Une transformation de l’industrie de la pêche vers une pêche respectueuse de l’environnement pourrait contribuer durablement à la sécurité alimentaire.
Photo: © Mike Nicolai/Geomar

L’aquaculture n’est pas la solution au problème de la surpêche

Selon une étude, les taux de croissance de la production de poissons et de fruits de mer en aquaculture sont limités et ont déjà atteint leur maximum. Les chercheurs déclarent qu’en l’absence de poissons sauvages, le monde serait confronté à une pénurie annuelle d’aliments pour poissons qui, d’ici 2030, atteindrait environ 71 millions de tonnes. En outre, le développement accru de l’aquaculture pourrait avoir des conséquences socioéconomiques dévastatrices pour les pays côtiers à faible revenu.

Dans une large proportion, les espèces halieutiques utilisées par l’homme sont surpêchées. Le problème est bien connu, mais cela n’empêche pas la consommation mondiale de poissons de continuer d’augmenter. L’aquaculture, c’est-à-dire l’élevage d’espèces aquatiques destinées à la consommation humaine dans des systèmes confinés, est souvent perçue comme la solution au problème. Mais cet optimisme ne résiste pas à l’analyse.

Telle est la conclusion d’une récente étude publiée dans la revue Frontiers in Marine Science et réalisée par dix instituts de différents pays, avec la participation de GEOMAR, l’Institut Leibniz d’océanographie, à Kiel, Allemagne. Les chercheurs analysent des données de séries chronologiques accessibles au public et fournies par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ces données illustrent l’évolution de la productivité de l’aquaculture de 1950 à 2018 et permettent de tirer des conclusions sur son rôle actuel face à la demande mondiale de poissons comestibles.

L’analyse des données montre que la croissance de la production grâce à l’aquaculture a atteint un pic dès 1996 et que, alors que la production totale concernant les dix principales espèces élevées continue d’augmenter, les taux de croissance diminuent. À la surprise des chercheurs, ce phénomène affecte même les espèces qui ne dépendent pas, pour se nourrir, de farine et d’huile provenant d’espèces sauvages, par exemple les algues ou les organismes filtreurs, tels que les moules. On considère que ces espèces sont particulièrement importantes pour la sécurité alimentaire. Leur élevage est moins nocif pour l’environnement car les moules filtrent l’eau et les algues peuvent absorber les excédents de nutriments.

À elle seule, l’aquaculture ne peut pas répondre à la demande mondiale de poissons 
 

Le docteur Rainer Froese, spécialiste en écologie évolutive marine à GEOMAR et expert allemand pour l’étude, confirme que la demande mondiale de poissons et de fruits de mer ne peut pas être essentiellement satisfaite par l’aquaculture. « Dans l’état actuel des choses, même avec des percées technologiques, l’aquaculture ne pourrait pas répondre à la demande de poissons, » déclare-t-il. « La transformation de la pêche industrielle en pêche respectueuse de l’environnement offrirait un potentiel bien plus élevé pour l’avenir. »

Selon l’étude, les prises effectuées dans les eaux européennes pourraient augmenter d’environ cinq millions de tonnes si l’Europe reconstruisait son secteur de la pêche et le gérait correctement. Cela représente plus que l’actuelle production annuelle de l’aquaculture en Europe. Cependant, pour faire face à la totalité ou la majeure partie de la demande mondiale prévue d’ici 2030 (173 millions de tonnes), il faudrait que la production des exploitations piscicoles augmente d’au moins trois fois le taux moyen annuel prévu par la FAO. Or, la production a atteint ses limites environnementales.

En outre, une bonne partie de la production déclarée vient de la région asiatique, « avec une possible surestimation de ces chiffres pour les espèces qui ne sont pas exportées, » explique Rainer Froese. Environ dix pour cent seulement de la production mondiale sont répartis entre les cinq autres continents, la part de l’Europe n’étant que d’environ quatre pour cent. Les pays en développement et les États côtiers d’Afrique et d’Amérique du Sud seraient à peu près certainement exposés à une forte insécurité alimentaire si les petits poissons à bas prix étaient pêchés à échelle encore plus grande pour alimenter des espèces coûteuses élevées ailleurs.  

« La production de produits piscicoles à forte valeur ajoutée est socialement acceptée, mais ce ne sont pas le saumon, la dorade, l’huitre, la crevette et le thon engraissé qui vont nourrir la planète, » déclare Rainer Froese. La production de la majeure partie des poissons consommés dans le monde grâce à l’aquaculture, compte tenu des considérations géographiques actuelles, pourrait par conséquent avoir de graves conséquences socioéconomiques, nutritionnelles et en matière de sécurité alimentaire pour le monde entier.

 

Publication :

Sumaila, U. R., Pierruci, A., Oyinlola, M. A., Cannas, R., Froese, R., Glaser, S., Jacquet, J., Kaiser B. A., Issifu, I., Micheli, F., Naylor, R., Pauly, D. (November, 2022): Aquaculture over-optimism? Frontiers in Marine Science. Doi: https://doi.org/10.3389/fmars.2022.984354

 

 

 

 

 

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