Des scientifiques ont identifié des bactéries capables de « consommer » le protoxyde d’azote au moment où il se forme dans le sol, évitant ainsi que le gaz ne s’échappe dans l’atmosphère.
Photo: © Tonje Halvorsen Walde/NMBU

L’utilisation de bactéries du sol pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture

Une nouvelle étude réalisée par l’université norvégienne des sciences de la vie (NMBU) et par l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA) en Autriche propose d’utiliser des bactéries du sol pour réduire les émissions de gaz à effet de serre associées à la production alimentaire.

La fertilisation azotée des sols agricoles entraîne la production de protoxyde d’azote (N₂O), un gaz à effet de serre qui participe largement aux émissions globales de gaz à effet de serre de l’agriculture. On a longtemps estimé que ces émissions de N₂O étaient inévitables.

Une équipe de recherche internationale, dirigée par la NMBU, vient toutefois de découvrir une méthode susceptible de réduire ces émissions. Les chercheurs ont identifié des bactéries capables de « consommer » le protoxyde d’azote au moment où il se forme dans le sol, évitant ainsi que le gaz ne s’échappe dans l’atmosphère. Ils estiment que cette méthode pourrait, à elle seule, réduire d’un tiers les émissions de protoxyde d’azote en Europe. Les conclusions ont été publiées dans le magazine Nature du 29 mai.

Le problème du N₂O
 

Les plantes ont besoin de beaucoup d’azote pour pousser. Pour être productive, l’agriculture a donc besoin d’une quantité importante d’engrais azoté. Ce qui a ainsi longtemps constitué un obstacle à la productivité a disparu le jour où le scientifique allemand Fritz Haber a inventé une technologie permettant de produire de l’engrais azoté à l’échelle industrielle à partir de l’azote atmosphérique. Cette technologie a permis à la production alimentaire mondiale de suivre le rythme de la démographie pendant près de 120 ans.

Mais le sol contient des micro-organismes qui produisent du N₂O, un gaz à effet de serre dont la production est accentuée par la fertilisation.

« Ce gaz a un effet de serre environ 300 fois plus puissant que celui du CO₂, sachant que l’agriculture représente environ trois quarts des émissions européennes de N2O », explique Wilfried Winiwarter, co-auteur de l’étude et chargé de recherche au sein du groupe de recherche sur la gestion de la pollution du programme Énergie, climat et environnement de l’IIASA.

« Au niveau mondial, l’agriculture est également la principale source de protoxyde d’azote dans l’atmosphère. Or, les émissions de protoxyde d’azote sont principalement régulées par les bactéries du sol, ce qui rend leur réduction difficile à cause de leur nature insaisissable », ajoute-t-il.

Des bactéries à la rescousse
 

Depuis plus de 20 ans, les chercheurs de la NMBU étudient la manière dont les micro-organismes du sol convertissent l’azote. Ils se sont notamment penchés sur ce qui se passe lorsque les microbes n’ont pas accès à une quantité suffisante d’oxygène, une situation appelée hypoxie.

Au moment de la fertilisation (et pendant les chutes de pluie), certaines parties du sol deviennent hypoxiques. Les microbes, qui n’ont alors pas accès à l’oxygène, sont obligés de trouver d’autres moyens d’obtenir de l’énergie. De nombreux microbes parviennent à utiliser le nitrate au lieu de l’oxygène et s’appuient alors sur un processus appelé dénitrification pour convertir le nitrate en d’autres gaz. L’un de ces gaz est le protoxyde d’azote, ce qui signifie que les micro-organismes contribuent aux émissions de gaz à effet de serre.

Les chercheurs ont fait des découvertes importantes sur la régulation de ce processus et ont mis au point une méthode exclusive pour étudier la dénitrification. Ils utilisent, entre autres, des solutions robotiques en laboratoire et sur le terrain et ont créé un robot spécial, capable de mesurer, en temps réel, les émissions de protoxyde d’azote du sol.

Pour réduire les émissions de N₂O, la solution consiste à utiliser un type particulier de bactérie qui n’a pas la capacité de produire du protoxyde d’azote mais qui peut le transformer en azote gazeux, un gaz inoffensif (N₂).

« Si nous faisons prospérer ces microbes dans les déchets organiques utilisés comme engrais, nous pourrons réduire les émissions de N₂O, ce qui pourrait constituer une solution au problème des émissions de N₂O issues de l’agriculture », note Lars Bakken, auteur principal de l’étude et professeur au NMBU.

« Mais il n’a pas été facile de trouver la bonne bactérie. Celle-ci doit être capable de se développer rapidement dans les déchets organiques, de bien fonctionner dans le sol et de vivre suffisamment longtemps pour réduire les émissions de N₂O pendant toute une saison de culture. Il a également été compliqué de passer des tests en laboratoire aux essais grandeur nature et de s’assurer que la bactérie réduisait véritablement les émissions de N₂O dans le champ » ajoute Lars Bakken.

L’équipe s’efforce maintenant de trouver d’autres bactéries capables de consommer du protoxyde d’azote, puis de les tester dans différents types de déchets organiques utilisés comme engrais à travers le monde. L’objectif est de trouver une gamme complète de bactéries capables de fonctionner dans différents types de sol et avec différents mélanges d’engrais.

(NMBU/IIASA/wi)

Référence :

Hiis, E., Vick, S., Molstad, L., Røsdal, K., Jonassen, K., Winiwarter, W., Bakken, L. (2024) Unlocking bacterial potential to reduce farmland N2O emissions (Exploiter la capacité des bactéries à réduire les émissions de N2O des terres agricoles) Nature. DOI: 10.1038/s41586-024-07464-3

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