Au Myanmar, les petits exploitants agricoles produisent localement des semences de qualité pour cultiver des variétés résilientes au climat et répondant aux besoins du marché.
Photo: © Shutterstok/Shee Hendg Chong

Des banques de semences pour les petits exploitants afin de lutter contre les aléas climatiques

Les petits exploitants agricoles produisent un tiers des denrées alimentaires mondiales. Ils jouent donc un rôle central dans l’adaptation au changement climatique et la réduction de son impact. Malheureusement, bon nombre d’entre eux ne disposent pas de moyens suffisants pour survivre aux crises économiques, s’adapter aux nouvelles politiques ou investir dans des techniques plus perfectionnées pour résister au changement climatique. C’est précisément sur cet aspect que des acteurs tels que l’organisation suisse Helvetas peuvent promouvoir des coopérations précieuses et proposer une assistance technique, comme l’illustre l’exemple des banques de semences au Myanmar.

Dans la région du golfe de Mottama, au Myanmar, les petits exploitants agricoles ont pris la situation en main et produisent localement des semences de qualité pour cultiver des variétés résilientes au climat et répondant aux besoins du marché. De cette façon, ils n’ont plus besoin d’acheter de semences et peuvent même vendre leurs surplus et en tirer un bénéfice.

« Au cours des dernières décennies, de nombreux exploitants agricoles à travers le monde ont cessé d’utiliser des semences issues de leurs propres récoltes et se sont mis à acheter des semences hybrides à fort rendement, souvent de variétés génétiquement modifiées », explique Alexandra Rieder, conseillère en agriculture et en systèmes alimentaires inclusifs au sein d’Helvetas. « Ces semences peuvent paraître très efficaces en raison des rendements élevés qu’elles produisent, mais elles induisent également un large éventail de risques, car elles rendent les agriculteurs extrêmement dépendants des grandes multinationales semencières. Les exploitants qui utilisent ces semences hybrides devront les racheter chaque année jusqu’à la fin de leur vie, car elles ne peuvent pas être conservées et replantées de façon fiable. Ce lien de dépendance, si l’on y associe de mauvaises récoltes dues aux inondations, aux nuisibles ou aux sécheresses, peut entraîner des cycles d’endettement et contribuer à aggraver encore la pauvreté. »

Pour créer leurs banques de semences, les agriculteurs locaux ont commencé par se regrouper au niveau des villages. Ils ont été soutenus dans cette démarche par le Gulf of Mottama Project, une initiative financée par la Direction fédérale suisse du développement et de la coopération (DDC). Mise en œuvre par Helvetas, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et l’ONG Network Activities Group (NAG), elle a posé les premiers jalons de la coopération.

Les agriculteurs se rendent compte de la nécessité d’une démarche durable sur le long terme, et ont compris l’importance de faire entendre plus largement leur voix collective auprès des acteurs clés, à savoir les acteurs du marché, les agences de développement, et les gouvernements locaux et nationaux, y compris les services nationaux chargés de certifier les semences. En 2019, ils se sont regroupés au niveau régional et ont créé la Coastal Area Farmers’ Development Association (CFDA, Association pour le développement des agriculteurs de la région côtière).

Cette initiative a bénéficié d’un soutien prioritaire de la part d’Helvetas et de ses partenaires, qui ont réaffirmé par là leur attachement à des résultats durables dont la pérennité s’inscrit au-delà du calendrier du projet. Aujourd’hui, après cinq années d’existence, la CFDA représente 60 villages répartis sur huit communes, et démontre ainsi l’efficacité de l’action collective dans la lutte contre le changement climatique.

Comment fonctionne la production de semences dans les villages du Myanmar ?
 

Au départ, l’association a acheté des semences auprès de banques de semences gouvernementales ou d’entreprises privées. Puis, chacun des comités de village en charge de la banque de semences a sélectionné deux ou trois agriculteurs « en chef » pour cultiver les semences de qualité. Celles-ci ont bénéficié d’une surveillance attentive de leur croissance, les plants les plus faibles étant éliminés aux étapes-clés de la formation des branches, de la floraison et du mûrissement. Les semences issues des plants les plus vigoureux ont ensuite été stockées dans la banque de semences, conçue pour repousser les rats et les oiseaux tout en maintenant une bonne circulation de l’air.

Le projet ne s’arrête pas là. Pour distribuer et vendre leurs semences, les agriculteurs doivent d’abord informer l’agent local responsable de l’agriculture dans leur commune, qui supervise les inspections des champs, et envoyer des échantillons de semences en laboratoire afin de les faire tester. Si les semences sont validées, elles sont marquées d’une étiquette jaune autorisant leur distribution et leur vente. Habituellement, les agriculteurs vendent leurs surplus de semences par le biais de l’association, qui bénéficie par ricochet d’une meilleure image et suscite davantage de confiance.

« L’association jouit d’une bonne réputation largement reconnue, », explique Rakesh Munankami, conseiller technique en chef au Myanmar pour Helvetas. « Lorsque les agriculteurs achètent des semences auprès de l’association, ils ont la garantie d’une bonne germination. Pendant la saison, les semences se vendent comme des petits pains. »

L’importance de la diversité des semences
 

Un autre facteur explique la réussite des agriculteurs du golfe de Mottama. Les variétés de plantes cultivées localement offrent une diversité génétique très riche et sont essentielles pour l’adaptation au changement climatique. Selon le guide Les Banques de Semences Communautaires publié par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le recours généralisé à des variétés à haut rendement depuis les années 1950 a entraîné une perte de diversité génétique de l’ordre de 7 % parmi les espèces végétales. La diversité est cruciale pour réussir à affronter des conditions imprévisibles comme les sécheresses, les inondations ou les nouveaux nuisibles.

La région du golfe de Mottama est vulnérable aux risques dus au changement climatique – cyclones, raz-de-marée, inondations, intrusions d’eau salée ou encore sécheresses. Il n’est pas possible de se contenter d’une seule variété qui résisterait de la même manière à toutes ces menaces.

« Les agriculteurs sont pleins de ressources », affirme M. Rakesh. « Ils connaissent leurs champs, comprennent les problèmes et savent identifier les points forts de chaque variété. C’est pour cela qu’ils cultivent différentes variétés – généralement, entre trois et cinq. » Certaines variétés pourront prospérer dans des eaux salées, d’autres résisteront aux inondations ou aux sécheresses. En utilisant des semences certifiées de variétés adaptées aux conditions locales pour le riz et en les associant à de bonnes pratiques agricoles, les agriculteurs de la région ont pu améliorer de 15 à 25 % le rendement de leurs cultures de riz. 

Les banques de semences ne suffisent pas à elles seules pour construire une véritable résilience au changement climatique. Une gestion efficace de l’eau, des mesures de préservation des sols et des pratiques agricoles durables sont tout aussi indispensables pour garantir des résultats positifs et durables. Ces techniques s’articulent étroitement avec les banques de semences gérées par les agriculteurs, qui s’inscrivent ainsi dans une stratégie plus large d’agriculture durable.

(Helvetas/wi)

Pour en savoir plus :

Lire en entier l’article sur l’engagement d’Helvetas dans le domaine des banques de semences 

Fiche thématique sur le « Gulf of Mottama Project » de la Direction du développement et de la coopération (DDC) et de Helvetas 

Vidéo sur les banques de semences au Myanmar 

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