De gauche à droite : Liam Condon, Andreas Dörr, Charlotte Smith (présentatrice), Ajit Mathai et Stefan Canz.
Photo : BMEL / photothek.net

Transformation numérique – qui sont les gagnants ?

Quelle vision les entrepreneurs ont-ils des perspectives et des enjeux du développement numérique ? Quelques représentants du secteur de l’agroalimentaire étaient présents au Forum économique, coorganisé depuis 2011 par la Société allemande d’agriculture (DLG e.V.) dans le cadre du Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture, pour parler de leurs expériences.

Le principal argument en faveur de la transformation du secteur agricole vient de l’existence d’outils numériques capables d’améliorer la production sans exercer de pression excessive sur les ressources naturelles. Mais quels en sont les principaux bénéfices pour les différents acteurs de la chaîne de valeur ? La GFFA e.V. s’est efforcée de répondre à cette question à l’occasion de son Forum économique organisé à Berlin (Allemagne) fin janvier dans le cadre du Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture. La réunion, intitulée « Transformation numérique dans le secteur agroalimentaire mondial – perspectives et enjeux pour les entrepreneurs », rassemblait des agriculteurs du Nord et du Sud ainsi que des représentants des secteurs situés en amont et en aval.

Meilleures matières premières et meilleur équilibre vie privée/vie professionnelle

« Il est dans l'intérêt de l’industrie alimentaire de disposer d’un approvisionnement garanti. Pour moi, le développement numérique est un outil qui aide les agriculteurs à produire de meilleures matières premières », explique Stefan Cranz, chargé de l’eau chez Nestlé Corporate Agriculture. Dans son secteur d’activité, cela s’est notamment traduit par le développement d’une application météo qui offre des recommandations d’irrigation et des informations sur les bonnes pratiques agricoles aux petits producteurs de cacao.

« Aujourd’hui, les avantages pour l’agriculteur et pour l’environnement sont beaucoup plus évidents que pour l’entreprise, note Liam Condon, président de la division Crop Science de Bayer AG. « Le développement numérique nous permet de passer d’un modèle d’affaires basé sur les intrants à un modèle basé sur les réalisations en vertu duquel nous sommes payés pour ce que nous créons sur l’exploitation. »
 
« Pour moi, le facteur crucial est le temps. Les solutions numériques de ces dernières années m’ont donc beaucoup aidé », explique Andreas Dörr, qui gère une exploitation de 1 000 ha en Thuringe. Concrètement, cela signifie que la première chose que fait le jeune agriculteur le matin en se levant, c’est de prendre son smartphone pour jeter un coup d’œil à l’application météorologique et à la webcam de l’exploitation, avant de consulter le cours des céréales. Les principales raisons qui l'incitent à utiliser les outils numériques sont le temps gagné pour des choses importantes et un équilibre raisonnable entre son travail et sa vie privée.

Faire le lien entre petits agriculteurs et logistique

« Contrairement à ce qui se produit généralement dans les relations commerciales, notre approche ne met pas l’accent sur les transactions mais sur les agriculteurs », explique Ajit Mathai, fondateur associé de mByom, prestataire de services de conseil et de gestion basé à Chennai (Inde). Cette entreprise a développé « A-Hope » (App for homestead sustainable agriculture produce procurement and e-Payment), une plate-forme d’approvisionnement et de paiement destinée aux petits exploitants. Grâce à cette application, les agriculteurs sont en lien direct avec la logistique en dépit de la fragmentation de leurs exploitations. Ils ont donc accès aux marchés de l’approvisionnement, de la transformation et de la vente, mais aussi à des banques pour « le micro-approvisionnement, le crédit instantané et le paiement électronique », principales composantes du système. Ajit Mathai explique que les petits agriculteurs peuvent ainsi obtenir de l’argent pour de petits volumes de produits variés. Le système garantit la traçabilité, le contrôle qualité et la transparence à tous les acteurs de la chaîne. Selon Ajit, les solutions numériques sont un bon moyen d’enrayer la migration vers les villes et de ramener les jeunes (natifs du numérique ) vers les exploitations agricoles.

Bénéfices équitablement répartis

Le développement numérique a donc de nombreux avantages, mais quels en sont les enjeux ? Le problème de la sécurité et de la souveraineté des données est probablement le plus important. L’utilisation de métadonnées, c’est-à-dire de données décrivant d’autres données, est particulièrement pointée du doigt. « Nous n’utilisons pas les données que nous recueillons à des fins de politiques tarifaires », assure Liam Condon. L’utilisation de métadonnées est toutefois essentielle pour parvenir à de bons résultats. Liam Condon fait référence aux essais au champ que sa société a réalisé en lien avec des agriculteurs sur une superficie de 70 000 ha aux États-Unis. L’objectif était d’utiliser l’intelligence artificielle pour déterminer quelle variété d’une culture était la mieux adaptée à chaque champ. Si la valeur ajoutée se concrétise par une hausse des rendements, « nous estimons que deux tiers appartiennent aux agriculteurs et un tiers à nous », explique Liam.

Andreas Dörr, qui utilise des solutions numériques sur son exploitation depuis 1998, considère le problème des données de manière pragmatique. « Pour ce qui est des informations commerciales telles que les baux, j’estime que la sécurité des données est très importante, explique-t-il. Mais je n’ai aucun problème à mettre en réseau des données concernant les machines, par exemple en utilisant mon application pour améliorer les algorithmes d’identification des mauvaises herbes ou en autorisant le fabricant des machines agricoles à utiliser mes données pour améliorer les machines. »

Les agriculteurs sont-ils véritablement les décideurs ?

« N’existe-t-il pas un risque que vous, agriculteurs, finissiez par devenir de simples employés coincés entre l’approvisionnement et les ventes, et que ce soit Bayer et Nestlé qui en tirent les bénéfices ? », demande un participant. « Il est évident que je veux rester maître à bord et prendre mes propres décisions commerciales », répond Andreas Dörr. Les compétences du gérant de l’exploitation sont cruciales à ce niveau. « Nous ne devons pas nous retrouver dans une situation où l’agriculteur achèterait une boîte noire qu’il ne comprendrait plus », avertit-il.

Contexte
La GFFA Berlin e.V. héberge le réseau allemand de l’industrie agroalimentaire dans le cadre du Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture (GFFA) Berlin. L’association a été fondée en 2011. Elle est composée de la Société allemande d’agriculture (DLG), de l’Association des agriculteurs allemands (DBV), de la Fédération de l’industrie alimentaire allemande (BVE), de l’Association des entreprises d’Europe de l’Est et de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ). Le Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture est organisé chaque année dans le cadre de la Semaine verte internationale.

Silvia Richter, rédactrice, Rural 21

En savoir plus :

Site Internet de la GFFA e.V. (en anglais)

Site Internet du Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture (en anglais)

Dossier : Transformation numérique

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