone et qui pourrait se situer aux environs de 4°C d’ici la fin du siècle. Le projet ci-dessus met en évidence, parallèlement à d’autres preuves scientifiques, les synergies qui existent entre la séquestration du carbone dans le sol, les revenus des petits exploitants agricoles et l’adaptation au changement climatique. Ce projet a élaboré puis appliqué des méthodologies de comptabilisation du carbone visant à effectuer des estimations prudentes et ayant un bon rapport coût-efficacité de l’évolution des quantités de carbone stockées dans le sol sur la base desquelles les services environnementaux sont payés. Il existe bien sûr des faiblesses à surmonter, des limites à dépasser et des problèmes à résoudre, mais les paiements de la séquestration du carbone dans le sol constituent une approche prometteuse face aux obstacles actuels à l’adoption de pratiques de gestion durable des terres agricoles.

L’adoption d’une approche adaptée au niveau du paysage ou de la région et d’un mécanisme de financement approprié, éventuellement par l’intermédiaire des mesures d’atténuation appropriées au niveau national (Nationally Appropriate Mitigation Actions – NAMA), est nécessaire pour permettre à un plus grands nombre d’agriculteurs de tirer parti de ces pratiques. Les dispositions de suivi doivent être améliorées, non seulement pour fournir des données sur l’efficacité de l’atténuation mais aussi pour donner aux agriculteurs les informations dont ils ont besoin pour mieux gérer leur activité et faire face au changement climatique. Des mécanismes de sauvegarde et de partage des avantages doivent également être élaborés pour garantir le respect du principe d’équité et traiter d’autres questions potentielles, par exemple les droits d’utilisation des terres. Au moins trente pays en développement ont déjà manifesté un intérêt pour la mise en œuvre des NAMA agricoles, ce qui témoigne de tout l’intérêt qu’il y a à explorer des solutions similaires.

Timm Tennigkeit
UNIQUE forestry and land use Freiburg, Allemagne
timm.tennigkeit@unique-landuse.de

L’auteur souhaite remercier les co-auteurs Matthias Seebauer, de UNIQUE forestry and land use, et Johannes Wölcke, de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), pour leur contribution à la rédaction de cet article.

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