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L’équipe de chercheurs a collecté, identifié et testé des moustiques pour voir s’ils sont porteurs de virus.
Photo: © Georg Eibner, Charité Berlin

La perte de biodiversité peut favoriser la prolifération de virus

Dans une étude sur les conséquences que le déboisement de la forêt tropicale peut avoir sur les moustiques et leurs virus, des chercheurs ont montré que la destruction des forêts tropicales réduit la diversité des espèces de moustiques. Parallèlement, ils ont constaté que les espèces de moustiques plus résistantes deviennent plus courantes – et qu’il en est de même pour leurs virus.

Quel est le lien commun entre les changements de l’environnement, l’extinction des espèces et la propagation d’agents pathogènes ? Répondre à cette question, c’est un peu comme assembler les pièces d’un puzzle. En coopération avec l’Institut Leibniz pour la recherche zoologique et faunique (Leibniz-IZW) à Berlin, des chercheurs de l’université de médecine de la Charité, également à Berlin, Allemagne, viennent de décrire une pièce du puzzle dans la revue spécialisée « eLife ». Ils montrent que la destruction des forêts tropicales réduit la diversité des espèces de moustiques. En même temps, les espèces résistantes – et par conséquent les virus dont elles sont porteuses – deviennent plus courantes. Lorsqu’une espèce de moustique compte de nombreux individus, leurs virus peuvent rapidement se propager.

Les chercheurs de la Charité et du Leibniz-IZW ont voulu savoir quel impact le déboisement des forêts tropicales et la transformation des zones déboisées en plantations de caféiers et de cacaoyers et en villages ont eu sur la répartition et la diversité des espèces de moustiques et de leurs virus. L’étude, qui porte à la fois sur la virologie et la biodiversité, a été menée par la professeure Sandra Junglen, qui dirige le groupe de travail sur « l’écologie et l’évolution des arbovirus » à l’institut de virologie de la Charité.

Pour effectuer cette étude, l’équipe de chercheurs a commencé par recueillir des moustiques dans la région du Parc national de Taï, en Côte d’Ivoire. Cette région compte une grande diversité de types d’utilisation du sol – forêt vierge tropicale, forêt secondaire, plantations de cacaoyers et de caféiers, villages. « Nous avons identifié les moustiques collectés et avons cherché à savoir s’ils étaient porteurs de virus, » explique Kyra Hermanns, de l’institut de virologie de la Charité, qui est l’auteure principale de la publication. « Nous avons ensuite étudié comment la composition des espèces de moustiques varie en fonction du type d’utilisation du sol, les lieux où certains types de virus se manifestent, et avec quelle fréquence. »

Les espèces de moustiques résistants peuvent survivre
 

Dans un écosystème sain, par exemple dans une forêt tropicale intacte, on compte un grand nombre de virus différents. Cela tient avant tout au fait que qu’on y trouve une grande diversité d’animaux – qu’on appelle les hôtes – prédisposés à être porteurs des virus. « Toute transformation d’un écosystème a également une incidence sur les virus, » explique Sandra Junglen. « Nous avons identifié 49 espèces de virus. C’est dans les habitats intacts ou très peu perturbés que nous avons observé la plus grande diversité d’hôtes et de virus. »

Selon les chercheurs, la plupart des 49 espèces de virus étaient relativement rares dans les zones étudiées. Toutefois, ils ont fréquemment trouvé neuf espèces de virus dans plusieurs habitats, leur occurrence augmentant dans les habitats perturbés et culminant dans les villages.

« Cela signifie que le déboisement des forêts tropicales entraîne une réduction de la diversité des espèces de moustiques et des changements dans la composition des espèces hôtes. Certaines variétés de moustiques résistants se sont fortement multipliées dans les zones défrichées, tout comme l’ont fait les virus dont ils étaient porteurs, » explique Sandra Junglen et la professeure Stephanie Kramer-Schadt, du Leibniz-IZW, qui a réalisé les analyses d’association des moustiques et des habitats.

La composition des communautés d’espèces a donc une incidence directe sur l’occurrence des virus. « Lorsqu’une espèce hôte est très répandue, cela facilite la propagation des virus, » précise Sandra Junglen. Tous les virus détectés plus fréquemment ont été identifiés dans une certaine espèce de moustique. Les virus appartiennent à différentes familles et présentent différentes caractéristiques.

« Ainsi, pour la première fois, nous avons pu démontrer que la propagation des virus ne résulte pas d’un lien génétique étroit, mais des propriétés de leurs hôtes – autrement dit, des espèces de moustiques qui résistent bien aux changements des conditions environnementales dans les habitats perturbés. »

Nouvelles connaissances de la dynamique des maladies infectieuses
 

Les virus découverts n’infectent que les moustiques et ne peuvent pas, dans l’état actuel des connaissances, être transmis aux humains, mais leur découverte est néanmoins utile comme modèle de compréhension de la façon dont des modifications de la diversité des espèces d’une communauté a une incidence sur l’occurrence et la fréquence des virus. « Notre étude montre à quel point la biodiversité est importante et établit que la réduction de la biodiversité favorise l’occurrence de certains virus dans la mesure où elle encourage la propagation de leurs hôtes, » souligne Sandra Junglen.

« À ce jour, de tels processus ont presque exclusivement été examinés pour des agents pathogènes et des hôtes individuels. Nous disposons aujourd’hui d’une image plus complète ouvrant la voie à d’autres recherches, » a-t-elle conclu.

(idw/wi)

 

Référence :

Hermanns, K., Marklewitz, M., Zirkel, F., Kopp, A., Kramer-Schadt, S., Junglen, S. (2023): Mosquito community composition shapes virus prevalence patterns along anthropogenic disturbance gradients. eLife 12: e66550. Septembre 2023; DOI: 10.7554/eLife.66550

 

 

 

 

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