La diversité des cultures est essentielle pour garantir la sécurité alimentaire, la résilience environnementale et la durabilité des moyens de subsistance.
Photo: © Dr. Dilruba Ashrafun Nahar Majumder/ BRAC

Réserve mondiale de semences du Svalbard – un dépôt historique renforce la sécurité alimentaire en cette période de crise

Fin octobre 2024, la réserve mondiale de semences du Svalbard a reçu un dépôt de plus de 30 000 nouveaux échantillons de semences provenant de 23 déposants répartis dans 21 pays, dont sept banques de gènes internationales. Il s’agit du plus grand nombre de déposants enregistré depuis l’envoi d’échantillons par un nombre record de 35 banques de gènes en 2020, manifestation d’un besoin impérieux de préserver la diversité des espèces cultivées face à la progression du changement climatique, des conflits et d’autres crises.

Certains des pays qui figurent dans ce dépôt apportent leur contribution pour la première fois. Il s’agit du Bangladesh, de la Bolivie, du Nigeria, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, du Surinam et du Tchad. Crop Trust leur fournit, ainsi qu’à d’autres pays, un appui technique et financier pour organiser la collecte et l’expédition des échantillons. Cet appui est financé par la Norvège dans le cadre du projet « Biodiversité pour les opportunités, les moyens de subsistance et le développement » (BOLD).

« Le changement climatique et les conflits menacent les infrastructures et affectent la sécurité alimentaire de plus de 700 millions de personnes dans plus de 75 pays. Les banques de gènes intensifient leurs efforts pour sauvegarder leurs collections de semences et nous sommes heureux de pouvoir les aider en leur offrant un refuge à Svalbard », explique Stefan Schmitz, directeur exécutif de Crop Trust.

Nécessité de conserver des plantes oubliées
 

Les récentes données climatiques soulignent l’urgence de ce travail. L’année 2023 a été de loin la plus chaude jamais enregistrée. Sur les 30 événements météorologiques les plus mortels de l’histoire moderne de l’Afrique, cinq se sont produits en 2022-2003, tandis que l’Asie reste la région du monde la plus exposée aux catastrophes. Dans le même temps, les rendements des principales céréales d’Afrique subsaharienne sont inférieurs de plus de moitié à la moyenne mondiale. C’est pourquoi il est si urgent de conserver, d’explorer et d’utiliser la diversité des plantes oubliées mais aussi des aliments de première nécessité présents dans les banques de gènes du monde.

« L’humanité a besoin d’une large variété de ressources génétiques pour faire face aux défis à venir. Il est donc gratifiant de constater que de nombreuses banques de gènes choisissent de participer à ce dépôt de semences, souligne Lise Lykke Steffensen, directrice exécutive du Centre nordique de ressources génétiques (NordGen). La réserve de semences a pour principal objectif de protéger ces collections précieuses, notamment au vu de l’état du monde actuel. Nous sommes heureux de continuer à œuvrer à cette tâche. »

Fonctionnant sous la forme d’un partenariat entre le ministère norvégien de l’Agriculture et de l’Alimentation, Crop Trust et le Centre nordique de ressources génétiques (NordGen), la réserve mondiale de semences du Svalbard est un lieu de sauvegarde crucial pour les banques de gènes du monde entier.

La diversité génétique reste à la disposition de tous
 

« La réserve mondiale de semences du Svalbard témoigne de la valeur de la coopération internationale et du rôle joué par la Norvège en tant que pays hôte de la réserve, explique Geir Pollestad, ministre norvégien de l’Agriculture et de l’Alimentation. Dans un monde où le changement climatique et les conflits sont source de menaces croissantes pour la sécurité et la souveraineté alimentaires, cette infrastructure permet à la diversité génétique dont nous avons besoin pour adapter nos systèmes alimentaires de rester à la disposition de tous. » 

Voici quelques-uns des dépôts particulièrement intéressants réalisés en octobre 2024 : 

