Cette carte montre les réservoirs à forte densité de séquestration du carbone par les écosystèmes.
Photo: ©PIK/Noon et al.

Cartographie du carbone irrécupérable dans les écosystèmes de la Terre

De nouvelles recherches réalisées par Conservation International cartographient les zones terrestres que l’humanité doit protéger pour éviter une catastrophe climatique. Ces écosystèmes contiennent ce que les chercheurs appellent le « carbone irrécupérable » séquestré, à forte densité, dans des réservoirs et qui, s’il était libéré en raison des activités humaines, ne pourrait pas être récupéré à temps pour empêcher la planète d’être exposée aux conséquences les plus dangereuses du changement climatique.

Pour éviter un changement climatique catastrophique, il faut rapidement décarboner et améliorer la gestion des écosystèmes à l’échelle de la planète. Il existe des milieux naturels que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre compte tenu du fait qu’ils constituent des réserves de carbone irremplaçables.   

Dans une récente étude, une équipe de chercheurs internationale cartographie le « carbone irrécupérable » à l’échelle mondiale pour déterminer les quantités de carbone stocké par les écosystèmes qui doivent être gérés par l’humanité et qui, s’ils venaient à disparaître, ne pourraient être restaurés d’ici le milieu du siècle, date limite avant laquelle le zéro émission nette doit être atteint pour éviter les pires conséquences climatiques. Ces réservoirs de « carbone irrécupérable » sont essentiellement les mangroves, les forêts tropicales et les tourbières, ainsi que les forêts anciennes des zones tempérées. 

La protection spéciale de ces zones primordiales présente un autre avantage : ce sont également de véritables bassins de diversité. Par conséquent, la protection ciblée de ces réservoirs de carbone irrécupérable peut, parallèlement, contribuer de manière considérable à la conservation des espèces. 

« La libération du carbone stocké aurait des conséquences sur plusieurs générations et affaiblirait considérablement notre dernière chance de stabiliser le climat de la planète à des niveaux tolérables pour la nature et l’humanité, » a déclaré Johan Rockström, chercheur en chef à Conservation International et codirecteur de l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique (PIK), un leader de la recherche sur le climat et la durabilité. « Nous devons agir dès maintenant pour sauvegarder la capacité de la planète à stocker le carbone, et notamment donner la priorité à la sauvegarde de ces écosystèmes uniques. »

La nouvelle carte mondiale publiée en novembre dans la revue Nature Sustainability montre que la moitié du carbone irrécupérable de la planète est fortement concentré sur seulement 3,3 pour cent des terres – essentiellement les forêts anciennes, les tourbières et les mangroves. Ces vastes réserves de carbone sont équivalentes à 15 fois les émissions mondiales issues de la combustion de carburants fossiles l’année dernière. 

Selon les chercheurs, le fait de savoir quels écosystèmes constituent les plus importants réservoirs de carbone irrécupérable peut aider les gouvernements à diriger les efforts mondiaux sur la protection de 30 pour cent des terres d’ici à 2030. Selon les chercheurs, la conservation ciblée présenterait d’importants avantages – en augmentant de 5,4 pour cent seulement la superficie des principales zones protégées, on empêcherait la libération dans l’atmosphère de 75 pour cent du carbone irrécupérable de la planète.

Les zones de stockage du carbone irrécupérable chevauchent des zones de forte concentration de la biodiversité 


Un rapport d’accompagnement, également publié en novembre, révèle que bon nombre de ces zones de stockage du carbone irrécupérable chevauchent des zones à forte concentration de biodiversité – ce qui veut dire qu’en protégeant les terres indispensables à la stabilité climatique on protégerait également les habitats de milliers d’espèces de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens et de reptiles. Le rapport demande la création de « réserves de carbone irrécupérables », l’adoption de nouvelles mesures de conservation basées sur les régions et conçues pour s’assurer que le carbone irrécupérable reste dans ces écosystèmes primordiaux. 

Selon l’étude publiée dans Nature Sustainability, les écosystèmes de carbone irrécupérable les plus vastes et les plus denses sont les suivants : 

  • les forêts tropicales et les tourbières du biome amazonien (31,5 gigatonnes de carbone irrécupérable) ;
  • le Bassin du Congo (8,2 gigatonnes) ;
  • les îles du sud-est asiatique (13,1 gigatonnes) ;
  • les forêts tempérées du nord-ouest de l’Amérique du Nord (5,0 gigatonnes) ;
  • les mangroves, les prairies sous-marines et les lieux humides exposés aux marées, à l’échelle mondiale (4,8 gigatonnes).

L’étude explique également en détail à quel point les zones de carbone irrécupérable sont vulnérables aux activités humaines et au changement climatique et indique quelles quantités de carbone irrécupérable sont stockées dans les terres autochtones et protégées. Les conclusions de l’étude sont notamment les suivantes : 

  • 52 pour cent du carbone irrécupérable du monde entier ne fait actuellement l’objet d’aucune mesure officielle de protection ou de gestion ; 
  • plus d’un tiers du carbone irrécupérable (46,7 milliards de gigatonnes) est stocké dans les terres des populations autochtones et des communautés locales reconnues par les gouvernements ;  
  • dans l’ensemble des écosystèmes, les plus fortes concentrations de carbone irrécupérable se trouvent dans les mangroves (218 tonnes par hectare, en moyenne), les tourbières tropicales (193 t/ha) et les terres humides des régions boréales (173 t/ha).

(PIK/wi)

Pour en savoir plus :
Lire l’intégralité de l’étude 
Consulter la carte mondiale interactive de Conservation International 

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