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Comment éviter la « consanguinité » chez les graminées
Maïs, riz, blé, canne à sucre – la famille des graminées compte un grand nombre d’espèces végétales qui sont d’importantes sources d’alimentation pour les humains et qui sont sélectionnées et cultivées depuis des millénaires. Les graminées sont également une importante source d’alimentation pour les animaux sauvages et les animaux d’élevage.
La sélection des graminées est toutefois difficile par nature. Comme de nombreux autres végétaux à fleurs, les graminées ont élaboré un mécanisme qui empêche la « consanguinité » après l’autopollinisation. Les spécialistes parlent de mécanisme d’ « auto-incompatibilité ». Ce phénomène empêche le pollen de la plante elle-même (ou d’individus étroitement liés) d’atteindre l’ovaire et de fertiliser l’ovule. Autrement dit, il prévient la « consanguinité », avec toutes ses conséquences.
Pour la sélection végétale, l’auto-incompatibilité peut être un inconvénient. Non seulement elle complique le développement de lignées homozygotes, mais en plus, elle peut affecter la pollinisation de deux individus étroitement liés. Cela complique l’évolution de la sélection végétale vers l’acquisition de caractéristiques souhaitées par croisement. Pour pouvoir exploiter différentes stratégies de sélection végétale, il est essentiel d’avoir une connaissance précise de l’auto-incompatibilité.
Les gènes de l’auto-incompatibilité des graminées décodés pour la première fois
À ce jour, on sait peu de choses sur la constitution génétique de l’auto-incompatibilité chez les graminées. Dans les années 1960, des spécialistes du monde végétal ont découvert que l’auto-incompatibilité est contrôlée par deux régions génomiques (loci) séparées. Malheureusement, avec les méthodes disponibles à l’époque, les chercheurs ne pouvaient pas déterminer quels gènes étaient effectivement concernés.
Aujourd’hui, pour la première fois, des chercheurs placés sous la direction du professeur Bruno Studer, spécialiste de la sélection moléculaire des plantes, ont réussi à identifier les gènes responsables de l’auto-incompatibilité et à déterminer leur séquence d’acide nucléique. Ils ont obtenu ce résultat sur de l’ivraie vivace (Lolium perenne L.), une des espèces de graminées les plus importantes au monde pour le fourrage et le gazon.
Bruno Studer a consacré plus de 15 ans à ce sujet, en collaboration avec des chercheurs danois, gallois et américains. En 2006, il a identifié les gènes qui réduisent le rendement en graines des graminées fourragères. Ce qu’il cherchait, c’était le contraire : comment augmenter le rendement en graines. Les gènes qu’il a identifiés plus tard se sont avérés jouer un rôle dans l’auto-incompatibilité. En 2017, lui et son équipe ont réduit les deux régions génomiques à quelques gènes potentiels candidats. Ils ont aujourd’hui donné une description précise des trois gènes qui constituent effectivement les loci et contrôlent l’auto-incompatibilité.
Ces résultats ouvrent de nouvelles possibilités en matière de sélection, non seulement pour les graminées fourragères mais aussi pour des graminées autogames importantes pour la consommation humaine, telles que le riz et l’orge. Lorsque les gènes de l’auto-incompatibilité sont connus, on peut les manipuler de manière spécifique. En les bloquant, il est possible de créer des lignées endogames.
Une autre approche consiste à introduire les gènes dans le génome des graminées ayant perdu leur auto-incompatibilité de manière à obtenir des populations génétiquement diverses. Pour Bruno Studer, une chose est claire : « La connaissance de ces gènes nous offre une base importante pour contrôler ce mécanisme et l’utiliser pour la sélection végétale. »
Interaction de deux loci distants
Pour l’essentiel, l’auto-incompatibilité est basée sur l’interaction de deux loci – le locus S et le locus Z – qui sont situés sur des chromosomes différents.
Les gènes produisent trois protéines différentes constituant une sorte de mécanisme de verrouillage qui détermine si le pollen qui s’est déposé sur les stigmates est génétiquement similaire ou différent. Cela déclenche un signal qui peut soit faire avorter le processus de fécondation, soit le poursuivre jusqu’à son achèvement.
Bruno Studer et son équipe étudient actuellement les structures de ces protéines et cherchent à savoir comment elles interagissent pour différencier le pollen étranger de celui de la plante concernée. Pour cela, ils utilisent des méthodes spéciales d’intelligence artificielle pour modéliser la structure des protéines correspondantes sur la base de la séquence génétique, ainsi que des modèles qui prédisent les interactions entre ces molécules.
(ETH/wi)
Référence
Pour en savoir plus :
Lire l’article dans son intégralité sur le site Web de l’EPF
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