Escargots africains géants dans la réserve de biosphère de Bia.
Photo: Sheila Nana Akua Ashong

Liens entre les personnes et la nature – Réserves de biosphère de l’UNESCO au Ghana

Les réserves de biosphère sont de plus en plus reconnues comme des sites spéciaux pour l’être humain et la nature. Elles réunissent les parties prenantes et offrent des possibilités de dialogue, de partage d’idées et d’expertise, de s’unir pour préserver la biodiversité tout en améliorant le bien-être et les initiatives des communautés. Cet article attire l’attention sur l’expérience du Ghana avec le concept de réserve de biosphère en mettant l’accent sur la réserve de biosphère de Bia.

En Afrique, les communautés locales dépendent énormément de la biodiversité pour leurs moyens de subsistance (agriculture vivrière, pêche, chasse, collecte et transformation de produits forestiers non ligneux tels que l’escargot, le miel et les plantes médicinales, par exemple). En raison d’un taux de croissance démographique supérieur, dans ces régions, à celui des zones urbaines, on constate une tendance à surexploiter les ressources des forêts, des montagnes, des zones marécageuses et d’autres écosystèmes vitaux pour répondre aux besoins de la population, sans tenir compte de la capacité des ressources naturelles à se régénérer.

L’adoption de régimes de protection dans de nombreux pays, notamment en Afrique, a initialement été confrontée à des problèmes d’épuisement des ressources et de perte de biodiversité car elle se faisait souvent sans tenir compte des besoins des communautés locales et donnait lieu à une certaine animosité entre individus et communautés, et entre communautés et autorités responsables des aires protégées.

Les régimes de protection doivent tenir compte des principes de développement durable en assurant la création et le maintien d’un équilibre entre la conservation des ressources naturelles, d’une part, et les communautés qui les utilisent, d’autre part, sans compromettre la capacité de la nature à se régénérer. Les réserves de biosphère montrent que cette approche est viable et permet une coexistence harmonieuse entre les populations humaines et la nature.

Un réseau, une vision, un monde – les réserves de biosphère de l’UNESCO

Les réserves de biosphère de l’UNESCO (RB) sont des sites terrestres et côtiers offrant la possibilité de concilier la conservation de la biodiversité avec son utilisation durable. Elles sont désignées par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) pour modéliser des approches innovantes permettant de réaliser les objectifs de développement durable (ODD).

Le Réseau mondial des réserves de biosphère (RMRB), créé dans le cadre du Programme sur l’Homme et la biosphère (Man and the Biosphere Programme – MAB) il y a 50 ans, est un réseau interactif et dynamique qui encourage l’intégration harmonieuse de l’Homme et de la nature. Il associe diverses formes de connaissances et offre diverses possibilités d’apprentissage conjoint dans différents sites de différents pays et différentes régions.

Le RMRB, dont sont actuellement membres 714 sites répartis dans 129 pays, y compris 21 sites communs à au moins deux pays ou continents, est reconnu comme outil majeur à utiliser pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD). Le concept de réserve de biosphère tire sa force de l’intégration de diverses connaissances, divers réseaux de parties prenantes et divers principes dans plusieurs conventions et programmes internationaux.

Les réserves de biosphère sont conçues pour aller au-delà de la conservation de la biodiversité pour mettre l’accent sur le bien-être communautaire. Elles remplissent ainsi trois fonctions complémentaires et d’égale importance :

  • ­conservation de gènes, d’espèces, de paysages, et de la diversité culturelle et écosystémique ; ­
  • développement socioéconomique offrant aux communautés humaines des avantages essentiels tels que des moyens de subsistance, des produits alimentaires et fourragers, et des valeurs culturelles ; ­
  • soutien logistique, à savoir recherche, suivi et éducation.

Pour remplir ces fonctions, les réserves de biosphère se caractérisent par trois zones interactives :

  • l’aire centrale, où toute activité humaine est interdite, à l’exception de la recherche ;
  • la zone tampon, où l’activité humaine compatible avec les objectifs de conservation (par exemple, laboratoires de recherche) est autorisée ;
  • la zone de transition ultrapériphérique, dans laquelle les communautés vivent et tirent parti des ressources dans le respect de pratiques durables.

