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Conseil rural – retour sur le programme de développement !
Nous vivons dans un monde complexe et en évolution constante dont la population croissante est confrontée à des besoins accrus d’aliments, de fibres et de combustibles auxquels vient s’ajouter le problème de la préservation des ressources naturelles. Lorsqu’on aborde des questions telles que le changement climatique et la variabilité des marchés, il est évident que les innovations agricoles (avec le partage des informations et l’accès aux marchés des intrants et des produits agricoles que cela suppose) sont essentielles pour résoudre ces problèmes.
Les services de vulgarisation et de conseil agricoles sont de plus en plus perçus comme des moyens indispensables à la promotion de l’innovation. Ces services aident les agriculteurs à faire face aux risques et aux changements en contribuant à améliorer leurs moyens de subsistance et à renforcer leurs capacités. Ils favorisent la diffusion des nouvelles idées et le partage des technologies et pratiques existantes, ainsi que l’organisation des agriculteurs et l’établissement de liens entre eux et les marchés. En plus de l’aide qu’ils apportent au niveau de l’agriculture et de la production, les services de conseil sont présentés comme des moyens de résoudre des problèmes tels que l’éducation nutritionnelle et la reconstruction après les crises.
D’une approche de « Révolution verte » à un forum mondial
Cet intérêt est relativement nouveau. La première application à grande échelle des services de conseil agricole dans les pays en développement remonte au milieu du siècle dernier. On s’inquiétait alors de l’aggravation du problème de la faim et du risque de voir des millions de petits exploitants agricoles mourir de faim en Asie et ailleurs. Des travaux de recherche et des services de vulgarisation ont été mis en œuvre pour s’attaquer à ce problème (surtout grâce à l’utilisation de variétés de maïs et de blé à haut rendement) dans le cadre de la « Révolution verte ». Le transfert de technologies (TDT) était perçu comme un moyen important d’aider les agriculteurs en leur fournissant des semences, des engrais et des pesticides améliorés et en leur montrant comment les utiliser. En ce qui concerne l’introduction de nouvelles variétés de riz, le transfert de technologies a globalement été une réussite (bien qu’il ait entraîné des problèmes en matière d’écologie et de biodiversité). Toutefois, les tentatives ultérieures d’application d’une approche TDT dans d’autres contextes – par exemple en Afrique – ont essentiellement été des échecs.
En raison (en partie) de l’échec perçu des services de vulgarisation pour mener à bien la « Révolution verte » en Afrique, problème auquel sont venues s’ajouter des réductions de budgets des services publics imposées par les organismes de prêts, le soutien accordé aux services de conseil (ainsi qu’à la recherche et à l’éducation) a reculé à partir des années 1990. Cela a entraîné une érosion des capacités des prestataires de services de conseil qui ont considéré qu’il était difficile d’assumer leurs rôles traditionnels et à fortiori d’en assumer de nouveaux. Malgré un manque de financement et d’intérêt de la part de la communauté internationale, les organisations non gouvernementales et d’autres acteurs ont cherché des alternatives à l’approche TDT et ont essayé des approches participatives de recherche et de vulgarisation. Parallèlement, elles ont porté un intérêt accru aux connaissances autochtones comme sources de meilleures pratiques et d’innovations.
C’est alors qu’un groupe de bailleurs de fonds et d’autres organismes de développement se sont réunis pour examiner le rôle de la vulgarisation dans le développement agricole. Ils ont créé un forum informel de discussions baptisé « Initiative de Neuchâtel » qui s’est réuni annuellement entre 1995 et 2010 pour examiner d’autres approches et fixer des cadres communs de services de vulgarisation et de conseil. C’est ainsi qu’a été créé, en 2010, le Forum mondial pour le conseil rural (Global Forum for Rural Advisory Services – GFRAS), organisme fonctionnel proactif chargé de plaider pour la vulgarisation et d’en assurer le leadership à l’échelle mondiale. Il s’acquitte de cette mission en prenant la parole auprès de la communauté internationale de développement, en offrant une plateforme d’échanges et de renforcement des réseaux de vulgarisation, et en élaborant et synthétisant des approches et politiques basées sur des données factuelles.
