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L’agriculture de demain – source durable de produits alimentaires, de matières premières et d’énergie ?
« La demande croissante de nourriture, de matières premières et d’énergie : opportunités pour l’agriculture, problèmes pour la sécurité alimentaire ? ». Cette question a été le thème principal du 7ème Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture (Global Forum for Food and Agriculture – GFFA) qui s’est tenu à Berlin, Allemagne, en janvier et auquel ont assisté plus de 60 ministres de l’Agriculture et 1 300 représentants des milieux politiques et scientifiques, et de la société civile.
Les experts estiment que l’agriculture va connaître des changements rapides et radicaux dans la mesure où elle va bientôt être confrontée à la nécessité de produire de la nourriture pour neuf milliards de personnes tout en ménageant les ressources naturelles en eau, en sol et en forêt et en apportant une contribution croissante à la bio-économie à laquelle on fait actuellement référence à l’échelle mondiale.
C’est dans ce contexte que le GFFA de cette année, inauguré par M. Christian Schmidt, ministre allemand de l’Agriculture, s’est déroulé. M. Schmidt a notamment déclaré que « la bio-économie était la solution de demain. Si, grâce à son développement, un plus grand nombre de personnes peuvent gagner leur vie dans les régions rurales du monde entier, cela contribuera à lutter contre la pauvreté et à assurer la sécurité alimentaire. » Il a ajouté qu’une bio-économie durable s’appuyant sur un large éventail de filières pouvait contribuer de manière cruciale à la sécurité alimentaire, la protection du climat, la préservation des ressources naturelles et une moindre exploitation des ressources fossiles pour les générations à venir.
Le professeur Joachim von Braun, de l’université de Bonn, a également mis en avant les opportunités considérables offertes par la bio-économie. « Nous devons instaurer de nouveaux liens entre les humains et la nature », a-t-il dit lors de la table ronde. « La consommation d’énergie ne doit plus être le seul élément essentiel. Au contraire, il faut mettre l’accent sur la création de produits dont l’empreinte écologique soit respectueuse de l’environnement. » M. Petteri Orpo, ministre finlandais de l’Agriculture, a ajouté que dans son pays, 60 pour cent de la production étaient déjà basés sur la biotechnologie et que la bio-économie employait 300 000 personnes.
Mme Evelyn Nguleka, exploitante d’un petit élevage de volaille en Zambie et présidente de l’Organisation mondiale des agriculteurs, a souligné, lors de la table ronde, que les petits exploitants avaient une occasion unique de participer au développement de la bio-économie mais que pour cela, il fallait qu’ils participent au cycle d’information et d’innovation. À cette fin, une forte gouvernance politique est nécessaire dans les pays du Nord et du Sud. Elle a ajouté que la production de biocombustibles ne devait pas nécessairement entrer en concurrence avec la production alimentaire et a invité les politiciens et le milieu des affaires à investir plus dans l’exploitation des déchets agricoles pour produire de l’énergie, ce qui contribuerait à réduire la pression exercée sur les cultures alimentaires.
Selon Mme Cornelia Füllkrug-Weitzel, présidente de l’organisation protestante d’aide au développement « Brot für die Welt », l’intérêt croissant porté aux zones agricoles par des pays tels que la Chine et les États du Golfe et des entreprises souhaitant acquérir de vastes étendues de terres agricoles, notamment en Afrique, était un des problèmes posés par la bio-économie. Il est certainement plus efficace de produire une quantité suffisante de cultures vivrières sur de vastes superficies et de répondre ainsi à la demande de la bio-économie. Mais Mme Füllkrug-Weitzel craint que cela se fasse aux dépens de millions de petits exploitants qui, à l’échelle mondiale, ont été chassés de leurs terres, souvent sans le moindre dédommagement. Elle fait remarquer que ce sont précisément ces petits exploitants agricoles qui constituent le pilier de la production agricole mondiale. Tout comme d’autres participants à la table ronde, elle considère qu’il est urgent de mettre en vigueur des législations correspondantes dans les États du Nord et du Sud. Mme Füllkrug-Weitzel souligne que les Directives volontaires sur la gouvernance foncière et des ressources naturelles adoptées par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) doivent être intégrées dans les législations nationales de manière à s’opposer à l’achat non contrôlé de terres, c’est-à-dire à ce qu’on appelle l’accaparement des terres. Cela contribuerait notamment à protéger les droits fonciers des petits exploitants agricoles.
La nourriture avant tout....
... a rappelé Mme Elizabeth Mpofu, coordinatrice générale de La Via Campesina, en Afrique. Elle souligne l’importance capitale des connaissances autochtones dans l’agriculture durable et met en garde de ne pas sacrifier ces connaissances sur l’autel de l’agro-industrie. Mme Nguleka, présidente de l’Organisation mondiale des agriculteurs, oppose à cet argument que les agriculteurs ont le droit de tirer profit des opportunités offertes par la bio-économie et qu’ils doivent saisir ces opportunités. M. Von Braun a appuyé cette demande en invitant les pays du Nord à partager les technologies existantes avec les agriculteurs du Sud et, ainsi, à non seulement améliorer la fourniture de matières premières pour l’économie basée sur la biotechnologie mais aussi, et parallèlement, à apporter une importante contribution à une agriculture efficiente ménageant les ressources naturelles.
Mme Nguleka a ajouté : « Nous devons nous assurer que les agriculteurs du monde entier gèrent efficacement leurs terres. L’agriculture, c’est une activité économique, pas un passe-temps. »
En conclusion de la table ronde, M. José Graziano da Silva, directeur général de la FAO, attirait l’attention sur l’opportunité offerte par la bio-économie de tirer avantage des déchets résultant de la production alimentaire. Il a insisté sur le fait que le passage à une économie basée sur la biotechnologie ne devait pas se faire aux dépens de la petite agriculture biologique, mais que cela relevait de la gouvernance politique.
Angelika Wilcke, Rural 21 – Bureau de la rédaction
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