La diversité d'un écosystème est un élément clé de sa préservation...ou de sa perturbation.
Photo: © R. Belmin, CIRAD

Revoir le diagnostic de perturbation des écosystèmes

La présence de nombreuses espèces dans un écosystème est-elle un gage de stabilité ? Peut-on toujours affirmer que les fluctuations de populations dans le temps sont un signe de mauvaise santé ou de mise en danger de la biodiversité ? Non, selon une nouvelle étude : pour poser les bons diagnostics, il faut d’abord regarder le nombre d’espèces et la force de leurs interactions.

Les fluctuations d’espèces ne suffisent pas pour dire qu’un écosystème est en danger. La biodiversité elle-même, au contraire, peut engendrer ces variations. Il va falloir repenser certaines mesures qui nous révèlent si un écosystème naturel est perturbé ou préservé. »

Matthieu Barbier, écologue au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) à Montpellier (France), co-signe avec des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Boston (USA) et du Technion, l’institut de technologie d’Israël, un article majeur pour la compréhension des écosystèmes et de leur variabilité. L’équipe a analysé la variation dans le temps de populations de bactéries au sein d’écosystèmes microbiens sous milieu contrôlé. Cela leur a permis d’éliminer les facteurs environnementaux et d’observer l’effet propre de la biodiversité sur la fluctuation des espèces. Les travaux sont publiés en octobre dans la prestigieuse revue Science.

Les trois phases dans la dynamique des écosystèmes naturels
 

Les expériences réalisées en laboratoire sur 48 espèces de bactéries du sol ont visé à contrôler l’environnement et la compétition entre espèces, afin de faire ressortir l’effet de la diversité sur la dynamique des populations d’espèces. D’une, à deux, jusqu’à 48 : les scientifiques ont ajouté graduellement de nouvelles espèces de bactéries.

Au fur et à mesure que le nombre d’espèces augmente, la complexité de leurs interactions croît également. Dans la première phase, où peu d’espèces sont mises en contact, l’écosystème est stable. Dans la seconde phase, l’augmentation de la biodiversité et de l’intensité des interactions provoque une hausse de la compétition et de l’extinction d’espèces.

Enfin, la troisième phase se manifeste par des fluctuations importantes et des compositions très différentes d’un jour à l’autre, mais ces changements ne sont dus à aucun facteur extérieur ni à aucune espèce en particulier. Dans cette troisième phase, les extinctions d’espèces sont plus rares que dans la deuxième phase. « L’effet est très collectif », commente Matthieu Barbier. « On voit beaucoup d’espèces différentes qui se mettent à fluctuer ensemble ».

Un nouveau diagnostic de perturbation des écosystèmes
 

Selon les scientifiques, il faut donc revoir les mesures actuelles de diagnostic de l’état des écosystèmes. « Les fluctuations ne peuvent pas constituer un indicateur suffisant de perturbation d’un écosystème », précise Matthieu Barbier. « Elles pourraient être dues au nombre d’espèces et d’interactions. On peut en revanche croire à une réelle perturbation quand on observe une persistance ou une hausse des fluctuations alors même qu’on perd en espèces et en interactions. »

Il reste à comprendre comment ces fluctuations naturelles interagissent avec l’impact de l’extérieur sur un milieu : la diversité d’un écosystème pourrait le fragiliser par ces variations, ou au contraire lui permettre de surmonter des perturbations externes. En revanche, une perte de diversité observée en même temps qu’une hausse des fluctuations demeure un indicateur crédible de perturbation profonde : action humaine, mauvaise santé ou espèces exotiques envahissantes.

(CIRAD/wi)

Référence

Jiliang Hu, Daniel R. Amor, Matthieu Barbier, Guy Bunin, Jeff Gore. 2022. Emergent phases of ecological diversity and dynamics mapped in microcosms. Science

 

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