Exemple d’épandage par avion sur une forêt.
Photo: ©Shutterstock

Comment capter le CO2 avec des roches concassées

Une équipe internationale de chercheurs a étudié la possibilité d’utiliser des roches finement concassées pour éliminer le CO2 de l’atmosphère et contribuer ainsi à la réalisation des objectifs de neutralité carbone et de maintien du réchauffement mondial sous la barre des 1,5 °C.

Pour atteindre les objectifs de température de l’Accord de Paris, il est impératif d’éliminer activement le dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère et de le stocker de manière permanente afin de générer ce que l’on appelle des « émissions négatives ». Le défi est énorme : comment parvenir à générer des émissions négatives à une échelle et à un rythme suffisants en utilisant des technologies fiables, rentables, durables et acceptables pour le public ?

Dans un article récemment publié dans Nature Geoscience, une équipe de recherche internationale dirigée par le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) et composée de plusieurs chercheurs de l’Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (IIASA) s’est penchée sur l’utilisation de poudre de roches silicatées finement broyées pour éliminer le CO2 de l’air.

La poudre de roche est utilisée depuis longtemps pour améliorer les propriétés physiques du sol telles que la rétention d’eau, le drainage, l’aération et la structure, mais son usage n’a pas encore été appliqué à l’élimination du CO2. Les chercheurs partent de l’hypothèse que l’épandage de poudre de roche à grande échelle pourrait permettre d’accélérer l’élimination du carbone, puisqu’il s’agit d'une solution facile à mettre en œuvre dans les systèmes de gestion des terres existants.

Le principe qui sous-tend cette technologie d’émissions négatives consiste à améliorer la réaction naturelle du CO2 avec les roches et les minéraux présents à la surface de la Terre lorsqu’ils se décomposent ou se dissolvent naturellement par météorisation. Le processus consiste à broyer des minéraux silicatés jusqu’à obtention d’une poudre et à épandre cette dernière sur le sol où elle réagit avec le CO2 et l’élimine de l’atmosphère, un processus appelé élimination abiotique du dioxyde de carbone. 

Parmi les candidats potentiels, le basalte figure en bonne place. Il s’agit, en effet, d’une roche abondante et extrêmement résistante aux intempéries, qui contient également des nutriments pour les plantes, composantes essentielles d'une autre méthode d’élimination biologique du CO2 qui vient d’être quantifiée pour la première fois. 

« Dans de nombreux écosystèmes, la fixation du CO2 par les plantes pendant la photosynthèse et son stockage dans la biomasse et dans les sols sont limités en raison de la faible fertilité des sols. L’épandage, sur des écosystèmes déficitaires en nutriments, de poudre de basalte capable de libérer lentement des nutriments pendant la météorisation, pourrait théoriquement lever les contraintes liées aux nutriments et promouvoir le stockage de carbone par les écosystèmes », explique Sibel Eker, coauteur et chercheur à l’IIASA.

Poudre de basalte : une solution d’élimination biologique du CO2 jusque-là ignorée


L’étude se penche plus spécifiquement sur cette méthode biologique d’élimination du CO2 jusque-là ignorée. Là où les évaluations précédentes s’étaient principalement concentrées sur les terres agricoles fertiles, ce qui permet d’utiliser les infrastructures existantes pour épandre la poudre de roche, l’équipe de chercheurs a axé son travail sur les écosystèmes naturels aux sols appauvris.
 
Pour cela, l’équipe a utilisé un modèle numérique détaillé de la biosphère pour simuler la capacité d’élimination du CO2 de la poudre de roche, en prenant en compte à la fois les voies abiotiques et biotiques. Les résultats sont substantiels avec jusqu'à 2,5 gigatonnes de CO2 éliminées par an, dont environ 50 pour cent résultant la réponse de la biosphère à la poudre de roche. Les taux les plus élevés d’élimination de CO2 ont été obtenus dans des régions qui étaient auparavant considérées comme inadaptées à l’utilisation de la poudre de roche.
 
« Nos résultats indiquent que le potentiel global d’élimination physique et économique de CO2 du basalte est largement plus important que ne le montraient les études précédentes », note Michael Obersteiner, coauteur de l’étude, chercheur à l’IIASA et directeur de l’Environmental Change Institute à l’université d’Oxford.
 
L’équipe a également utilisé des informations sur les coûts de production, de transport et d’épandage de la poudre de roche. En se basant sur le recours à des avions spécialement équipés pour l’épandage de poudre de roche, les coûts d’élimination du CO2 seraient modérés, à savoir environ 150 USD par tonne de CO2 éliminée, ce qui est inférieur aux estimations précédentes en raison de la séquestration supplémentaire assurée par la voie biologique.
 
Les auteurs soulignent que l’obtention d’un niveau d’élimination net du CO2 suffisamment élevé obligera à intensifier l’extraction de basalte, à déployer des systèmes dans des zones isolées avec une faible empreinte carbone (drones ou aéronefs) et à utiliser des énergies provenant de sources à faible intensité de carbone. Sur la base de ces conclusions, les chercheurs affirment que l’amendement du sol avec du basalte doit être considéré comme une solution de premier plan lors de l’évaluation des différentes options d’atténuation du changement climatique associées à la gestion des terres, mais que deux problèmes doivent d’abord être résolus : les effets secondaires encore inconnus de cette solution et le manque de données sur son déploiement à grande échelle.
 
« Les études pilotes doivent mettre l’accent sur les systèmes dégradés et les projets de boisement afin de tester les éventuels effets secondaires négatifs. Si la poudre de roche peut améliorer l’élimination du CO2 dans les systèmes gérés existants, cela permettra de réduire la pression sur des écosystèmes naturels ailleurs », conclut l’auteur principal de l’étude, Daniel Goll, qui travaille conjointement avec l’université d’Augsburg en Allemagne et avec le LSCE en France.

(IIASA/wi)
 
Références:
Goll, D.S., Ciais, P., Amann, T., Buermann, W., Chang, J., Eker, S., Hartmann, J., Janssens, I., Li, W., Obersteiner, M., et al. (2021). Potential CO2 removal from enhanced weathering by ecosystem responses to powdered rock. Nature Geoscience DOI : 10.1038/s41561-021-00798-x
 

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