Repenser la vulgarisation – le nouveau pluralisme
Ce regain d’intérêt pour la vulgarisation est parallèle aux efforts visant à repenser son rôle (voir encadré à la fin de l’article). D’une conception linéaire de la vulgarisation basée sur une approche TDT, on est passé à des systèmes de réseaux et d’innovation. En pratique, cela signifie que le rôle des vulgarisateurs ne se limite pas à former les agriculteurs ; ils doivent également servir d’animateurs, créer un lien entre les différents acteurs agricoles (par ex. les agriculteurs, les chercheurs, les négociants, etc.) et offrir des plateformes d’apprentissage mutuel et d’échange. De plus, comme tout acteur du système d’innovation est aujourd’hui perçu comme un détenteur de technologies et de pratiques améliorées au développement desquelles il contribue potentiellement, les connaissances propres des agriculteurs sont perçues comme une ressource importante dont on peut tirer parti. C’est ce qui ressort également des tentatives visant à faire en sorte que la vulgarisation soit plus axée sur la demande, de nouvelles approches et méthodes s’efforçant d’identifier les besoins des agriculteurs en les faisant activement participer au processus de détermination des priorités et de génération du contenu de la vulgarisation, et de contrôler et d’évaluer les services. Le rôle important joué par les organisations d’agriculteurs pour assurer les services de vulgarisation est également reconnu.
Ces nouveaux rôles et nouvelles fonctions sont à l’origine d’un pluralisme croissant des prestataires et des méthodes de vulgarisation agricole. En plus des habituels services de vulgarisation financés par le gouvernement, des conseils et des services de facilitation sont aujourd’hui de plus en plus offerts par des entreprises privées, des organisations d’agriculteurs et des ONG. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont elles aussi de plus en plus utilisées pour le partage des connaissances et des informations, surtout compte tenu de l’utilisation croissante des téléphones portables dans les zones rurales.
Ce pluralisme découle en partie d’une réponse aux difficultés que rencontrent de nombreux services de vulgarisation financés par des fonds publics pour assurer leur efficacité (leur financement est souvent insuffisant) et pour répondre de manière adéquate aux besoins de leurs clients. Et s’il élargit bien la portée de la vulgarisation et du conseil, il s’expose également au risque de préjugés technologiques et de dépendances historiques. Il est ainsi possible que des entreprises donnent la préférence à leurs propres produits lorsqu’elles offrent des conseils. Rien ne garantit non plus que les solutions technologiques choisies (même en toute bonne foi) à l’extérieur répondront vraiment aux besoins des agriculteurs.
On estime que le pluralisme contribue à la durabilité des services de conseil, point qui ne bénéficie jamais d’un financement conséquent de la part des gouvernements et des projets. Des cadres politiques sont néanmoins nécessaires à la prestation de services de conseil rural pluralistes et durables. Les politiques concernant les services de conseil rural contribuent également à coordonner les actions des différents types de prestataires, à offrir des mécanismes de certification et à assurer l’assurance qualité.
Enfin, et surtout, les différents rôles et besoins des hommes et des femmes, ainsi que des jeunes et des handicapés, sont de plus en plus reconnus dans l’agriculture. Dans la plupart des pays, les femmes et les jeunes – et dans certains cas (par ex. après une guerre civile) même les handicapés – contribuent de manière considérable à la main-d’œuvre agricole mais disposent d’un accès limité à l’information et d’autres biens. Il revient donc à la vulgarisation d’élaborer des contenus adaptés à leurs besoins et de trouver des moyens et des mécanismes leur permettant de participer.
En réponse à cette évolution du sens de la vulgarisation agricole, le GFRAS a créé un document de synthèse, le New Extensionist (voir encadré), qui résume le rôle croissant de la vulgarisation dans le développement agricole et va au-delà du renforcement des connaissances et compétences des vulgarisateurs, vers la prise en compte de l’ensemble du système agricole et de ses mécanismes pour la création et l’échange de connaissances.
Un besoin d’informations : la nécessité de partager
La création du GFRAS et la publication du New Extensionist témoignent de la façon dont les acteurs du développement perçoivent la vulgarisation comme un moyen de résoudre un grand nombre des problèmes agricoles d’aujourd’hui. Ils ont pour cela besoin d’informations sur les services de conseil, sur différentes approches et différents modèles, et de preuves de leur efficacité. Mais il est souvent difficile d’obtenir ce type d’informations. Les services de conseil sont actuellement bien plus pluralistes et décentralisés, si bien qu’il est difficile de savoir combien d’agents collaborent avec les agriculteurs et quels types de programmes et d’approches sont utilisés. La seule étude exhaustive consacrée aux services de vulgarisation à l’échelle mondiale a été réalisée à la fin des années 1980 (Bahal et Swanson, 1988). Cette étude et le répertoire des prestataires de services de vulgarisation (Directory of Extension Providers) du GFRAS sont les dernières tentatives mondiales de quantification de la vulgarisation et d’examen des sujets qu’elle couvre et de son financement dans différents pays. Malheureusement, compte tenu de la diversité actuelle des services de conseil, ces documents ne sont pas exhaustifs.
