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Regard sur la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition
En présentant un rapport intermédiaire à la commission du développement du Parlement européen début juillet, Ousmane Badiane de l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (International Food Policy Research Institute - IFPRI) a relativisé les résultats de la NASAN. La « Nouvelle Alliance » a très tôt été critiquée par la société civile pour avoir fait trop peu de cas des petits paysans qui forment l'ossature de l'économie rurale en Afrique.
Les pays du G8 avaient, en 2012, décidé de lancer une nouvelle action concertée pour lutter contre la faim et la pauvreté et ont, conjointement avec dix gouvernements africains, le secteur privé et des organisations d’aide, créé la « Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition » (NASAN).
C’est ainsi que l’agriculture et la sécurité alimentaire ont, après 30 ans, de nouveau focalisé l’attention d’une politique africaine mondiale. Les années 1980 ont été considérées comme la décennie du développement, même si les choses n’ont pas beaucoup bougé, en particulier en Afrique.
Une nouvelle approche de développement appuyée par l’investissement privé et les cadres politiques nationaux devait soutenir les priorités du Programme intégré pour le développement de l'agriculture en Afrique (CAADP) couvrant 35 participations de pays d’Afrique en encourageant les progrès de l’agriculture et de la sécurité alimentaire.
Exemple du Bénin
Le gouvernement du Bénin a lancé 24 programmes politiques pour six programmes NASAN, mais ce n’est qu’en ce qui concerne le renforcement des femmes dans le secteur agricole, qu’il a réussi à les mettre tous en œuvre.
Un développement du secteur agricole n’a pas eu lieu, dit le rapport. Sur les fonds prévus pour la période comprise entre 2011 et 2015, seuls 48,5 pour cent ont réellement été investis.
L’analyse relative aux investissements privés au Bénin présente d’indéniables lacunes dans les domaines préalablement définis comme sensibles, à savoir les semences, les engrais et la mécanisation. La NASAN a certes rapproché certaines entreprises des petits paysans, en particulier des femmes et des journaliers, mais n’a obtenu que des résultats limités en termes d’augmentation des revenus et de sécurité alimentaire. Au Bénin, l’aide a bénéficié à 161 337 petits paysans et a créé 1 861 emplois, dont 67 pour cent ont pu être occupés par des femmes. Indirectement, les petits paysans ont également pu profiter de productions sous contrat et de l’extension des services en amont.
Chances et risques
Après avoir analysé un projet au Burkina Faso, la France a quitté la NASAN. Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) a conclu, pour ce projet mis en œuvre à 200 kilomètres au sud-est de la capitale Ouagadougou, que des terres de petits paysans avaient été mises à la disposition d’investisseurs étrangers renforçant ainsi l’insécurité alimentaire.
Pour Ousmane Badiane, il s’agit plutôt là d’un signal montrant que l’ambition se heurte à la réalité.
L’étude de l’IFPRI arrive à la conclusion que la Nouvelle Alliance avait en très peu de temps réussi à lever de nombreux obstacles à un accroissement des investissements dans l’agriculture au niveau des politiques nationales. Cependant les objectifs de la NASAN ne sont pas connus de nombreuses institutions impliquées. Le renforcement des capacités des administrations est indispensable à une extension de l’approche à plus grande échelle. L’un des plus grands défis réside dans l’harmonisation de la politique de la NASAN avec des programmes actuels. Badiane espère des effets supplémentaires pour la mise en œuvre.
Par son origine, la Nouvelle Alliance a une portée mondiale et se définit comme un plan continental pour des gouvernements nationaux. Or, il est difficile de concrétiser les objectifs en fonction des besoins locaux des différentes régions. C’est là la mission des gouvernements nationaux, explique Badiane.
Le climat pour les investissements privés dans les zones rurales d’Afrique reste encore défavorable. Les entreprises préfèrent investir dans les villes et dans les énergies renouvelables. C’est pourquoi les politiques doivent viser à mobiliser les capitaux privés.
Le rapport intermédiaire montre que les données et les indicateurs qui seraient nécessaires pour effectuer une évaluation de grande envergure font défaut. Ces lacunes limitent toute forme d’aide au développement. La Commission européenne veut que la NASAN tienne compte d’aspects sociaux et environnementaux et puisse servir de contre-modèle à la politique d’investissement de la Chine en Afrique.
Roland Krieg, journaliste, Berlin/Allemagne
Pour en savoir plus :
Rapport intermédiaire sur An Assessment of the New Alliance for Food Security and Nutrition (en anglais)
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