Les réserves de biosphère diffèrent des autres réserves naturelles en ceci qu’elles mettent l’accent sur le bien-être humain, comparativement aux modes antérieurs de conservation des ressources qui ne tenaient pas suffisamment compte des besoins des communautés. L’approche participative est utilisée dans les réserves de biosphère pour encourager et habiliter les communautés à soutenir la conservation. Les RB offrent également à différentes parties prenantes la possibilité d’associer les connaissances pour innover et pour se familiariser, ensemble, avec le développement durable.

Les réserves de biosphère facilitent l’orientation ou la réorientation des parties prenantes vers la conservation de la nature, avec les gens et par leur intermédiaire, et elles sont émulées dans de nombreuses réserves naturelles. En regroupant toutes les sources de connaissances et en fédérant divers groupes de parties prenantes, les problèmes de gestion sont résolus plus rapidement.

L’apprentissage conjoint et le partage des expériences au sein du RMRB et de ses sous-réseaux ont amélioré les capacités des populations locales et de leurs parties prenantes grâce à des échanges, à des programmes éducatifs pour les enfants et les jeunes, à la mise en œuvre d’initiatives communautaires en faveur du développement durable et à l’intégration de concepts de connaissances traditionnelles dans la conservation.

Les populations peuvent interagir avec leurs homologues dans d’autres régions gérant des ressources similaires ou différentes pour tirer des enseignements de leurs expériences et chercher des solutions communes. Les réserves de biosphère favorisent également la paix entre les populations de différents pays grâce à l’utilisation de plans et de programmes conjoints pour gérer des écosystèmes communs.

L’histoire du Ghana à ce jour : l’exemple de la réserve de biosphère de Bia

La réserve de biosphère de Bia se situe dans la zone de transition du Ghana entre la forêt humide à feuilles persistantes et la forêt humide semi-décidue dans le sud-ouest du pays, le long de la frontière avec la Côte d’Ivoire. L’aire centrale est constituée de l’aire de conservation de Bia (Bia National Park et Bia Resource Reserve) et de la forêt d’ « Apaaso », site sacré réservé à la prière et aux sacrifices. La zone tampon comprend quelques réserves forestières voisines dégradées organisées en zones de gestion de ressources communautaires, alors que la zone de transition comprend environs 30 communautés.

On estime que la réserve a une population totale de 65 000 habitants, dont environ la moitié ne dispose pas du salaire minimum national quotidien (2 USD). Elle est gérée par la division de la faune de la commission de foresterie (Wildlife Division of the Forestry Commission) en collaboration avec le conseil consultatif et les comités des zones de gestion des ressources communautaires (Community Resource Management Area – CREMA). Les communautés ont adopté les CREMA car la gestion des ressources leur a été confiée par la Wildlife Division, ce qui accentue leur sentiment d’appropriation.  

La réserve de biosphère de Bia est connue pour posséder quelques-uns des arbres les plus hauts du pays, par exemple Pericopsis elata et Khaya anthotheca. Elle sert aussi de refuge à de nombreuses espèces animales importantes, dont 34 espèces de mammifères tels que l’éléphant d’Afrique (Loxodonta africana), le chimpanzé (Pan troglodytes verus), le singe colobe olive (Procolobus verus) et le colobe de Geoffroy (Colobus vellerosus).

Elle compte également 60 espèces d’oiseaux tels que le bulbul des jardins (Pycnonotus barbatus) et la grande aigrette (Egretta alba), des invertébrés tels que l’escargot géant d’Afrique (Achatina) et 40 espèces de papillons Pericopsis elata, dont le voilier des citronniers (Papilio demodocus). La protection de ces espèces contribue à la réalisation des ODD 13, 14 et 15.