En plus des données concernant les acteurs, le personnel et les programmes de la vulgarisation, les évaluations des approches de vulgarisation existantes sont rares. Cela tient en partie au fait qu’il est très difficile de mettre en évidence les impacts de la vulgarisation, notamment en ce qui concerne la prise en compte des questions d’attribution et l’établissement d’un lien quantitatif entre les causes et les effets (Purcell et Anderson, 1977 ; pour en savoir plus, voir Davis, 2008). Toutefois, pour convaincre les responsables des orientations politiques et pour orienter l’investissement dans les approches de vulgarisation et les mécanismes de financement, il faut plus d’informations et de preuves. Le GFRAS et ses organisations partenaires, y compris la GIZ, ont par conséquent pris la tête d’une initiative de collecte systématisée des bonnes pratiques de vulgarisation et de réalisation d’évaluations plus rigoureuses.
De la vision à la réalité
Les services de vulgarisation et de conseil ont considérablement évolué depuis les jours de la Révolution verte. On leur attribue aujourd’hui un rôle élargi, plus important et holistique, qui devrait, espérons-le, contribuer à la réalisation des objectifs de développement rural à l’échelle mondiale. Toutefois, pour que les services de conseil jouent efficacement leur rôle en matière de développement rural, des informations sur les approches et les politiques sont nécessaires. Il faut renforcer les capacités des organisations et des agents de vulgarisation. Il faut mettre en place des plateformes de partage des informations au niveau local, régional et mondial. Il faut plaider pour l’importance des services de conseil rural auprès des responsables des orientations politiques. Ce sont là autant de domaines dans lesquels les acteurs du développement, les réseaux ruraux de vulgarisation et un réseau mondial tel que le GFRAS collaborent pour faire en sorte que la vision devienne réalité.
Vers une solution de réseaux et de systèmes d’innovation
La vulgarisation vue sous l’angle des systèmes d’innovation a une fonction bien différente de celle du modèle linéaire. Le système d’innovation reconnaît les nombreuses sources de connaissances différentes et met l’accent sur l’interaction entre les acteurs plutôt que sur les acteurs eux-mêmes. Il prend également note du rôle important de l’environnement institutionnel. De ce point de vue, les vulgarisateurs jouent un rôle crucial d’intermédiaires entre les agriculteurs et d’autres sources de connaissances. Ces nouveaux rôles sont pris en compte dans les approches de vulgarisation et de développement appliquées, par exemple, dans les écoles pratiques d’agriculture, les cercles d’études, les plateformes d’innovation et les groupes de recherche agricole.
Pour en savoir plus/références :
Activités du GFRAS, documents, New Extensionist, etc.
www.g-fras.org/fr
Écoles pratiques d’agriculture (en anglais):
www.farmerfieldschool.info
Centre d’apprentissage de finance rural
http://www.ruralfinance.org/page-daccueil/fr/
Conférence internationale de vulgarisation
http://extensionconference2011.cta.int/fr
Références :
GFRAS directory of extension providers
http://www.g-fras.org/en/knowledge/extension-directory.html
Producer organisations in rural advisory services
http://www.g-fras.org/en/activities/producer-organisations-in-ras.html
About the possible role of rural advisory services in disability-inclusive development
http://www.g-fras.org/en/knowledge/documents/approaches-tools-guidelines/file/175-ras-and-disability-inclusive-development.html
World wide extension study
http://www.g-fras.org/en/world-wide-extension-study.html
The ‚New Extensionist’
http://www.g-fras.org/en/activities/the-new-extensionist.html
Farmer field schools
http://www.farmerfieldschool.info
Rural Finance Learning Center
http://www.ruralfinance.org
Farmer research groups
http://www.jica.go.jp/project/ethiopia/5065025E0/05/pdf/proceedings.pdf
Study circles
http://www.ruralfinance.org/fileadmin/templates/rflc/documents/Study_circle_pdf.pdf
International extension conference
http://extensionconference2011.cta.int/programme/session2/networks/2
Kristin Davis
Global Forum for Rural Advisory Services (GFRAS)
Lindau, Suisse
Kristin.davis@g-fras.org
Frederik Oberthür
Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH
Eschborn, Allemagne
Frederik.oberthuer@giz.de
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