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Conversion d’herbages – De nouvelles idées en devenir ?
La transformation des herbages progresse depuis des décennies. En Afrique, par exemple, près de 660 millions d’hectares d’herbages, dont principalement des savanes, ont été convertis en terres cultivées depuis 1850. Le passage de systèmes de cultures itinérantes sur brûlis à des systèmes de culture permanents a ici joué un rôle essentiel. Toutefois des tendances contraires existent également, comme dans l’ancienne Union soviétique, par exemple. Au Kazakhstan, en particulier, l’abandon de la production de plantes cultivées a favorisé l’émergence d’herbages.
La principale force motrice pour la conversion des herbages est la pression exercée par la population et les besoins accrus de nourriture. Cette évolution va souvent de pair avec des conflits opposant les pasteurs et les agriculteurs, explique le Professeur Regina Birner de l’université de Hohenheim lors du Colloque organisé à l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation, le 16 octobre. Parmi les autres facteurs importants, il y a la demande croissante de ressources renouvelables et la hausse des prix des produits agricoles. Elles sont à l’origine d’une augmentation de la valeur des terres qui, à son tour, accroît la spéculation foncière. Ces dernières années, les acquisitions de terres à grande échelle ont été en nette progression, en particulier en Afrique. Les droits fonciers jouent un rôle dans ce contexte. « Nous pouvons observer que des acquisitions de terres à grande échelle ont eu lieu partout où les droits fonciers de la population locale n’étaient pas légalement garantis » note Birner. « La question des droits fonciers est l'un des instruments les plus importants quand il en va de l’utilisation et de la gouvernance des herbages. »
Birner affirme que le renforcement des droits des petits agriculteurs est l’un des instruments les plus forts pour prévenir la transformation des herbages en terres arables. Les titres fonciers à base communautaire pourraient également constituer une approche efficace. Il serait en outre possible d’envisager l’introduction de normes et certificats internationaux du type de ceux qui sont aujourd’hui devenus courants dans le secteur de la foresterie de sorte que des produits d’herbages certifiés soient disponibles à l’avenir. Il est cependant indispensable d’accroître la production et la productivité des terres qui ont déjà été transformées, en particulier en Afrique, afin de réduire la pression exercée sur les herbages. Birner a demandé que davantage de travaux de recherche soient faits, par exemple sur l’intensification des écosystèmes d’herbages.
Produire plus de viande et de lait sur les herbages plutôt que de les labourer
Les herbages sont l’habitat des grands mammifères herbivores subsistant encore, par exemple les éléphants en Afrique, et se caractérisent par une grande diversité botanique et écologique. À l’échelle du monde, ils comptent parmi les puits de carbone les plus importants, juste derrière les forêts tropicales. Chaque fois que des herbages sont transformés en terres arables, d’importantes quantités de gaz à l’état de traces, qui ont un impact climatique, sont émises dans l’atmosphère. « Dans les herbages des zones tropicales, environ 20 à 30 pour cent de la biomasse est souterraine. Ces puits de carbone sont perdus quand des terres sont converties », note le professeur Folkard Asch de l’université de Hohenheim. En outre, l’agriculture n’utilise le sol que sur une base saisonnière. Il explique que « dans les zones tropicales, les terres mises en jachère sont menacées par l’érosion éolienne et hydrique ». C’est pourquoi, contrairement à ce qui était quand les herbages étaient utilisés comme parcours dans les systèmes pastoraux, l’agriculture n’était souvent pas durable ici. La disparition des herbages serait préjudiciable au climat et modifierait également les structures sociales des populations vivant dans ces régions.
On estime que l’Afrique possède environ 300 millions d’hectares de terres potentiellement cultivables. Cependant Asch met ce chiffre en question et informe les participants au colloque que les superficies indiquées peuvent différer jusqu'à soixante pour cent. De plus les images satellite ne fournissent aucune indication sur l’utilisation effective des herbages, par exemple dans le cadre des activités d’élevage de bétail, sur leur utilisation pour la collecte de plantes médicinales, sur les changements saisonniers d’affectation des terres ou encore sur le fait qu’ils procurent un habitat aux animaux. L’expert a lancé un appel en faveur de la conservation et de l’exploitation durable des herbages. De son avis, les produits animaux devraient principalement provenir des herbages, mais il reste prudent face à sa propre proposition et d’ajouter « Parlez prix avec les consommateurs ! ».
Il est soutenu par son collègue, le Professeur Hans K. Biesalski. L’expert en nutrition note que les animaux qui pâturent convertissent les graminées que les êtres humains ne parviennent pas à digérer en une précieuse source d’aliments pour eux. La viande et le lait sont importants pour l’approvisionnement en protéines et en micronutriments, la biodisponibilité de fer et de zinc étant considérablement plus importante dans les produits animaux que dans les aliments d’origine végétale. Cela est vrai également en ce qui concerne la vitamine A.
À la recherche de solutions intelligentes
Comment les populations peuvent-elles survivre tout en maintenant les herbages ? Cette question a été au centre de la discussion finale. L’une des réponses à cette question a été qu’il fallait exploiter les ressources naturelles de façon intelligente, la seconde qu’il fallait changer les chaînes de valeur de façon que les personnes vivant dans les zones d’herbages puissent en tirer profit. À son titre d’expert local du Kenya, Daoud Abkula, de l’Institut international pour l'environnement et le développement, soulève une autre question dans ce débat. « Les gouvernements n’aiment pas déplacer les gens » explique-t-il. Ils les installent dans des sites sensibles qui sont des terres arides. » Cela est en contradiction avec le fait que les pasteurs ont besoin de mobilité pour s’adapter aux ressources naturelles. « Il s’agit d’une situation complexe, mais de nouvelles idées sont en train de naître », fait remarquer Abkula.
Beate Wörner, journaliste, Fellbach/Allemagne
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