En ce qui concerne la fonction de développement (ODD 1, 2 et 3), les communautés pratiquent l’agriculture (surtout celle du cacaoyer, principale culture commerciale du Ghana), produisent des légumes, des fruits et d’autres cultures vivrières, et tirent également des recettes des visites de touristes dans le parc national et d’activités commerciales. La forêt produit de nombreuses plantes médicinales utilisées par les communautés.

Plusieurs initiatives ont été mises en œuvre par diverses parties prenantes pour lutter contre certaines animosités communautaires antérieures et un sentiment de marginalisation lié à la délimitation du parc national. Deux de ces initiatives cherchent à reproduire les avantages tirés de l’appartenance au RMEB pour le RB de Bia ; il s’agit du projet de l’UNESCO Biosphere Reserves for Biodiversity Conservation and Sustainable Development in Anglophone Africa (BRAAF) (réserves de biosphère pour la conservation de la biodiversité et le développement durable en Afrique anglophone), mis en œuvre dans cinq écosystèmes forestiers au Ghana, au Nigeria, en Tanzanie, au Kenya et en Ouganda entre 1995 et 1997, et du projet Green Economy in Biosphere Reserve (GEBR) (économie verte dans les réserves de biosphère), mis en œuvre de 2013 à 2017 dans trois écosystèmes forestiers au Ghana, au Nigeria et en Tanzanie.

Dans la cadre du projet BRAAF, les activités des communautés ont été réorientées, grâce au renforcement des capacités, à la sensibilisation et à des initiatives visant à créer des moyens d’existence complémentaires tels que l’élevage d’escargots, la production de pleurotes, l’élevage d’aulacodes et l’apiculture, de manière à comprendre et soutenir la conservation.

Des recommandations en faveur de la création d’un corridor commun de migration des éléphants avec la Côte d’Ivoire ont également été faites. Le projet GEBR s’est appuyé sur cette base pour réduire la pauvreté en diversifiant l’économie locale grâce à l’apiculture, la culture de champignons, la production d’huile de palme, la gestion d’entreprise et l’élevage d’escargots (220 personnes ont été formées et ont monté une affaire). Les bénéficiaires ont également suivi une formation en gestion commerciale et financière assurant également l’autonomisation des femmes (40 pour cent des bénéficiaires). Grâce à toutes ces initiatives, Bia contribue à la réalisation des ODD 1, 5, 8, 11, 13, 14, 15 et 16.

En ce qui concerne sa fonction logistique, Bia est un site de recherche pour les universités nationales et les chercheurs internationaux effectuant des travaux sur la culture, les chimpanzés, les éléphants, les papillons, la production de cacao et les organismes du sol. Un programme dynamique d’éducation scolaire et communautaire (en activité avant la COVID-19) facilite le changement de comportement chez les jeunes face au développement durable. Plusieurs études (sur les escargots, les champignons et la rivière Bia) ont été réalisées dans le cadre du prix des jeunes scientifiques du MAB (MAB Young Scientists award).

Leçons apprises et problèmes restant à résoudre

Pour les gens de Bia, l’affiliation au RMRB a donné plus de visibilité et plus d’occasions de partager leurs expériences avec leurs homologues locaux, nationaux et internationaux, au profit de tous. La réserve de biosphère a accueilli des délégations d’Écosse, du Sénégal, du Nigeria, de Tanzanie et d’autres pays dans le cadre de projets communs. Et surtout, les communautés sont dorénavant plus impliquées ; elles sont mieux orientées et collaborent plus avec les autorités gestionnaires du projet.

Sur la base de recommandations antérieures du projet BRAAF, un projet FEM/FAO a été mis en œuvre. Il a conduit à la préparation d’un plan de gestion conjoint du corridor forestier Bia-Diambakro dont la mise en œuvre a été confiée aux services de foresterie et aux divisions de la faune de la Commission de foresterie (Forest Services and Wildlife Divisions of the Forestry Commission) au Ghana et à la Société de développement des forêts (SODEFOR) et au service des parcs nationaux en Côte d’Ivoire. D’autres CREMA ont été délimitées pour gérer les ressources forestières dans la zone de transition.

