Le Dr Ousmane Badiane présentant l’étude du Panel MaMo.
Photo: GIZ/Jakob

Mécanisation de l’agriculture africaine – création ou destruction d’emplois ?

Réduction de la pénibilité, traitement en temps opportun, amélioration de la productivité – de nombreux facteurs parlent en faveur de la mécanisation de l’agriculture africaine. Mais certains aspects parlent en sa défaveur. À Berlin, les participants au Panel Malabo Montpellier ont examiné les opportunités et les risques lors du « dialogue sur l’innovation – l’avenir des zones rurales en Afrique ».

Soixante-dix pour cent des Africains travaillent dans l’agriculture mais ils ne participent qu’à raison de 20 pour cent au produit net du continent.  Parallèlement, on estime à 750 millions le nombre d’Africains qui auront moins de 18 ans d’ici à 2030. Ces jeunes ont besoin de perspectives d’emploi. À ce sujet, le secteur agricole et alimentaire offre un gros potentiel – à condition de devenir plus productif, et donc plus attractif, par exemple grâce à la mécanisation. Mais la mécanisation n’a-t-elle pas tendance à détruire plus d’emplois qu’à en créer ? Avec d’autres conditions préalables à la réussite de la mécanisation, ce thème a été examiné par des représentants des milieux de la science, des affaires et de la coopération au développement à l’invitation du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) et du Panel Malabo Montpellier à Berlin, Allemagne, à la fin du mois de février 2018.

Facteurs de réussite

Ousmane Badiane, directeur Afrique de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) et coprésident du Panel Malabo-Montpellier (MaMo), a présenté les résultats d’une étude réalisée par le Panel sur la situation de la mécanisation en Afrique. Il a utilisé l’Éthiopie, le Maroc, le Malawi, le Mali, le Rwanda, la Tanzanie et la Zambie comme exemples de pays connaissant une forte croissance de la mécanisation et de la production agricole pour faire la preuve que la mécanisation est un facteur de réussite. Apparemment, les interventions ont été couronnées de succès partout où des programmes gouvernementaux spéciaux, des partenariats public-privé et des services de location de machines étaient disponibles, où existaient des services bancaires avec lesquels coopérer, où un intérêt particulier était accordé aux chaînes de valeur en aval et où la recherche et le développement, ainsi que la formation professionnelle, jouaient un rôle important. En revanche, les programmes de mécanisation ont toujours échoué lorsque le gouvernement avait pris l’initiative et s’était contenté de distribuer des machines.

Expérience pratique

Ces points de vue ont été confirmés par les praticiens ayant participé à la réunion. « Si on se contente de fournir un tracteur à un agriculteur, on ne fait pas véritablement grand-chose, » a déclaré Frank Nordmann, directeur général des ventes chez Grimme Landmaschinenfabrik. Il faisait référence à une étude montrant que la durée moyenne de vie des tracteurs en Afrique est de seulement huit mois. La formation locale et la disponibilité de pièces de rechange sont d’importants facteurs garantissant la maintenance des équipements et, donc, la durabilité de la mécanisation. « Je pense que nous avons déjà fait beaucoup en matière de formation. Mais il ne se produira rien au niveau local si on ne dispose pas de moyens de financement, »  a fait remarquer Franz-Georg von Busse, directeur général du fabricant de machines agricoles Lemken. Selon Gisbert Dreyer, de la Fondation Dreyer, les taux d’intérêt de 12 à 18 pour cent, couramment pratiqués par les banques en Afrique de l’Ouest, rendent la mécanisation illusoire pour les petits exploitants agricoles. « Nous devons créer une situation dans laquelle l’agriculteur n’a plus besoin de capitaux ou dans laquelle les dépenses fixes sont faibles, » a déclaré Ousmane Badiane. Les petits exploitants pourraient par exemple adhérer à des coopératives de machines agricoles, mais avant tout louer des tracteurs, sachant que les solutions numériques ont également un rôle important à jouer. 

À l’écoute du groupe cible

L’entreprise Hello Tractor, fondée en 2016, en est un exemple. Le fondateur de l’entreprise, Jehiel Oliver, a créé une plateforme établissant un lien entre les propriétaires de tracteurs et les agriculteurs grâce à une solution « Internet des objets ». Cette formule regroupe les demandes de manière à mieux utiliser les machines, sans compter qu’elle est également intéressante et avantageuse pour les propriétaires dans de petites exploitations agricoles. Deux conditions sont primordiales pour le jeune entrepreneur qu’est Jehiel Oliver : les tracteurs ne doivent pas être subventionnés et la technologie doit être adaptée aux besoins des clients. « Vous pouvez commencer au niveau de la recherche, mais très rapidement vous devez écouter vos clients, » fait remarquer Jehiel Oliver, faisant référence à son expérience avec Hello Tractor.

« Nous coopérons avec dix millions de familles de petits exploitants agricoles dans 39 pays. Presque chacune de ces familles a des idées innovantes. Mais ce qui est difficile, c’est de les transférer et de faire en sorte qu’elles soient accessibles aux autres, » a déclaré Jochen Moninger, directeur Innovation chez Welthungerhilfe, soulignant ainsi l’importance du travail en réseau. Cependant, ici, dans les pays du Nord, il est souvent difficile de discuter avec des fabricants de machines agricoles. Des réserves considérables persistent des deux côtés – secteur privé et ONG. Jochen Moninger a déclaré que dans ce domaine cela se passait bien avec les petites start-ups.

La question des emplois

Les participants ont discuté de l’impact controversé de la mécanisation sur les emplois. Theo Rauch, professeur à l’université libre de Berlin, Allemagne, a attiré l’attention sur les femmes. Si elles participent à la mécanisation et si leur charge de travail s’en trouve réduite, cela représente bien entendu un avantage. Mais il a déclaré qu’il y avait suffisamment d’exemples d’ouvrières agricoles que la mécanisation avait privées d’emploi. « Si nous ne voulons pas aggraver le problème de la migration, nous devons faire très attention à ce que nous faisons, » a fait remarquer Theo Rauch.

Joachim von Braun, directeur du Centre de recherche sur le développement (ZEF) à l’université de Bonn, Allemagne, et coprésident du Panel Malabo Montpellier, a conseillé d’adopter un point de vue macroéconomique. Si la mécanisation aide les agriculteurs à accroître leurs revenus, l’argent servira à acheter des biens de consommation et des services, essentiellement au niveau local, ce qui créera en conséquence des emplois dans les entreprises locales. Des emplois seront également créés dans le domaine de la formation professionnelle, par ex. la formation des professeurs de l’enseignement professionnel, ainsi que sous forme de création de petits services de location de machines dans les zones rurales.

Une table ronde de la mécanisation

Les participants ont convenu que la mécanisation ne peut bien marcher que dans l’intégralité de la chaîne de valeur et que, de plus, il y a un plus grand besoin d’innovations organisationnelles et politiques que de solutions technologiques. Par ailleurs, l’objectif ne peut être de mécaniser de l’extérieur. L’Afrique a besoin d’une industrie de la machine agricole qui lui soit propre. « Je considère que l’application du savoir-faire allemand en matière de construction mécanique avec les bons partenaires offre une opportunité considérable, » a déclaré Joachim von Braun à l’adresse du ministère. Il a également suggéré l’organisation d’une table ronde avec des entreprises de construction mécanique innovantes d’Allemagne et d’Afrique.

Silvia Richter, rédactrice, Rural 21

Plus d’informations :

Panel Malabo Montpellier (en anglais): 

Dossier « Mécanisation »

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