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Vendre pour mieux se nourrir !
La sous-alimentation et la malnutrition par carence en micronutriments restent d’importants problèmes à résoudre dans de grandes parties des pays en développement. Pour les segments pauvres de la population, l’amélioration de la nutrition passe bien sûr par un meilleur accès aux aliments mais également par une meilleure qualité et une plus grande diversité alimentaires. Dans la mesure où beaucoup de personnes pauvres et sous-alimentées sont des petits exploitants agricoles, la diversification de la production est largement considérée comme un moyen utile d’améliorer la diversité alimentaire. Toutefois, on dispose de peu de données empiriques permettant d’établir un lien entre diversité de la production et diversité de la consommation.
C’est sur ces questions que se penche une étude menée par des agroéconomistes de l’université de Göttingen. Elle montre que cette hypothèse ne se vérifie pas toujours, loin de là. Les résultats de cette étude ont été publiés à la mi-août dans la revue spécialisée « Proceedings of the National Academy of Sciences USA (PNAS) ».
Une alimentation variée est avant tout importante pour les apports en vitamines et en oligo-éléments. Le nombre des groupes d’aliments régulièrement consommés est pour cela souvent utilisé comme indicateur de la situation alimentaire et nutritionnelle d’un ménage. Les scientifiques de l’équipe du professeur et docteur Matin Qaim du département d’agroéconomie et de développement rural de Göttingen ont évalué des données recueillies auprès de plus de 8 000 ménages de petits agriculteurs d’Indonésie, du Kenya, d’Éthiopie et du Malawi afin d’étudier les relations existant entre une production diversifiée et une alimentation variée.
Les modèles de régression utilisés dans l’étude montrent que la diversité de la production dans l’exploitation agricole est associée de manière positive à la diversité alimentaire dans certaines situations, mais pas dans toutes. Les auteurs de l’étude expliquent que lorsque la diversité de la production est déjà élevée, l’association n’est pas significative et qu’elle devient même négative compte tenu des pertes de revenu que la diversification entraîne par rapport à la spécialisation.
L’analyse d’autres facteurs montre que l’accès aux marchés a, sur la diversité alimentaire, une incidence plus positive que celle de l’accroissement de la diversité de production. Les opérations de marché tendent également à réduire le rôle de la diversité agricole dans l’alimentation des ménages. Selon le professeur Qaim, ces résultats donnent à penser que l’accroissement de la diversité agricole dans l’exploitation n’est pas toujours le moyen le plus efficace d’améliorer la diversité alimentaire dans les ménages de petits exploitants agricoles et qu’il ne faut pas la considérer comme un objectif en soi.
« Une production trop diversifiée entraîne des pertes de revenus parce qu’il est alors impossible de mettre à profit les avantages économiques liés à la spécialisation », explique le professeur Qaim. « Étant donné qu’à certaines périodes de l’année les petits exploitants achètent également des aliments, des revenus moindres signifient qu’ils ont moins d’argent pour acquérir des aliments de qualités tels que des fruits, des légumes et des produits animaux ».
Dans l’ensemble, l’impact d’une production diversifiée sur une alimentation variée est relativement faible et, dans de nombreuses situations, il n’est pas statistiquement significatif. En Afrique en particulier, les petits agriculteurs exploitant dans des régions reculées produisent de toute façon souvent plus que dix espèces cultivées. « Nos recherches montrent que l’amélioration de l’accès au marché et la vente de produits agricoles ont bien plus d’incidences positives sur l’alimentation des ménages qu’une production encore plus diversifiée ne peut en avoir pour assurer leur subsistance. Il faut, pour améliorer l’alimentation, faire en sorte que les petits agriculteurs soient mis à même de vendre leurs produits sur le marché », note Kibrom Tadesse Sibhatu, l’auteur initial de l’étude. Cela exige avant tout une infrastructure améliorée en milieu rural et l’accès à des technologies de production modernes.
Pour en savoir plus :
Sibhatu, K.T., Krishna, V.V., Qaim, M. (2015). Production diversity and dietary diversity in smallholder farm households. Proceedings of the National Academy of Sciences USA
Lien avec le site PNAS (accès libre)
(Université de Göttingen/pnas/wi)
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