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Transformer le monde rural pour nourrir les villes en expansion ?
Les régions rurales du continent africain doivent évoluer et devenir aussi rapidement que possible des centres agricoles modernes qui seront encore capables en 2050 de nourrir la population urbaine en rapide expansion. Des innovations et des technologies nouvelles sont impérativement nécessaires pour que l’agriculture puisse retrouver son attractivité en particulier pour la génération à venir. Cette exigence a été unanimement reconnue par les panélistes d’une table ronde conjointement organisée par le BMZ/la GIZ et la Plateforme mondiale des donateurs pour le développement rural (Global Donor Platform for Rural Development, GDPRD), qui s’est tenue à la mi-janvier à Berlin, Allemagne, dans le cadre du Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture (Global Forum for Food and Agriculture, GFFA).
Thomas Silberhorn, Secrétaire d’État parlementaire auprès du ministre fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), a évoqué la croissance rapide des villes en Afrique et a fait observer que dans 30 ans quatre cinquième de la population vivraient dans ces villes. Les besoins alimentaires des villes doubleront d’ici là. Le Secrétaire d’État a également insisté sur un autre enjeu majeur, celui des jeunes qui affluent en masse dans les villes et tournent le dos aux zones rurales qui ne leur offrent aucune perspective d’avenir. Il a fait remarquer que les décideurs politiques devaient de toute urgence se préoccuper du développement rural et a soumis à la discussion trois pistes de solutions possibles, à savoir :
- promouvoir l’infrastructure rurale ;
- investir dans des régions rurales dynamiques car, selon des données compilées par la FAO, la croissance potentielle dans le secteur agricole en Afrique est onze fois plus élevée que dans tous les autres secteurs, et
- rendre le secteur agricole compétitif.
Ces objectifs ambitieux ont amené le gouvernement fédéral allemand à créer une initiative spéciale intitulée « UN MONDE sans faim » qui concentre son effort sur 13 centres de promotion des innovations agricoles et agroalimentaires. Environ 500 000 agriculteurs profitent déjà de ces centres.
« Ce que nous pouvons faire pour nourrir les villes, c’est transformer l’agriculture en une activité économique rentable, en particulier dans les zones périurbaines proches des marchés, en encourageant la culture de fruits et légumes présentant des taux de rendement élevés », a expliqué le ministre ghanéen de l’Alimentation et de l’Agriculture, Monsieur Fifi Kwetey. Il a appelé le secteur privé à améliorer l’accès aux services financiers, également dans les zones rurales, un objectif que l’absence de garanties sous forme de propriété foncière voue souvent à l’échec. Cela est particulièrement vrai dans le cas des jeunes entrepreneurs, a souligné le ministre Kwetey.
Selon Jean Michel Sourisseau, membre du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), il est plus qu’urgent de promouvoir davantage les petites villes et les zones agricoles environnantes afin d’alléger ainsi le fardeau pesant sur les très grandes villes. Il importe en outre de placer la productivité et les possibilités de commercialisation pour les petits agriculteurs au cœur des politiques agricoles africaines. Il est également nécessaire à cet effet de promouvoir les innovations et les technologies dans les domaines de la sélection, des méthodes de travail et de la commercialisation, par exemple, à travers des processus de mécanisation adaptés et des coopératives paysannes. La production, à haute intensité de main d’œuvre, de denrées de qualité supérieure qui sont de plus en plus demandées par les villes permettrait de pallier le risque de pertes d’emplois dues à la mécanisation.
Theo de Jager, Président de l’Organisation panafricaine des agriculteurs (PAFO) a également plaidé en faveur d’une agriculture compétitive. Il a fait remarquer que 46 pour cent des terres arables du continent africain étaient toujours en friche et qu’elles pourraient être exploitées dans un avenir proche à l’aide de technologies innovantes. Pour accroître la production agricole, il sera en outre indispensable de franchir une nouvelle étape et de passer de l’agriculture à petite échelle à l’agriculture mécanisée.
Selon de Jager, les barrières commerciales interafricaines qui subsistent toujours représentent un problème particulier. Ainsi, les fruits provenant d’Afrique du Sud doivent être importés à Brazzaville (Congo) en passant par Paris. La distribution inéquitable le long de la chaîne de valeur entraîne d’autres pertes de valeur ajoutée agricole pour l’agriculteur souligne de Jager, les travailleurs dans l’industrie agroalimentaire continuant de percevoir un salaire plus élevé que les ouvriers agricoles travaillant dans les champs.
Pour répondre à la question de savoir comment initier un processus de transformation des zones rurales en Afrique, les panélistes ont fait diverses propositions, qui sont présentées dans leurs grandes lignes ci-dessous :
- promouvoir les investissements dans des processus de modernisation de la production agricole qui soient adaptés aux conditions africaines :
- promouvoir les petites villes en assurant l’approvisionnement des marchés locaux en denrées alimentaires produites dans les zones rurales alentour ;
- rendre l’agriculture attrayante pour la jeune génération grâce à des technologies modernes et à la mécanisation ;
- sensibiliser les citadins à l’importance des zones rurales et de leurs habitants qui assurent leur sécurité alimentaire : « les aliments de qualité proviennent des exploitations agricoles locales et non pas de l’Europe ».
Que faut-il faire encore pour assurer que la transformation rurale en Afrique puisse avoir lieu ? Selon le Président de la PAFO de Jager, « nous avons besoin de données transparentes et plus pertinentes dans le processus agricole ». Sur un continent tel que l’Afrique où la révolution numérique est déjà légendaire, il n’est toujours pas possible d’assurer que les données qui sont importantes pour le secteur agricole sont publiquement accessibles. Or ces données constituent la base la plus importante pour la vulgarisation agricole, la minimisation des risques et les innovations. De Jager a appelé les décideurs politiques à s’attaquer résolument à ce problème.
Angelika Wilcke, éditeur Rural 21
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