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Réduire les dommages causés par les insectes herbivores en faisant appel à la biodiversité plutôt qu’aux insecticides
La conciliation de la sécurité alimentaire et de la préservation de l’environnement et de la biodiversité est une des principales difficultés de la société moderne. Les ravageurs et les maladies posent de graves problèmes aux cultures, au point de rendre indispensable l’utilisation d’agents chimiques tels que les pesticides dans l’agriculture. Toutefois, les pesticides peuvent réduire la biodiversité des insectes. « Dans ce contexte, la résistance associative pourrait être une nouvelle méthode d’assurer la production alimentaire tout en préservant la biodiversité, » déclare Kentaro Shimizu, directeur du Département de la biologie évolutionnaire et des études environnementales à l’université de Zurich en Suisse.
Mais quelles combinaisons de génotypes végétaux faut-il planter ensemble pour efficacement résister aux ravageurs et aux maladies ? Par exemple, si on sélectionne deux génotypes parmi 199, il y a 19 701 combinaisons possibles. Des chercheurs de l’UZH viennent d’élaborer de nouvelles méthodes de prévision génomique faisant appel à la modélisation physique pour analyser les interactions entre individus au niveau génétique.
D’importants travaux dans le jardin d’expérimentation
Tout d’abord, les chercheurs ont réalisé des expériences de cultures végétales à grande échelle, sur deux ans et en pleine terre, sur le campus Irchel en Suisse ainsi qu’au Japon. L’ADN génomique des 199 génotypes de la plante modèle Arabidopsis thaliana recueillis partout dans le monde était déjà connu. Les chercheurs ont aléatoirement mélangé et planté plus de 30 exemplaires de chacun des génotypes pour un total de 6 400 plantes. « Pour compter 52 707 insectes sur 6 400 plantes, le chercheur principal Yasuhiro Sato a passé des mois dans le jardin-test. Cette imposante masse de données recueillies grâce au jardin de recherche du campus Irchel, a été la clé de cette étude », a déclaré Kentaro Shimizu.
Jusqu’à maintenant, il n’existait aucune méthode permettant de savoir quelles régions génomiques facilitaient des interactions telles que la résistance associative entre végétaux voisins. Yasuhiro Sato et son équipe ont donc élaboré une nouvelle méthode d’analyse appelée « Neighbor GWAS ». Cette méthode applique un modèle utilisé en physique pour analyser et comparer les interactions entre des aimants, d’une part, et entre des plantes voisines, d’autre part. Elle cherche à comprendre comment les dommages causés par les insectes herbivores varient en fonction de la proximité de végétaux ayant des séquences génétiques d’ADN spécifiques, sur la base des résultats spécifiques des essais en plein champ.
Jusqu’à 25 pour cent de réduction des dommages causés par les insectes herbivores
L’analyse effectuée selon cette nouvelle méthode montre que de nombreux gènes interviennent dans les interactions avec les végétaux voisins. L’utilisation d’une méthode d’apprentissage machine a permis aux chercheurs de prévoir les dommages causés par les insectes herbivores et d’identifier les combinaisons favorables de génotypes pour lesquelles une résistance associative a été prévue.
L’équipe de chercheurs a réalisé une autre expérience de plein champ à grande échelle sur deux ans, au cours de laquelle ils ont planté environ 2 000 plantes individuelles, par paires de génotypes pour lesquels trois niveaux différents de résistance associative ont été prédits. Cette expérience a montré que, comparativement à la plantation d’un seul génotype, le mélange de deux génotypes entraîne une réduction des dommages dus aux insectes herbivores, respectivement de 24,8 et 22,7 pour cent, pour les deux niveaux de résistance associative les plus élevés.
« Du point de vue de la recherche fondamentale, on peut considérer que ces résultats constituent une étape importante dans l’étude des interactions entre végétaux, » déclare Kentaro Shimizu. « Ils soulignent l’importance de la biodiversité de deux façons. Premièrement, la diversité génétique des plantes elles-mêmes peut réduire les dégâts dus aux ravageurs. Deuxièmement, la réduction du recours aux pesticides dans l’agriculture peut contribuer à la préservation de la biodiversité, y compris à celle des insectes. »
Les méta-analyses, dont Bernhard Schmid est co-auteur, ont montré que dans des cultures telles que celles du blé ou du riz, on obtient des augmentations de rendement allant de 4 à 16 pour cent lorsque des génotypes aléatoires sont mélangés sur le terrain.
Selon Kentaro Shimizu, pour ces importantes espèces végétales agricoles dont les génomes sont connus, la nouvelle méthode permet de prédire les mélanges de génotypes végétaux spécifiques qui maximisent la résistance associative et qui, ainsi, améliorent encore plus les rendements tout en gagnant du temps sur l’utilisation de pesticides.
(UZH/wi)
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