Jour de marché dans un village du Mali.
Photo: J. Boethling

L’importance des marchés

Les marchés ruraux sont d’importants cadres institutionnels traditionnels qui remplissent un certain nombre de fonctions clés dans les sociétés rurales. L’auteur en présente les principales pour le Nigeria.

Un marché rural (également appelé « marché de producteurs ») est un exemple parmi tant d’autres de systèmes, d’institutions, de procédures, de relations sociales et d’infrastructures permettant à différentes parties de faire des échanges. Si certaines de ces parties peuvent troquer des biens et services, la majeure partie des marchés du Nigeria s’appuient sur des vendeurs offrant leurs produits ou services (y compris de main-d’œuvre) contre l’argent des acheteurs. Le marché rural est un marché physique de vente au détail dans lequel des produits alimentaires sont vendus directement par les exploitants agricoles et leurs épouses aux consommateurs et aux grossistes des centres urbains. D’une manière générale, il comprend des baraques, des tentes, des tables ou des stands, installés à l’intérieur d’un bâtiment ou à l’air libre, où les exploitants agricoles vendent des fruits, des légumes, de la viande et parfois des plats préparés et des boissons. Les marchés ruraux peuvent être classés en fonction de leur périodicité : marchés quotidiens, marchés spéciaux et marchés périodiques. Ces derniers ont lieu régulièrement un jour (ou plus) donné de la semaine ou du mois et sont caractéristiques de petits centres ruraux.

Selon Braun et al. (1998), les marchés ruraux tiennent compte de la répartition de la population et des villages, du degré de mobilité des vendeurs et des acheteurs et des variations locales en capacité de production et en ressources disponibles. Cet arrangement espace-temps des marchés périodiques montre tout l’intérêt qu’il y a dans l’offre et la demande de biens et services. Les marchés ruraux existent à l’échelle mondiale et sont le reflet de la culture locale et de l’économie d’une communauté donnée. La culture locale détermine parfois le lieu et le nom d’un marché rural. Ainsi, « le Marché du Roi » a souvent lieu près d’un palais royal. La taille des marchés ruraux varie de quelques étals à plusieurs blocs d’étals. Dans certaines cultures, des animaux vivants, des mets délicats importés localement non disponibles, sont vendus sur les marchés ruraux, à côté de biens personnels et de produits d’artisanat.

Fonctions des marchés ruraux au Nigeria

Au Nigeria, les marchés ruraux sont rarement des entités statiques. Ils ont tendance à changer et évoluer en fonction des besoins des acheteurs et des vendeurs qui y participent, de la nature des forces concurrentielles et de la disponibilité de la technologie.
On considère parfois que les marchés ruraux sont un simple processus d’achat et de vente. Dans la réalité, leurs fonctions vont bien au-delà de cette simple description. Généralement, la signification des marchés périodiques s’appuie sur une diversité de fonctions dont les principales sont d’ordre économique, social et politique.

Fonction économique. La fonction économique peut s’expliquer en fonction de trois sous-fonctions majeures, qui sont les suivantes.
Une fonction d’échange. Elle consiste à trouver un acheteur ou un vendeur, à négocier un prix et à procéder au transfert de propriété. Elle a lieu au point de rencontre physique des acheteurs et des vendeurs (le marché), au point de production ou par l’intermédiaire d’autres moyens de communication. À ce stade, les droits de propriété formels ou informels sont importants pour assurer la fiabilité du transfert de propriété et pour garantir la légalité de l’échange (par exemple pour s’assurer que les animaux en vente n’ont pas été volés et que personne ne cherchera à les récupérer). Cette fonction d’échange comporte souvent une part de marchandage dont les modalités varient d’une culture à une autre. Tout participant à un marché rural doit connaître les modalités de transaction pour en tirer le meilleur parti.

Une fonction physique. Cette fonction concerne le flux de denrées dans l’espace et dans le temps, du producteur au consommateur, ainsi que leur transformation en produits attrayants pour le consommateur. Le regroupement ou la concentration du produit en des lieux pratiques permet de le transporter de façon économique (par ex. les ignames provenant de plusieurs producteurs sont regroupés en un lieu donné pour leur transport conjoint). Le stockage permet de conserver la denrée jusqu’à l’augmentation de la demande, pendant la haute saison, ce qui stabilise l’offre. La transformation ajoute de la valeur au produit en le transformant en produit demandés par les consommateurs. La classification et la normalisation permettent au consommateur d’avoir plus confiance dans les caractéristiques du produit qu’il achète. La plupart des marchés ruraux du Nigeria remplissent ces fonctions et, ce faisant, ils établissent un lien entre l’économie rurale et l’économie urbaine. Les jours de marché, les produits agricoles sont regroupés, triés/calibrés ou classés, et subissent un nettoyage minimal (céréales). Les marchés ruraux ne remplissent pratiquement aucune fonction de stockage. Par conséquent, les invendus à la fermeture du marché, lorsqu’il ne s’agit pas d’un marché quotidien, sont vendus à prix bradés, sinon ils pourriraient progressivement.

