Les bovins, une ressource génétique unique de l’Afrique.
Photo: ©ILRI/flickr

Comment les bovins africains se sont adaptés aux multiples difficultés du continent

Dans le cadre d’une collaboration multinationale, des chercheurs annoncent la découverte, chez les bovins africains, d’un nouvel ensemble de marqueurs génétiques associés à de précieuses caractéristiques telles que la tolérance à la chaleur et la sécheresse, la capacité de résister à l’inflammation et aux infestations par les tiques, et la résistance à des maladies du bétail dévastatrices telles que la trypanosomiase.

Des chercheurs ayant analysé l’ADN de races bovines indigènes d’Afrique annoncent la découverte d’un mélange génétique vieux d’un millier d’années entre les deux principales sous-espèces bovines du monde, contribuant ainsi à révéler le patrimoine génétique qui fait le succès du pastoralisme africain. 

Présenté comme un « choc évolutionnaire » par un des chercheurs, ce mélange résulte de la rencontre de zébus (à bosse) et de bovins taurins (sans bosse) dans la Corne de l’Afrique, il y a de cela 750 à 1 050 ans. Ce croisement a conservé les avantages de chaque sous-espèce pour donner une race ayant la capacité de s’adapter aux écosystèmes variés et difficiles du continent.

Publiées dans l’édition d’octobre de Nature Genetics, ces conclusions résultent du séquençage des génomes de 172 bovins indigènes par des chercheurs de l’Institut international de recherche sur le bétail (ILRI) basé au Kenya et en Éthiopie et de l’université nationale de Séoul, en Corée. Ils voulaient savoir comment – après avoir été confinés pendant des milliers d’années dans une mosaïque changeante de sous-régions africaines – ces bovins ont rapidement acquis, au cours des derniers millénaires, des caractéristiques leur permettant de se répandre dans tout le continent.

Les bovins jouent un rôle primordial dans les moyens d’existence de l’homme en Afrique


Aujourd’hui, les bovins jouent un rôle primordial dans les moyens d’existence de l’homme en Afrique. Ils comptent parmi les biens les plus précieux de nombreux ménages ruraux. Ils sont une source primordiale de protéines et de micronutriments, mais aussi de revenus permettant, par exemple, de payer les frais de scolarité des enfants. Ils fournissent également du fumier servant à fertiliser les champs, sans compter que certaines races africaines peuvent survivre dans des conditions impropres aux cultures alimentaires.

Mais pour prospérer dans les divers contextes africains, les bovins ont besoin d’avoir diverses caractéristiques telles que la tolérance à la chaleur et la sécheresse, la capacité de résister à l’inflammation et aux infections par les tiques, et la résistance à des maladies dévastatrices telles que la trypanosomiase. Les conclusions de l’étude aident à comprendre comment les bovins africains ont acquis de telles qualités.

Aujourd’hui, environ un milliard de bovins descendent de l’auroch, une espèce aujourd’hui disparue de grands bovidés qui vivaient autrefois dans de vastes étendues d’Eurasie. Pendant l’ère néolithique, ces animaux ont été domestiqués de manière indépendante selon les régions : en Asie du Sud, où ils ont donné lieu au zébu (ou bovin à bosse), et au Moyen-Orient, où ils ont donné lieu au bovin taurin (sans bosse, lui). Ce dernier est arrivé sur le continent par l’Afrique du Nord il y a environ 8 000 ans de cela, mais sa présence s’est essentiellement confinée dans des étendues de terres isolées, en Afrique de l’Ouest et de l’Est.

Le séquençage des génomes effectué par les chercheurs a montré que dans la Corne de l’Afrique, les éleveurs pastoraux autochtones ont commencé à croiser le zébu asiatique avec les races taurines locales il y a environ mille ans de cela. Le zébu présente des caractéristiques permettant de survivre sous des climats chauds et secs, alors que le taurin peut résister à des climats humides où les maladies à transmission vectorielle, la trypanosomiase, par exemple, sont courantes.

De nouvelles connaissances encouragent la création d’une nouvelle génération de bovins africains 


« Nous pensons que ces connaissances peuvent être exploitées pour créer une nouvelle génération de bovins africains qui auraient les qualités du bétail européen et américain (qui produit plus de lait et de viande par animal), mais avec les nombreuses caractéristiques du bétail africain (qui est plus résilient et durable) », a déclaré Olivier Hanotte, chercheur principal à l’ILRI et professeur de génétique à l’université de Nottingham (Royaume-Uni).

« Nous avons de la chance que les éleveurs pastoraux aient été d’aussi bons sélectionneurs, » a-t-il ajouté. « Ils ont laissé une inestimable feuille de route pour les travaux en cours à l’ILRI et ailleurs, pour équilibrer, en Afrique, les caractéristiques de productivité avec celles de résilience et de durabilité. »

Les spécialistes de l’élevage africain rappellent que s’il est primordial d’accroître la production de lait et de viande par animal, notamment pour éviter l’expansion de la production de bétail dans des habitats naturels sensibles, cette volonté ne doit pas perdre de vue la façon dont les bovins se sont adaptés à des environnements spécifiquement africains.

« Il est important de savoir que l’élevage de bovins joue depuis longtemps un rôle vital pour la santé et les ressources des communautés africaines, » a déclaré Jimmy Smith, directeur général de l’ILRI. « L’accent mis sur la résilience des bovins, qui a guidé les efforts passés, doit être l’élément fondamental des futurs travaux visant à assurer la durabilité de la production de bétail dans l’Afrique sub-saharienne. » 

(ILRI/wi)

Référence :
Kim, K., Kwon, T., Dessie, T. (ILRI), Dong Ahn Yoo, Okeyo, M.A. (ILRI), Jisung Jang, Samsun Sung, Saet Byeol Lee, Salim, B., Jaehoon Jung, Heesu Jeong, Mekuriaw, G., Tijjani, A. (ILRI), Dajeong Lim, Seoae Cho, Sung Jong Oh, Hak-Kyo Lee, Jaemin Kim, Choongwon Jeong, Kemp, S. (ILRI), Hanotte, O. (ILRI) and Heebal Kim. “The mosaic genome of indigenous African cattle as a unique genetic resource for African pastoralism.” Nature Genetics, 28 Sep 2020.

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