Un grand nombre d’études de cas ont été présentées lors de la conférence.
Photo: A. Emmerling

Comment lutter contre la faim invisible ?

À l’échelle mondiale, plus d’un tiers des décès d’enfants de moins de cinq ans sont associés à la malnutrition. Des chercheurs, des agents de terrain et des représentants des instances gouvernementales, du secteur privé et de la société civile se sont réunis lors du Deuxième congrès international sur la faim invisible pour mettre leurs expériences en commun.

À l’échelle mondiale, presque un être humain sur trois souffre de faim invisible, c’est-à-dire d’un manque de micronutriments, et environ 170 millions d’enfants de moins de cinq ans accusent un retard de croissance. L’Afrique et l’Asie sont particulièrement touchées par ce fléau. En effet, dans ces continents, plus de la moitié des enfants de cette tranche d’âge souffrent d’un retard de croissance. À l’échelle mondiale, plus d’un tiers des décès d’enfants de moins de cinq ans sont associés à la malnutrition. On a constaté que chez eux la mortalité est considérablement plus forte que chez les enfants bénéficiant d’un apport suffisant en micronutriments. C’est ce qu’a déclaré Robert Black, de l’École Bloomberg de santé publique de l’université Johns Hopkins, Baltimore, États-Unis, lors du 2e Congrès international sur la faim invisible qui s’est tenu début mars à l’université de Hohenheim, à Stuttgart, en Allemagne.   

L’alimentation de la mère joue un rôle crucial

Toutefois, en ce qui concerne le développement d’un enfant, le cours des choses est fixé longtemps avant sa naissance. Robert Black soutient que l’état de santé de la mère joue déjà un rôle primordial avant la conception. Des études menées en Inde montrent qu’environ un tiers des cas de retard de croissance peuvent trouver leur origine dans la croissance insuffisante du fœtus. C’est ce qui amène M. Black à considérer que les mesures appliquées uniquement pendant la grossesse ne suffisent pas. Un manque de micronutriments pendant le séjour du bébé dans le ventre de sa mère a de multiples conséquences. Par exemple, une carence en iode réduit la croissance alors qu’un manque de fer ralentit le développement neurologique. Des études ont montré que l’administration de composés de fer aux femmes a un effet positif sur les résultats scolaires des enfants. La faim invisible est non seulement une tragédie humaine, mais elle pèse également sur l’économie. M. Black a démontré que la sous-alimentation réduisait de huit pour cent le rendement économique d’un pays.

La période consécutive à la naissance, jusqu’à ce que l’enfant atteigne deux ans, est tout aussi importante pour le développement de l’enfant que celle qu’il a passé dans le ventre de sa mère. Dans la plupart des pays à revenus moyens et faibles, les nourrissons et les enfants en bas âge ne bénéficient pas d’une alimentation suffisante et adaptée après la phase d’allaitement au sein. Et surtout, les petits enfants sont carencés en zinc et en fer. Mais en plus du manque d’argent, les femmes n’ont souvent pas les connaissances nécessaires pour avoir un régime alimentaire équilibré, pour elles et pour leurs enfants. Une étude de cas réalisée dans l’ouest du Kenya a montré qu’en incluant cinq végétaux sauvages locaux dans l’alimentation on s’assurait que les repas contenaient la dose conseillée de fer pour les femmes et pour les enfants en bas âge (jusqu’à 23 mois). Il n’est donc pas étonnant que l’association des connaissances locales et des végétaux locaux avec la science ait été une demande entendue comme un leitmotiv lors de la conférence. 

Des « arbres alimentaires »  pour de meilleurs régimes alimentaires

Les études réalisées par Katja Kehlenbeck, du Centre international pour la recherche en agroforesterie (CIRAF), ont montré que les arbres alimentaires locaux peuvent apporter une importante contribution à un régime alimentaire riche en nutriments. En plus des arbres fruitiers, cette catégorie comprend des arbres tels que le moringa, le baobab ou l’arbre à pain dont les fruits servent même de denrée alimentaire de base. Les feuilles du palmier à huile sont également de précieuses sources de nutriments. Par exemple, il suffit de neuf grammes de feuilles de palmier à huile pour couvrir les besoins quotidiens d’un adulte en vitamine C. Certaines variétés de baobab ont également une très forte teneur en vitamine C. De leur côté, les feuilles du moringa sont de véritables bénédictions en matière de nutriments. Ainsi, cent grammes de ces feuilles contiennent trois fois plus de vitamine C qu’une orange et dix fois plus de vitamine A, sans compter qu’elles ont également une forte teneur en calcium et en fer.

Selon des études réalisées au Kenya et en Tanzanie, à condition de les associer de manière appropriée, les arbres alimentaires indigènes peuvent fournir à une famille les micronutriments vitaux dont elle a besoin pendant toute l’année. Ceci est avant tout important pendant la « saison de la faim » qui correspond à la période entre août et décembre. Parallèlement, les feuilles et les fruits sont une importante source de revenu pour les femmes. Les agriculteurs kényans cultivent de huit à treize variétés d’arbres dont les fruits sont riches en vitamine A et presque toutes les exploitations ayant fait l’objet des études cultivaient des manguiers. Katja Kehlenbeck souligne toutefois que plus la production de mangues prend de l’ampleur, plus on cultive de variétés contenant moins de vitamine A que les variétés locales. Pour que les arbres alimentaires en arrivent à faire partie intégrante de l’alimentation, il est indispensable de préparer des portefeuilles d’arbres alimentaires spécifiques à des régions, culturellement acceptés et d’origine locale.

Une mauvaise alimentation tue plus que le VIH/SIDA

Les régimes alimentaires évoluent à mesure que la transition nutritionnelle s’accélère. En Afrique de l’Ouest, par exemple, les taux d’obésité chez les adultes ont augmenté de 115 pour cent au cours des 15 dernières années et aujourd’hui, la mortalité due aux maladies non transmissibles excède celle qui est due au VIH/SIDA. Gudrun Keding, de Bioversity International, a examiné les modes d’alimentation des femmes au Kenya et en Tanzanie et en a conclu que leurs régimes alimentaires sont plus diversifiés, à ceci près que, souvent, cette diversité s’appuie simplement sur une plus grande consommation de sucre, de farine blanche, de produits à base de farine blanche ou d’autres produits riches en calories – aux dépens des micronutriments. Ce sont surtout les jeunes femmes qui ont tendance à préférer ce type d’alimentation. Ces changements d’habitudes alimentaires coïncident avec une perception différente de la rondeur et de la minceur. Ainsi, en Tanzanie, l’embonpoint est considéré comme quelque chose de négatif, comme dans les pays du Nord. L’étude a montré que la consommation d’aliments à forte teneur énergétique pose non seulement un problème dans les zones urbaines mais qu’elle suit également une courbe croissante dans les zones rurales. Mme Keding a soutenu qu’il faudrait faire adopter des habitudes alimentaires en faveur d’une alimentation équilibrée.

Beate Wörner, Fellbach, Allemagne


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