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Initiative allemande pour des campagnes de production durable du cacao
Les cacaoculteurs s’en tiraient mieux il y a 30 ans. Depuis les années 1980, la fluctuation croissante des prix mondiaux entraîne un déclin régulier des prix. Les plantations de cacao sont obsolescentes et les producteurs dépensent des sommes d’argent considérables en engrais, graines et plants. Comme les rendements restent malgré tout bas, les familles se tournent vers la forêt tropicale qu’elles déboisent pour disposer de nouvelles terres. Par ailleurs, le travail des enfants n’a toujours rien d’exceptionnel.
L’Initiative allemande pour le cacao durable (GISCO) a démarré en 2012 pour lutter contre cette situation. Ce projet conjoint du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) et du ministère fédéral allemand de l’Alimentation et de l’Agriculture (BMEL), du secteur allemand de la confiserie et de la société civile compte aujourd’hui 76 membres actifs. Cette année, lors de l’assemblée des membres de l’Initiative qui s’est tenue à Berlin à la mi-mai, de nouveaux objectifs ont été définis pour améliorer les conditions de vie et la situation financière des cacaoculteurs, notamment en Afrique occidentale.
Un plaidoyer en faveur d’une intensification de la production respectueuse de l’environnement
L’Institut royal des Tropiques (KIT), institut de recherche néerlandais basé à Amsterdam/Pays-Bas, a analysé la situation économique des cacaoculteurs en Afrique occidentale dans une étude réalisée en 2018. Anna Laven, co-auteure de cette étude, a présenté certains de ses résultats à Berlin/Allemagne.
Ces résultats montrent que les conditions de vie des cacaoculteurs du Ghana et de la Côte d’Ivoire sont extrêmement précaires. Anna Laven a déclaré qu’il manque avant tout de l’argent pour assurer la formation, les réserves nécessaires et la santé. Certaines saisons, les cas de malnutrition ne sont pas rares. Toutefois, elle a fait remarquer que la situation varie considérablement d’un ménage à l’autre et qu’au Ghana, contrairement à la Côte d’Ivoire, le système de santé du gouvernement contribue à améliorer la situation financière de certains.
L’étude montre que les cacaoyers sont généralement cultivés par des ménages dirigés par les hommes alors que les ménages dirigés par les femmes optent de plus en plus souvent pour d’autres cultures. La plupart des cacaoculteurs récoltent 450 kilos de fèves de cacao – à peine la moitié de ce qu’ils pourraient récolter. C’est ce qui les pousse à défricher la forêt tropicale pour agrandir leurs surfaces cultivables.
Anna Laven propose donc une intensification de la production respectueuse de l’environnement. Elle fait valoir que si les cacaoculteurs pouvaient améliorer leurs rendements tout en respectant l’environnement, les zones défrichées pourraient être reboisées.
Un ensemble complexe de causes est responsable de la faible position des acteurs de la chaîne de valeur cacaoyère. Dans bien des cas, la propriété foncière n’est pas garantie et cela explique d’autant plus la situation difficile des cacaoculteurs. Souvent, les exploitations sont trop petites et les cacaoyers sont trop vieux. Les producteurs manquent d’argent pour acheter les intrants nécessaires tels que des engrais et des herbicides, ce qui explique que les fèves de cacao sont souvent de mauvaise qualité. La monoculture, ainsi que le non-respect des droits humains et le travail des enfants ne font qu’empirer les choses. L’étude montre également que l’augmentation des prix ne suffirait pas pour améliorer les conditions de vie des cacaoculteurs.
Impliquer les pays producteurs
Dans ce contexte, l’Initiative pour le cacao durable a défini, à Berlin, douze objectifs individuels visant à améliorer les conditions de vie des petits exploitants. Ces objectifs portent sur le revenu minimum vital des ménages de cacaoculteurs, sur le respect des droits humains dans la chaîne de valeur cacaoyère et sur les mesures de lutte contre l’accroissement de la déforestation.
« Nous devons adopter une attitude plus politique, » a déclaré Maria Flachsbarth, secrétaire d’État parlementaire au BMZ, qui a ajouté qu’il fallait que les pays producteurs participent au débat sur le développement car, sans la participation des gouvernements locaux, les problèmes ne peuvent être résolus à long terme. Toutefois, elle a également souhaité que les pays industrialisés changent leur façon de voir les choses. Ils ne sont pas de simples acheteurs de produits ; ils sont les clients des pays producteurs et doivent par conséquent plus exiger d’eux. Les clients définissent dans quelles conditions les produits doivent être obtenus et peuvent par conséquent influencer les processus. « L’avenir de l’Afrique est aux mains des Africains, » a déclaré Maria Flachsbarth. « Cependant, nous ne sommes pas de simples spectateurs, nous sommes aussi des acteurs. »
Le modèle de revenu minimum vital
En calculant le revenu minimum vital, la Living Income Community of Practice (communauté de pratique sur le revenu minimum vital), une alliance internationale, détermine la somme d’argent localement nécessaire pour assurer la sécurité alimentaire et la bonne santé des petits exploitants. Beate Weiskopf, directrice générale de la GISCO, a présenté les calculs effectués par l’Alliance pour les cacaoculteurs ouest-africains. Ces calculs prennent en considération le revenu agricole et le revenu provenant de sources non agricoles. Ce dernier comprend les salaires payés par d’autres secteurs ainsi que les envois de fonds depuis l’étranger. Cette valeur réelle est comparée à une valeur cible qui est déterminée comme valeur régionalement ajustée des dépenses consacrées à l’alimentation, au logement, à l’eau potable, à la santé, à l’éducation et à la constitution de petites réserves. Une différence négative indique le déficit de revenu qu’il faut combler.
Par exemple, en Côte d’Ivoire, le cacao représente en moyenne 66 pour cent du revenu agricole. Avec le revenu non agricole, les ménages gagnent 172 euros par mois, si bien que le déficit à combler est de 306 euros par mois. Au Ghana, où il est de 179 euros par mois, ce déficit est considérablement moindre. Globalement, les nouveaux objectifs fixés par le forum visent à combler ces déficits.
Fair Trade s’est basé sur le modèle du revenu minimum vital pour calculer un prix de référence pour le cacao de Côte d’Ivoire. Fair Trade paie actuellement 2 000 dollars US la tonne. À partir d’octobre 2019, ce prix de référence doit passer à 2 400 USD. Il y aura par ailleurs une surtaxe de 240 USD qui pourra être utilisée par les coopératives pour des installations de séchage et des projets d’école.
Roland Krieg, journaliste, Berlin/Allemagne
Plus d’informations :
Site de l’Initiative allemande pour le cacao durable
Étude : Demystifying the Cocoa Sector in Ghana and Côte d’Ivoire
Site de la Living Income Community of Practice
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