Financement et risques. Ce sont là deux importantes fonctions facilitatrices remplies par les marchés ruraux. À n’importe quel stade de la commercialisation, le propriétaire de marchandises doit sacrifier l’opportunité d’utiliser le fonds de roulement nécessaire pour acheter ces marchandises ailleurs. Ou alors il doit emprunter ce capital. Dans les deux cas, le capital doit être fourni par le vendeur ou par un prêteur. Le risque de perdre la totalité ou une partie de ce capital (vol, détérioration, mortalité ou fluctuation des conditions du marché) a également un coût implicite. Sur les marchés ruraux, les femmes qui agissent souvent comme intermédiaires entre les exploitants agricoles et d’autres acheteurs doivent fournir le capital nécessaire pour regrouper les produits et elles sont exposées au risque de détérioration et/ou de vol de ces produits. Dans les marchés ruraux du Nigeria, la détérioration des produits a un coût important en raison des mauvaises conditions de manutention et/ou de stockage des denrées fraîches. Sans la volonté d’apporter ce capital et de supporter ces coûts, aucun stade de la filière de commercialisation ne pourrait fonctionner.

Fonction sociale. En plus de leur fonction économique, les marchés ruraux contribuent à maintenir des liens sociaux importants en associant les populations rurales et urbaines, voire de proches voisins, à un échange mutuellement enrichissant. Par ailleurs, le fait d’acheter au marché incite à porter attention à ce qui se passe à proximité et aux activités en cours. En offrant des points de vente pour les produits « locaux », les marchés ruraux contribuent à créer une impression d’unicité susceptible d’accroître le sentiment de fierté et d’encourager les visiteurs à revenir. Les marchés ruraux du Nigeria sont des points de mélange culturel dans lesquels des personnes de tribus différentes, venant de différentes parties du pays, peuvent interagir. Les acheteurs de noix de cola (Hausas) viennent du nord du Nigeria pour regrouper des noix de cola dans les marchés du sud du pays, alors que les grossistes d’ignames (Yorubas) se rendent dans le nord du Nigeria pour regrouper des ignames qui sont ultérieurement transportées vers les marchés du sud du pays. Les marchés ruraux créent par conséquent un cadre de mélange des cultures au Nigeria, pays présentant une grande diversité culturelle.

Les marchés ruraux donnent également aux ménages l’occasion de rencontrer des voisins tout en s’approvisionnant en produits alimentaires. Ils servent de points focaux pour des interactions rurales permettant aux personnes de se rencontrer et constituer des groupes sociaux ainsi que des associations. Dans la société nigériane, les commerçants tels que les vendeurs d’ignames, les vendeurs de garris, etc., constituent des groupements commerciaux/sociaux. Ces groupements soutiennent socialement leurs membres, par exemple en unissant leurs efforts pour célébrer les mariages, les enterrements, etc.

Fonction politique. Dans un marché rural nigérian type, les groupes sociaux et les associations généralement constitués à des fins socioculturelles dans les communautés rurales sont également de puissants groupes/unités d’associations politiques qui n’ont guère lieu d’être que pour les campagnes électoralistes et les élections de titulaires de charges politiques. Ces groupes se présentent sous plusieurs formes (associations de femmes du marché, associations de vendeurs d’ignames, etc.) et sont organisés en structures dirigées par des leaders officiellement reconnus ou par des chefs traditionnels de la communauté (par ex. lyaloja – leader des femmes du marché).
Les groupes du marché étaient aux avant-postes de la résistance du temps de la domination coloniale et ils protestaient contre les obligations odieuses imposées par l’administration coloniale. Il est également établi que sous la direction de Mme Funmilayio Rnsome Kuti, les femmes du marché Egba ont rejeté l’imposition d’une taxe forfaitaire pour les femmes et ont forcé l’Alake (chef traditionnel) de l’Egbaland à abdiquer en 1948. À Lagos, les femmes du marché ont étroitement collaboré avec les premiers nationalistes, notamment avec le grand Herbert Macaulay qui les a encouragées à constituer une organisation centrale dirigée par Madame Alimotu Pelewura en 1923. Les leaders actuels (femmes et hommes) des opérateurs des marchés au Nigeria ont été des acteurs actifs de la politique nigériane. Ils ne recherchent généralement pas une fonction publique, mais les administrations qui se sont succédées s’en sont servi pour inciter les groupes des marchés à soutenir leurs divers programmes.

Conclusion

Les marchés ruraux, appelés marchés de producteurs au Nigéria, constituent d’importants cadres institutionnels traditionnels assumant un certain nombre de fonctions économiques, sociales et politiques clés dans la société nigériane. Les fonctions économiques sont similaires à celles d’autres marchés dans d’autres parties du monde, alors que les fonctions sociales sont influencées par le contexte socioculturel traditionnel de la société nigériane. Les fonctions politiques sont historiques et sont enracinées dans le passé colonial du pays et dans la résistance au pouvoir colonial.

Adegboyega Eyitayo Oguntade
Professeur agrégé en économie agricole
Université fédérale de technologie
D’Akure, Nigeria
oguntadeade@yahoo.uk

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