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Organisations d’entraide paysanne – Pistes d'action pour une activité économique basée sur la solidarité
L’activité économique solidaire doit, de façon analogue à la politique, être comprise comme la forme démocratique de base des activités économiques : droits et devoirs égaux pour les membres, même participation aux bénéfices réalisés solidairement, rapports de force distribués démocratiquement, l’assemblée plénière des membres faisant office d'organe souverain et législatif de l’organisation concernée, les conseils d’administration élus d’organe exécutif et les comités de surveillance élus d’organe de contrôle. Un autre principe de base déterminant doit être respecté, à savoir la participation libre et volontaire permettant à chaque membre de conserver son autonomie et de quitter l’organisation à tout moment dans le cas d’insatisfaction au lieu du collectivisme forcé qui, au grand dam de l’idée coopérative, était généralement de règle dans les anciens pays socialistes à régime capitaliste d’État.
Le cadre juridique de toute activité économique solidaire est formé par les coopératives constituées qui servent de modèle de base. Cependant, dans les pays dans lesquels l’influence de l’État ou du grand capital est trop dominante, l’activité économique démocratique et solidaire peut également revêtir la forme juridique d’associations économiques ou de sociétés de personnes, voire même de sociétés de capitaux, pour autant que le principe de base soit énoncé dans les statuts en vigueur.
Un autre principe fondamental est que chaque membre doit pouvoir conserver sa propriété individuelle, la protéger des pertes et pouvoir participer proportionnellement au bénéfice de l’activité économique solidaire.
Des modèles de direction éprouvés
Il arrive bien souvent que des modèles bien pensés d’activité économique basée sur la solidarité échouent dans leur phase de mise en œuvre. L’auteur sait par expérience qu’une transparence absolue est de rigueur au sein des organisations afin d’assurer que « ceux là, là-haut », c’est-à-dire les membres de la direction, en tant qu’acteurs opérationnels, ne cherchent pas à s’enrichir eux-mêmes et servent de modèle en incarnant la notion de solidarité.
L’organisation doit, en outre, être prête à contracter des engagements : de nombreuses coopératives paysannes souffrent du fait que les produits des membres devant être commercialisés soient simplement transmis à des acheteurs, le produit des ventes ainsi réalisé moins les charges communes étant ensuite distribué aux producteurs. Il s’agit là cependant d’une aberration qui ne débouche pas sur l’efficience de marché requise et nécessaire. Les acteurs d’activités économiques solidaires doivent toujours agir en étant conscients du fait qu’ils doivent se positionner mieux et de façon plus efficace sur le marché que les autres opérateurs économiques du secteur. Contracter des engagements signifie ici que l’organisation doit garantir à ses membres qu’elle leur achètera leurs produits à un prix correct (plus élevé) et qu’elle les paiera à date fixe, les membres s’engageant en contrepartie à honorer leurs obligations en terme de qualité et de contrôle neutre de la production. Ce n’est qu’ainsi qu’une activité économique solidaire prend tout son sens : le membre individuel doit pouvoir retirer une plus-value par rapport au secteur privé afin qu’il puisse participer convenablement et moyennant des prix corrects aux chaînes de valeur ajoutée.
Conversion des chaînes de valeur ajoutée grâce à l’entraide paysanne
Les marchés de capitaux libéraux tendent généralement à sous-privilégier les sociétés rurales au plan économique. Ce phénomène ne se manifeste pas seulement dans les économies en développement, mais également dans les centres hautement industrialisés du monde occidental. Les paysans sont les perdants économiques car ils ne perçoivent plus qu’une part rudimentaire du prix du produit quand celui-ci arrive entre les mains du consommateur. La plus grande part reste entre les mains du commerce et les chaînes de valeur ajoutée sont dominées par la puissance commerciale des grands groupes. Des grands groupes mondiaux tels que Nestlé ou Unilever opèrent avec une valeur pour les actionnaires représentant bien 15 % de leur chiffre d’affaires de plusieurs dizaines ou centaines de milliards, alors que les producteurs de base travaillent en retirant le minimum vital. L’entraide paysanne et l’activité économique solidaire doivent servir de modèle opposé et déboucher sur un renforcement de la création de valeur ajoutée.
La solidarité internationale sur un pied d’égalité
Dans le contexte international aussi, l’activité économique solidaire doit être le principe de base qui régit l’échange de biens économiques. Des prix justes et l’adoption d’une attitude partenariale entre organisations et producteurs de différents continents entraînent la suppression des inégalités économiques, alors que la coopération technique (CT) se contente souvent de ne traiter que les symptômes. Les organisations d’auto-assistance paysannes deviennent des acteurs du développement rural régional et de la participation politique, et ce, aussi bien dans les pays du Sud qu’ici, au cœur de l’Europe. Malheureusement, le développement est trop souvent assimilé à la croissance industrielle ; un retour aux modèles de « développement rural régional intégré », tels qu’ils étaient prônés dans les années 1970 et 1980 où ils servaient de modèle à la coopération technique, est nécessaire.
Auteur : Rudolf Bühler
Fondateur et président de la Bäuerliche Erzeugergemeinschaft Schwäbisch Hall (association paysanne de producteurs Schwäbisch Hall)- Bensheim, Allemagne
rudolf.buehler@besh.de
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