La production de bioénergie pourrait provoquer d’importantes émissions de dioxyde de carbone en raison du déboisement qui lui est associé dans les régions où l’affectation des terres est peu ou pas réglementée.
Photo: © PARALAXIS/Shutterstock.com

Limiter les émissions associées à la bioénergie

Les réglementations actuellement en vigueur dans le monde ne permettent pas de contrôler les émissions (liées au changement d’utilisation des terres) qui résultent de la production de biocombustibles modernes. Si ce vide réglementaire persiste, au lieu de contribuer à la lutte contre le changement climatique, la bioénergie risque de l’aggraver.

L’atténuation des émissions de gaz à effet de serre devrait entraîner une augmentation substantielle de la demande de biocombustibles modernes. Au regard du climat, ces combustibles sont pourtant loin de constituer une alternative neutre à l’essence et le diesel, notent des experts de l’Institut de recherche de Postdam sur les effets du changement climatique (PIK) dans une étude parue en juin 2023. 

Cette publication montre qu’en vertu des réglementations actuelles sur l’utilisation des terres, les facteurs d’émission de CO2 des biocombustibles pourraient même excéder ceux de la combustion du diesel fossile en raison des activités de défrichage à grande échelle associées à la production de biomasse. Les expert·e·s du PIK estiment que le seul moyen de garantir une contribution efficace de la bioénergie à la neutralité carbone serait que les conventions internationales introduisent une tarification du carbone afin de protéger efficacement les forêts et autres espaces naturels.

Les résultats de l’étude insistent sur la nécessité d’un changement de paradigme dans les politiques sur l’utilisation des terres. En effet, si la culture des plantes bioénergétiques n’est pas strictement limitée aux terres marginales ou abandonnées, la production alimentaire pourrait en pâtir et l’agriculture risquerait d’empiéter sur les terres naturelles. Il en résulterait d’importantes émissions de dioxyde de carbone provoquées par le déboisement dans les régions où l’affectation des terres est peu ou pas réglementée. 

Ces effets indirects de la bioénergie constituent un véritable défi pour les décideurs politiques, lorsque l’on sait que les marchés de l’alimentation et de la bioénergie sont interconnectés au niveau mondial mais qu’ils échappent au contrôle des politiques nationales. Tragiquement, le vide réglementaire qui prévaut dans le secteur de l’utilisation des terres risque de continuer à alimenter le faible coût de l’approvisionnement en bioénergie, tout en incitant le secteur de l’énergie à sortir des combustibles fossiles encore plus rapidement pour compenser les émissions supplémentaires associées au changement d’utilisation des terres. Cette spirale entraînerait, à son tour, une augmentation de la demande de bioénergie.

L’étude explique qu’en l’absence de réglementations supplémentaires sur l’utilisation des terres, le défrichement associé à la production de biocombustibles modernes affiche des facteurs d’émission de CO2 (moyenne sur une période de 30 ans) plus importants que ceux issus de la combustion du diesel fossile. Elle montre qu’un vaste plan mondial de protection des terres ou de tarification du carbone permettrait d’éviter les importantes émissions de CO2 associées au changement d’utilisation des terres qui découle de la production de biomasse moderne.

Les auteurs expliquent que la sortie des combustibles fossiles générera une demande de bioénergie à hauteur de centaines de milliards de dollars d’ici 2050. Le secteur agricole essaiera de tirer profit de ces nouvelles opportunités, mais le développement potentiel de secteurs à haut rendement est souvent synonyme d’importantes émissions de CO2 en raison de la conversion des terres. À elle seule, la réduction de la demande de bioénergie ne parviendra pas à résoudre ce problème. 

L’équipe estime que ce n’est pas le niveau de prix en lui-même qui est crucial, mais la capacité à couvrir l’intégralité ou presque des forêts et autres terres naturelles. Il est plus efficace de faire payer toutes les émissions résultant d’un changement d’affectation des terres avec un prix correspondant à seulement 20 % du prix du CO2 du système énergétique que de mettre en place un programme de protection couvrant 90 % des forêts du monde. Alors que l’élimination des combustibles fossiles progresse et que les réglementations en matière d’utilisation des terres prennent du retard, la protection du carbone stocké dans les forêts existantes doit devenir une priorité du programme d’action international. 

Les résultats de l’étude montrent qu’il est possible de produire de la bioénergie en limitant les émissions à condition que les réglementations sur l’utilisation des terres soient efficaces.

(PIK/ile)

Plus d’informations sont disponibles sur le site internet de l’Institut de recherche de Postdam sur les effets du changement climatique (PIK) (en anglais)

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