Le principal enseignement réitéré par les communautés est que les problèmes qu’elles rencontrent dans la gestion des ressources naturelles et du développement durable ne sont pas uniques mais qu’ils sont, au contraire, communs à toutes les communautés du monde. Toutefois, comme se plaisent à le dire nos ainés : « Deux têtes valent toujours mieux qu’une. »

Il est donc plus efficace de consulter d’autres personnes pour résoudre des problèmes. La collaboration des parties prenantes et les partenariats pour la réalisation des objectifs (ODD 17) sont essentiels pour la réalisation de tous les autres ODD, et les réserves de biosphère jouent un rôle fondamental pour réunir les parties prenantes afin d’approfondir notre relation avec la nature.

Aller de l’avant

Bien entendu, la gestion de la Réserve de Bia ne va pas sans poser de problèmes. Les conflits entre les humains et la faune, par exemple lorsque des éléphants saccagent des plantations de cacaoyers, la dégradation des réserves forestières dans les zones de transition au profit de terres agricoles, l’insuffisance du financement gouvernemental et le braconnage sont parmi les plus importants. Pour lutter contre ces problèmes, la pratique de l’apiculture sur les exploitations et la méthode de la graisse de piment sont encouragées pour éloigner les éléphants.

Les divers projets, notamment le programme national REDD+, ont encouragé les plantations d’enrichissement dans les zones forestières dégradées, alors que la collaboration générale des parties prenantes s’est accentuée pour améliorer l’application de la loi et la sensibilisation locale au zonage. Grâce à la collaboration avec la commission nationale de planification du développement (National Development Planning Commission – NDPC), qui a commencé en 2017 à intégrer le concept de RB dans la planification du développement, le comité national du MAB doit publier un guide à l’intention des agents de district pour assurer une augmentation de l’affectation de ressources financières gouvernementales aux activités des RB lors de la préparation des plans à moyen terme pour 2022–2025.

Le Forum national bisannuel sur les réserves de biosphère et le développement durable, créé en 2018 pour améliorer la sensibilisation au concept des RB, continuera d’être utilisé comme plateforme de travail en réseau et de partage.

Le concept des RB a énormément profité à la population de Bia, de la région et de la nation dans son ensemble. Pendant l’année anniversaire du programme MAB, la recherche d’un consensus devrait se renforcer de manière à obtenir le soutien optimal des parties prenantes afin de faire de Bia un site d’excellence pour l’apprentissage de la durabilité.
 

Sheila Nana Akua Ashong est directrice adjointe de l’Agence du Ghana pour la protection de l’environnement. Elle est spécialiste des réserves de biosphère de l’UNESCO et membre de la première cohorte de femmes pour l’environnement (1st Women for the Environment (WE Africa) Cohort), 2021. Sheila est titulaire d’une licence en gestion des ressources naturelles et d’une maîtrise en gestion internationale de la pêche. Actuellement, elle est doctorante en gestion intégrée des zones côtières à l’Africa Centre of Excellence in Coastal Resilience, université de Cape Coast, Ghana.
Contact: sheila.ashong@epa.gov.gh

Références

EPA (2014). Biological survey of the Bia Biosphere Reserve. Unpublished report.

EPA (2010). Ecological Mapping of The Songor Ramsar Site.

EPA (2014). Songor Ramsar site & UNESCO Biosphere Reserve Management Plan

EPA (2017). Periodic Review  Report of the Bia Biosphere Reserve.

EPA (2018) Ghana Action Plan for the Man and the Biosphere (MAB) Programme.

http://www.epa.gov.gh//epa/publications/man-and-biosphere-mab-programme

German Commission for UNESCO (2015). Management Manual for UNESCO Biosphere Reserves in Africa.
bit.ly/1E8sjfU

UNESCO (1995). The Statutory Framework of the World Network of Biosphere Reserves

UNESCO (2021) Technical Guidelines for Biosphere Reserve Management

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