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CIRAD : Un grain d’espoir pour les riziculteurs ?
Un grand nombre de cultures reposent actuellement sur l’utilisation de variétés hybrides de première génération, obtenues par croisement entre deux variétés éloignées génétiquement. Ces hybrides dits « F1 » bénéficient d’une forte vigueur et sont très recherchés par les agriculteurs. Cette vigueur ne se maintient pas à la seconde génération : un obstacle qui oblige les paysans à renouveler chaque année leurs semences, les rendant dépendants des firmes semencières. Et s’il était possible de lever ce verrou pour assurer le maintien des qualités de la plante hybride de génération en génération ?
Il ne s’agit pour l’instant que d’expérimentations en laboratoire, mais les résultats sont déjà là : une équipe de l’institut de recherche français Cirad á Montpellier, en collaboration avec des chercheurs de l’UC Davis en Californie/États-Unis, du Max Planck Institut pour l’amélioration des plantes de Cologne en Allemagne, de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) en France, et du Council for Scientific and Industrial Research (CSIR) du Ghana, vient de démontrer la possibilité de reproduire à l’identique par grains une variété hybride de riz. Autrement dit, la variété pourra ainsi se cloner, à l’infini, et garder ses qualités de départ.
Ce mécanisme de clonage existe déjà naturellement chez un grand nombre de familles de plantes : c’est « l’apomixie », un mode de reproduction sans fécondation, qui aboutit à des graines génétiquement identiques à la plante mère. Chez le riz en revanche, ce phénomène n’existe pas à l’état sauvage. Les scientifiques ont réussi à créer une apomixie synthétique à l’aide de techniques d’éditions du génome.
Emmanuel Guiderdoni, spécialiste du génome du riz au Cirad, qui a encadré l’étude publiée dans Nature communications, détaille les résultats : « 95 pour cent des grains obtenus sont des clones, c’est-à-dire qu’ils conservent les mêmes propriétés que l’hybride F1 de départ, y compris la qualité du grain. Les descendances gardent le même génome sur plusieurs générations. En pratique, cela veut dire qu’un agriculteur n’aurait plus à racheter de nouvelles semences chaque année : il lui suffirait de semer une partie de sa récolte. »
Une telle avancée profiterait particulièrement aux riziculteurs les plus pauvres, qui pourraient conserver les semences des plantes hybrides sans perdre leur potentiel de rendement élevé. Pour Matilda Ntowa Bissah, généticienne au CSIR Ghana et co-autrice de l’étude, « appliquée à grande échelle, cette technique permettra d'accroître l'accès aux bonnes semences pour les agriculteurs pauvres en ressources, d'augmenter la productivité et les revenus.
Les travaux sont encore loin d’être finalisés, rappellent cependant les scientifiques : « pour le moment par exemple, les hybrides obtenus font preuve d’une fertilité réduite, c’est-à-dire qu’ils produisent un nombre de grains inférieurs à l’hybride de départ. Il va donc falloir corriger ce dernier défaut avant d’envisager des essais aux champ. Cela prendra plusieurs années. »
L’apomixie synthétique grâce aux techniques d’édition du génome
Les espèces sauvages ou cultivées de riz se reproduisent naturellement par fécondation sexuée, ce qui implique un brassage génétique et l’obtention d’une descendance différente des parents. Afin de conserver la vigueur d’une variété hybride F1, les scientifiques ont donc cherché à provoquer de manière synthétique la formation de l’embryon sans brassage génétique ni fécondation : l’apomixie, une forme de clonage.
Ils ont pour cela utilisé des techniques d’édition du génome, via le système CRISPR-Cas9. « Nous avons inactivé trois gènes et ajouté un gène modifié, qui provient du riz lui-même », précise Emmanuel Guiderdoni.
Objectifs : accessibilité aux semences et diversification
Les hybrides F1 sont connus pour maintenir une productivité plus élevée et plus stable face aux fluctuations environnementales. Or à l’heure actuelle, leur production chez le riz est particulièrement complexe et coûteuse, ce qui les rend inaccessibles aux petits riziculteurs.
L’apomixie synthétique permettrait deux choses : d’une part, elle ouvre la possibilité de diversifier les hybrides F1 beaucoup plus facilement, afin par exemple de créer des variétés plus adaptées à la demande locale et à des contextes climatiques variés. Ensuite, et à condition que les systèmes nationaux de recherche investissent dans cette technique, l’apoximie synthétique pourrait assurer aux agriculteurs et paysans une certaine indépendance vis-à-vis des firmes semencières, car ils pourront reproduire eux-mêmes ces variétés plus performantes.
(CIRAD/wi)
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