Un champ de canne à sucre au coucher du soleil. La canne à sucre est cultivée pour l’industrie agroalimentaire et pour produire de la bioénergie.
Photo: ©Shutterstock/ Puttachat Kumkrong

Le potentiel des plantations climatiques est surestimé

Mise en garde des chercheurs : l’importance des plantations climatiques dont il est question dans un scénario scientifique sur deux pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris est irréaliste et trompeuse.

Les plantations climatiques sont considérées comme un élément important pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Les végétaux à croissance particulièrement rapide, qui extraient le CO2 de l’atmosphère, sont brûlés dans des centrales bioénergétiques. Pendant ce processus de « bioénergie avec captage et stockage du carbone », les gaz à effet de serre sont eux-mêmes captés et stockés. Or, selon les déclarations des chercheurs de l’Institut de recherche Mercator sur le patrimoine commun de l’humanité et le changement climatique, en février 2021, ces possibilités sont limitées.

Un scénario scientifique sur deux concernant le futur de la planète et tenant compte des objectifs de température de l’Accord de Paris sur le climat, prévoit qu’en 2100, au moins six millions de kilomètres carrés, soit l’équivalent des deux tiers du territoire des États-Unis, seront couverts de plantations climatiques. Selon les chercheurs, ces prévisions sont irréalistes et trompeuses.

Il n’y a pas du tout besoin d’accroître la superficie des terres utilisées pour des cultures bioénergétiques 


« Dans les circonstances actuelles, il n’y a pas du tout besoin d’augmenter la superficie des terres utilisées pour des cultures bioénergétiques, soit environ 500 000 kilomètres carrés à l’échelle mondiale, » déclare Felix Creutzig, responsable du groupe de travail Utilisation des terres, infrastructure et transport, du MCC. En tant qu’auteur principal chargé de la coordination, il est en charge du chapitre sur la demande, les services et l’atténuation et les aspects sociaux du changement climatique dans le sixième Rapport d’évaluation du Panel intergouvernemental sur le changement climatique (IPCC), dont la publication est prévue en 2021 ou 2022.

Pour leurs analyses, les chercheurs ont évalué la base de données du consortium de modélisation d’évaluation intégrée (IAMC) de l’Institut international d’analyse appliquée des systèmes (IIASA) et ont constaté que seulement une fraction des scénarios scientifiques sur le climat n’utilise pas plus que l’actuelle superficie consacrée aux cultures bioénergétiques. Sur un total de 132 « modèles d’évaluation intégrée » qui prévoient un avenir conforme à l’Accord de Paris et présentent explicitement l’utilisation des terres, il y en a seulement 6. 

Protéger le climat de cette façon serait encore pire pour la nature que ne pas le protéger du tout 


Pour justifier que des plantations climatiques supplémentaires ne rendraient pas le monde véritablement plus durable, les scientifiques se réfèrent à deux rapports spéciaux du GIEC (de 2018 sur l’objectif de 1,5°C et de 2019 sur l’utilisation des terres) ainsi qu’à de nombreuses autres études scientifiques.

Pour commencer, intensifier la production bioénergétique avec captage et stockage du carbone mettrait la biodiversité en péril. C’est ce que déclarent les chercheurs, qui indiquent qu’une protection climatique de cette sorte serait même pire pour la nature que pas de protection du tout et soulignent que de nombreuses populations de mammifères, d’amphibiens, de reptiles et de poissons ont diminué dans le monde au cours des derniers siècles. Cet aspect devrait être pris plus en considération par l’IPCC, comme devraient l’être, en second lieu, les risques pour les moyens de subsistance des populations autochtones. Troisièmement, les modèles de scénarios accordent trop peu d’attention au problème des points de basculement : par exemple, si on continue d’émettre du CO2, d’entraîner une augmentation des températures et de s’en remettre au captage à grande échelle du carbone dans la deuxième moitié du siècle, du méthane risque de s’échapper suite à la décongélation du permafrost en Sibérie, et d’exacerber la crise climatique.

« Le fait que la méthode bioénergétique n’ait pas réellement beaucoup de potentiel n’a rien de catastrophique pour l’atténuation du changement climatique, » souligne Felix Creutzig, chercheur au MCC. « Après tout, il existe des formes d’élimination du carbone nécessitant une utilisation moins intensive des terres, par exemple le captage direct dans l’air, avec des systèmes de filtres à air. Surtout, le plus important est de réduire immédiatement les émissions. Cela veut dire qu’il faut décarboner l’économie, voire réduire la consommation d’énergie, lorsque c’est possible, et promouvoir les changements de comportement respectueux du climat, par exemple dans le domaine de la nutrition. » 

(MCC/ile)

Pour en savoir plus, consulter le site du MCC (en anglais)

Référence :
Creutzig, F., Erb, K., Haberl, H., Hof, C., Hunsberger, C., Roe, S., 2021, Considering sustainability thresholds for BECCS in IPCC and biodiversity assessments, Global Change Biology Bioenergy
 

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