  • Inde : l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT) est une banque de gènes internationale basée en Inde qui a déposé 2 950 semences de 56 espèces, notamment du millet perlé, du sorgho et 28 sortes d’Arachis (cousin sauvage de la cacahouète (arachide)), dont neuf n’étaient pas encore présents dans la réserve. Certains de ces cousins sauvages produisent des aliments pour animaux à forte teneur en protéines et constituent une source d’azote dans un certain nombre de systèmes agricoles. L’ICRISAT a également envoyé des semences qui participeront à une expérimentation, menée sur un siècle, en vertu de laquelle six partenaires déposent des semences d’aliments de première nécessité et évaluent périodiquement leur viabilité. 
  • Bolivie : créée il y a 400 ans, l’Universidad Mayor Real y Pontificia de San Francisco Xavier de Chuquisaca est une des plus anciennes universités des Amériques. Elle a effectué le premier dépôt jamais réalisé par la Bolivie pour mettre en sécurité des variétés de maïs et de haricot fortement associées aux cultures autochtones. Quelque 125 familles d’agriculteurs issues de communautés locales et enregistrées sous le nom de « Gardiens des semences » ont joué un rôle clé dans la création de la collection.
  • Philippines : l’Institut international de recherche sur le riz (IRRI) a apporté plus de 7 000 échantillons de riz, soit le plus grand nombre d’échantillons de ce dépôt. Cette contribution est cruciale puisque le riz nourrit plus de la moitié de la population mondiale. En outre, la banque de gènes nationale du pays (National Plant Genetic Resources Laboratory) a également déposé près d’un millier de semences portant sur 14 cultures, dont le sorgho, une céréale essentielle, et le gombo, une légumineuse riche en fibres, en vitamines et en minéraux qui est très demandée sur certains marchés d’exportation tels que la Corée. 
  • Tchad : nouveau venu dans la réserve de semences, l’Institut tchadien de recherche agronomique pour le développement a déposé 1 145 échantillons de sésame, de riz, de maïs et de sorgho. Cette contribution est particulièrement importante sachant que ces variétés sont adaptées au rude climat du Tchad et qu’elles jouent donc un rôle essentiel dans le développement de cultures capables de supporter des températures en hausse et une pluviométrie irrégulière.  
  • Tanzanie : le Centre mondial des légumes (WorldVeg une banque de gènes tanzanienne) a déposé plus d’une centaine d’accessions de légumes et d’autres cultures, comblant ainsi une lacune majeure. Moins de 10 % des accessions conservées dans les banques de gènes proviennent des plus de 1 100 espèces de légumes cultivées dans le monde. Il est donc urgent de sauver et de conserver cette diversité de légumes pour lutter contre la malnutrition. Le développement de la culture des légumes, particulièrement en Afrique, est également synonyme de création d’emplois et d’exploitations agricoles résilientes.

Le Centre de recherche et de conservation des ressources phytogénétiques (APGRC) du Soudan a également préparé des centaines d’échantillons de semences de sorgho et de millet perlé avec l’aide du projet BOLD. Le personnel de la banque de gènes a réussi à collecter les semences malgré la guerre qui fait rage dans le pays et malgré l’impossibilité d’accéder à la principale banque de gènes nationale située à Wad Medani. Des camions sécurisés ont transporté les semences jusqu’à Port-Soudan en vue de leur expédition. NordGen va trier, cataloguer et sécher chaque échantillon avant de l’envoyer définitivement à Svalbard en février 2025. Certaines semences proviennent également d’une autre région de conflit intensif. En Palestine, l’Union des comités de travail agricole (UAWC) a livré des semences de 21 espèces de légumes, de légumineuses et de fines herbes. 

Bon nombre des semences de ce dépôt sont des « cultures de niche », capables de prospérer dans des conditions difficiles mais dont le potentiel d’amélioration de la sécurité alimentaire, de la nutrition et de la résilience au changement climatique est encore inexploité. En raison de l’évolution des tendances alimentaires et agricoles, une grande partie de ces aliments n’ont plus leur place dans les assiettes des consommateurs et dans les agendas des décideurs politiques.

(Crop Trust / pas)

Plus d’informations :

Sur la réserve mondiale de semences du Svalbard – site Internet officiel

Sur le ministère norvégien de l’Agriculture et de l’Alimentation

Sur NordGen

Sur Crop Trust  

Sur le projet « Biodiversité pour les opportunités, les moyens de subsistance et le développement » (BOLD – en anglais)

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