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Vers la faim zéro : un sérieux coup de pouce reste nécessaire
Bien que des progrès considérables dans la réduction de la faim dans le monde aient été faits depuis 2000, la situation reste grave dans 43 pays et est même alarmante dans sept pays. Si les efforts déployés pour réduire la faim se maintiennent au même rythme qu’actuellement, l’objectif de la faim zéro ancré dans les Objectifs de développement durable ne sera pas atteint, ce qui signifie que d’ici à 2030 le niveau de la faim dans quelque quarante pays sera toujours grave ou alarmant. C’est ce constat que Klaus von Grebmer de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) a mis en avant en présentant le dernier rapport sur l’Indice de la faim dans le monde à Berlin, en Allemagne.
Calculée sur la base de l’année de référence 2000, la valeur de l’Indice de la faim dans le monde (GHI) de cette année montre que le GHI 2016 des pays en développement (voir encadré) a reculé de 29 pour cent passant d’un score de 30,0 à 21,3. Vingt-deux pays ont même réussi à réduire les scores de 50 pour cent ou plus depuis 2000. Le Cambodge, Myanmar et le Ruanda font partie de ces pays. Néanmoins, près de 795 millions de personnes dans le monde sont encore sous-alimentées, et il existe d’énormes différences entre les régions. La situation reste particulièrement préoccupante en Afrique subsaharienne (GHI 30,1) et en Asie du Sud (GHI 29,0), où les niveaux de la faim sont jugés « graves ». En revanche, les scores GHI pour l’Asie de l’Est et du Sud-Est, le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord, l’Amérique latine et les Caraïbes de même que pour l’Europe de l’Est et la Communauté des États indépendants se situent entre 7,8 et 12,8, et représentent des niveaux de la faim « faibles » ou « modérés ».
Variations caches
Cependant, comme l’a relevé von Grebmer, les valeurs moyennes de l’indice de la faim masquent parfois des disparités considérables au sein d’un même pays. Au Mexique, par exemple, les données indiquent un score global pour le retard de croissance chez les enfants âgés de moins de cinq ans de 13,6 pour cent, alors que dans l’État méridional du Chiapas, ce même score s’élève à 31,4 pour cent, dû notamment à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire, au manque d’hygiène et à la fréquence des maladies. En Zambie et en Sierra Leone également – pays classés dans la catégorie « alarmante » – les scores des indicateurs individuels du GHI varient considérablement.
Les conflits armés, les catastrophes naturelles et une gouvernance médiocre ont été identifiés par les auteurs de l’étude comme étant les principaux déterminants de la faim. Ce constat apparaît comme étant évident quand on considère les deux pays arrivant tout en bas de l’échelle : la République centrafricaine et le Tchad. En République centrafricaine (GHI : 46,1), la violence et les déplacements massifs de populations causés par quatre années de guerre civile ont engendré de lourdes conséquences sur la production alimentaire. Le Tchad (GHI : 44,3), qui a également connu une longue période de guerre civile, a fait face à la détérioration de la sécurité alimentaire en raison d’un afflux récent de réfugiés et de phénomènes météorologiques extrêmes. Parmi les autres pays affichant des scores GHI « alarmants », il y a Haïti (GHI : 36,9), Madagascar (GHI : 35,4) et le Yémen (GHI : 35,0). En outre, un certain nombre de pays ne peuvent pas être pris en considération dans l’évaluation globale en raison de la non-disponibilité des données, mais il y a tout lieu de présumer que la situation est alarmante dans tous ces pays. Dans sa présentation, von Grebmer a évoqué le cas du Burundi, où le retard de croissance chez les enfants est estimé à 57,5 pour cent, ce qui est deux fois plus que la moyenne calculée pour tous les enfants couverts par l’Indice.
Un cercle vicieux sans fin
« Un trop grand nombre de personnes sont encore laissées pour compte, en particulier des femmes, des enfants et des personnes vivant dans des zones reculées. Si nous voulons atteindre l’objectif de la faim zéro d’ici à 2030, il faudra que les acteurs dans les domaines de la politique, des affaires et de la société civile redoublent d’efforts. Il est crucial avant tout que les décideurs politiques dans les pays touchés fassent preuve d’un engagement plus fort. Et, nous aurons besoin de données fiables. » a conclu von Grebmer. Selon les calculs de l’IFPRI, le niveau des investissements nécessaires pour atteindre l’objectif de la faim zéro en 2030 serait de l’ordre de 60 milliards de dollars US par année.
Dans son allocution, la présidente de Welthungerhilfe, Bärbel Dieckmann, a de nouveau souligné que ce sont précisément les pays qui ne peuvent pas être inclus dans le classement GHI qui sont confrontés à une situation désastreuse, due en grande partie à des conflits violents et à une mauvaise gouvernance, ce qui est notamment le cas de la Libye, de la Somalie et de la Syrie. « Si nous ne parvenons pas à mettre fin aux guerres, nous ne parviendrons pas à éradiquer la faim dans le monde » a déclaré la présidente de Welthungerhilfe. Quelque 65 millions de personnes sont actuellement menacées de déplacements et, comme elle l’a fait remarquer, une forte proportion d’entre elles cherchent refuge dans des pays voisins qui, pour la plupart, ont déjà eux-mêmes des difficultés à nourrir leur propre population. Le message de Dieckmann : « Nous devons davantage soutenir ces pays », et ce soutien devrait inclure des investissements dans l’agriculture, des efforts en vue de renforcer la société civile et des améliorations du système éducatif.
Mais, a continué Dieckmann, le secteur privé a également l’obligation d’aligner les investissements sur le bien-être des populations dans les pays concernés et ne doivent pas viser exclusivement à maximiser les profits. Bien que l’extraction et l’exploitation abusives des matières premières soient critiquées depuis des décennies, de telles pratiques continuent d’être une amère réalité dans de nombreux pays du Sud.
L’Indice de la faim dans le monde (GHI), qui depuis 2006 est conjointement publié par l’IFPRI, Concern Worldwide et Welthungerhilfe, classe les pays sur une échelle allant de 0 à 100 points. Les notes inférieures ou égales à 9,9 indiquent de « bas » niveaux de faim, des notes à partir de 10 des niveaux « modérés », à partir de 30 des niveaux « graves », à partir de 35 des niveaux « alarmants » et à partir de 50 des niveaux « extrêmement alarmants ».
Quatre indicateurs sont pris en compte pour calculer l’indice : la proportion de la population sous-alimentée en pourcentage de la population totale, la proportion des enfants de moins de 5 ans souffrant d’émaciation (c’est-à-dire qui ont un poids trop faible pour leur taille en raison d’une dénutrition aigue), la proportion des enfants de moins de 5 ans souffrant d’un retard de croissance (c’est-à-dire qui ont une taille trop petite pour leur âge en raison d’une dénutrition chronique) et le taux de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans.
Le GHI 2016 a été calculé pour 118 pays pour lesquels les données relatives aux quatre indicateurs étaient disponibles et pour lesquels il semblait le plus important de mesurer les niveaux de la faim. Il reflète les données de 2010 à 2016. Faute de disposer des données nécessaires, les scores GHI n’ont pas pu être établis pour certains pays tels que le Burundi, les Comores, la République démocratique du Congo, l’Érythrée, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Soudan du Sud et la Syrie.
Silvia Richter, éditrice de Rural 21
Pour télécharger le rapport GHI
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